Des enregistrements mettent en évidence un délai de dix minutes entre le signal de l’assaut lancé via un portable par Arnaud Beltrame et l’intervention des gendarmes dans le Super U.
Trois semaines après les attentats dans l’Aude, l’enquête judiciaire permet de retracer les quatre heures d’un huis clos dramatique au Super U de Trèbes. Mais pas de lever tous les mystères. Y a-t-il eu dysfonctionnement ? Le minutage réalisé à partir de l’enregistrement des échanges avec le preneur d’otages a révélé, en effet, un délai d’un peu plus de dix minutes entre la tentative du lieutenant-colonel Beltrame pour désarmer le djihadiste et le déclenchement de l’intervention menée par l’antenne locale du GIGN.
À 10h39, Radouane Lakdim arrive sur le parking au volant d’une Opel Corsa volée. Au moment où il pénètre dans le supermarché en hurlant « Allahou akbar ! » une cinquantaine de personnes sont présentes. Le chef boucher, Christian Medves, est tué par balles à la caisse, tout comme un client, Hervé Sosna. Les forces de l’ordre bouclent le secteur vers 11 heures.
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Selon le schéma national d’intervention édicté par l’ancien ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, la crise est gérée par les premières unités présentes sur place. Les hommes du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Carcassonne puis ceux de l’antenne du GIGN de Toulouse, devancent les policiers des BRI de Montpellier et de Narbonne. Les gendarmes dirigeront donc l’opération.
Téléphone portable allumé
Après être entrés par l’arrière, ils prennent position à l’étage, dans la salle de vidéosurveillance. Une colonne, accompagnée du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, chef du dispositif en tant que plus haut gradé sur place, libère les otages réfugiés notamment dans une chambre froide. Lakdim, lui, se retranche dans la salle des coffres prenant avec lui une hôtesse de caisse.
À 11h28, Beltrame propose au terroriste de se substituer à l’employée et pénètre à son tour dans la pièce. Initiative personnelle qui suscite un moment de tension à la cellule de crise activée à la direction générale de la gendarmerie, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Le lieutenant-colonel a pris soin au préalable de déboucler son ceinturon, déposant son pistolet Sig Sauer 9 mm à l’extérieur de la salle.
L’officier, qui ne porte aucun gilet pare-balles, a la présence d’esprit de laisser son téléphone portable allumé, ce qui permet d’obtenir une sonorisation de la pièce, en plus des moyens de surveillance déployés par les unités d’intervention. Pour sa part, Lakdim est armé d’un 7,65 mm d’un modèle ancien et assez peu répandu.
14h16, Beltrame tente de désarmer le terroriste
La négociation de crise, amorcée localement à 12h10, est maintenant gérée depuis Satory (Yvelines), quartier général du GIGN. Pour intervenir hors situation d’urgence, l’antenne locale doit obtenir l’aval de l’échelon national, qui a envoyé ses équipes réparties dans trois hélicoptères. Un psychologue participe aux discussions avec Lakdim. Les forces de l’ordre cherchent à gagner du temps et, espérant une reddition, font venir la mère et la sœur du terroriste devant le Super U. En vain…
À 13h10, Radouane Lakdim sort brièvement de la salle des coffres tenant son otage sous la menace de son arme et menace de « tout faire sauter ». Puis se retire, après avoir récupéré un chargeur de téléphone près des caisses. Le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie, ne veut pas laisser passer une nouvelle occasion de neutraliser le terroriste. C’est pourquoi il donne l’ordre aux tireurs de précision de profiter de la moindre opportunité.
Les hélicos du GIGN sont encore à plusieurs dizaines de minutes de vol de Trèbes lorsque tout bascule. À 14h16, le lieutenant-colonel Beltrame tente de désarmer le terroriste. Sur la bande, on entend confusément « Assaut assaut ! ». Puis trois coups de feu.
Lakdim neutralisé plus de 10 minutes après les tirs
Selon nos informations, l’intervention menée par une colonne de neuf hommes, qui permet de neutraliser Radouane Lakdim, a lieu plus de dix minutes plus tard. Des sources concordantes indiquent pourtant que le rapport d’intervention transmis à la justice ne mentionne pas ce délai.
Interrogée sur les conditions de l’assaut, la direction générale de la gendarmerie refuse de commenter, arguant du fait qu’une enquête judiciaire est en cours. « Il était nécessaire de localiser et évaluer les piégeages avant de les neutraliser », fait cependant valoir une source proche du dossier pour expliquer ce décalage dans le temps. Trois charges artisanales ont bien été retrouvées dans le magasin.
L’arme de Lakdim, qui avait tiré toutes ses munitions, a été retrouvée sur place, de même que le 9 mm du lieutenant-colonel. L’hypothèse la plus vraisemblable est que le terroriste ait récupéré ce pistolet déposé par l’officier à l’extérieur de la salle des coffres. L’autopsie a montré qu’Arnaud Beltrame est décédé des suites d’un coup de poignard porté au niveau de la trachée. Il avait par ailleurs des blessures par balles, non mortelles, au pied et au bras.
Le Parisien
Commentaires
pour l,opinion, avec les grèves actuelles , l,affaire Beltrame , c,est déjà oublié , un sacrifice inutile .
qu,il repose en Paix .
salutations.
Ceci me conforte dans mes commentaires précédents sur le manque de professionnalisme dans toute cette action gérée très bureaucratiquement.
Les procédures et les protocoles doivent être révisés et laisser plus de place aux initiatives des spécialistes et à l'instinct de ces guerriers hors pair par ailleurs que sont les gendarmes du GIGN. Un ou deux tireurs d'élite auraient suffi à régler le problème très rapidement, sans risque pour l'otage.
Dirk : la trouille des autorités , si celles ci laisseraient l,initiative aux hommes de terrain , que cela se passe mal avec otages tués lors de l,assaut , etc . . .donc un cadre est bien défini , entamer le dialogue avec le ou les terros , pour essayer de sauver les otages, et même les terros contre leur gré .
pas de volonté politique , donc pas d,efficacité ou si peu .
salutations.