L'enquête sur cette affaire d'emplois fictifs présumés, qui porte sur une soixantaine de personnes, menace la survie du parti selon Marine Le Pen.
"Coup d'Etat", "coup de force", "peine de mort", "attentat", "persécution"... Marine Le Pen a épuisé son vocabulaire toute la journée, à l'annonce de la saisie de 2 millions d'euros d'aides publiquesqui menace, selon elle, la survie du Rassemblement national (ex-FN) dès la fin de l'été. Les juges financiers parisiens ont ordonné cette saisie dans le cadre de l'affaire des emplois présumés fictifs d'assistants d'eurodéputés FN au Parlement européen, qui a donné lieu à de nouvelles mises en examen qui allongent une liste déjà longue au sein du parti d'extrême droite.
Le RN a aussitôt lancé un appel aux dons, et aurait déjà recueilli près de 50.000 euros, sur les 350.000 dont il a besoin pour se financer d'ici à fin août. Les juges Renaud Van Ruymbeke et Claire Thépaut invoquent eux l'endettement du parti pour justifier cette saisie, craignant que la subvention ne serve qu'à rembourser des emprunts et soit donc indisponible pour recouvrer d'éventuels dommages.
Le Parlement européen a estimé le préjudice total à 7 millions d'euros pour la période 2009 à 2017.
14 mises en examen
Les juges d'instruction, qui ont pour l'heure procédé à 14 mises en examen, enquêtent sur un possible "système" organisé pour rémunérer des permanents du parti avec les fonds européens réservés à l'embauche d'assistants parlementaires. En tout, 17 élus ou ex-élus, dont Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, Louis Aliot et Florian Philippot, et une quarantaine d'assistants seraient concernés.
Voici les mises en examen prononcées, dans l'ordre chronologique :
- 22 février 2017 : Catherine Griset, cheffe de cabinet de Marine Le Pen, pour recel d'abus de confiance. En pleine campagne présidentielle, Marine Le Pen dénonce une "cabale politique". Salariée de 2010 à 2016 par le Parlement européen, Catherine Griset avait également des activités au sein du parti. La liste des entrées et sorties du Parlement n’a gardé que peu de traces des passages de madame Griset : 3 heures seulement, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2014. Comme révélé par "l'Obs", Catherine Griset a une explication très personnelle : "Je rentrais par le parking, dans la même voiture que Madame Le Pen"...
- 6 mars 2017 : Charles Hourcade, assistant parlementaire de l'eurodéputée Marie-Christine Boutonnet, pour recel d'abus de confiance. Il est suspecté d'avoir indûment perçu "environ 37.000 euros brut entre septembre 2014 et février 2015", alors qu'il avait des activités de graphiste au sein du FN. En 5 mois, il n'avait jamais contacté sa députée. Convoquée chez le juge d'instruction dans cette affaire, Marine Le Pen ne se rend pas à sa convocation, dénonçant "une opération politique".
- 20 juin 2017 : Marie-Christine Boutonnet, eurodéputée, pour abus de confiance. Sa mise en examen concerne l'emploi présumé fictif de son assistant Charles Hourcade. Devant les juges, ce dernier raconte le jour où il est devenu assistant parlementaire sur un "coup de fil", à la demande du trésorier du FN Wallerand de Saint-Just : "J'ai été mis devant le fait accompli", explique-t-il.
- 3 juillet 2017 : Marine Le Pen, ex-eurodéputée et présidente du FN, pour l'emploi présumé fictif de son assistante Catherine Griset.
- Courant juillet 2017 : Loup Viallet, ex-assistant parlementaire de Dominique Bilde, et Laurent Salles, ex-assistant de Louis Aliot, pour recel d'abus de confiance. Comme le révélait "l'Obs" l'an dernier, Laurent Salles a touché 31.000 euros alors qu'il n'avait échangé qu'un unique SMS avec son "employeur" entre juillet 2014 et février 2015.
- 30 novembre 2017 : Représenté par Wallerand de Saint-Just, le Front national est mis en examen pour complicité d’abus de confiance et recel d’abus de confiance. "C'est la logique exacte de l’instruction", réagit le trésorier.
- 22 décembre 2017 : Louis Aliot, eurodéputé, pour abus de confiance au sujet de l'emploi, de juillet 2014 à fin février 2015, de son ex-assistant parlementaire Laurent Salles.
- 20 mars 2018 : Timothée Houssin, ex-assistant de Nicolas Bay entre juillet 2014 et début 2015, pour recel d'abus de confiance. Au cours de cette période, il figurait également sur l'organigramme du parti... sous la responsabilité de Nicolas Bay, alors secrétaire général, en tant qu'adjoint de la secrétaire nationale aux fédérations Nathalie Pigeot.
- 18 avril 2018 : Thierry Légier, garde du corps de Marine Le Pen, pour recel d'abus de confiance. Cette mise en examen concerne son emploi d'assistant parlementaire aux côtés notamment de Jean-Marie Le Pen et de Marine Le Pen alors qu'il occupait en réalité les fonctions de garde du corps du co-fondateur du FN puis de sa fille, à compter de 2011.
- 8 juin 2018 : Nicolas Bay, pour abus de confiance, pour l'emploi présumé fictif de Timothée Houssin.
- Début juillet 2018 : Guillaume L'Huillier et Micheline Bruna, tous deux ex-assistants au Parlement européen de Marine Le Pen et de Bruno Gollnisch, pour recel d'abus de confiance. Guillaume L'Huillier travaillait en réalité comme directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen, tandis que Micheline Bruna était la secrétaire particulière de ce dernier.
- 6 juillet 2018 : Bruno Gollnisch, eurodéputé, pour abus de confiance, au sujet des emplois présumés fictifs de Guillaume L'Huillier et Micheline Bruna. "C'est dérisoire. Je n'ai pas détourné un centime du Parlement européen", a-t-il réagi. "Au contraire, mes assistants parlementaires ont fourni un travail acharné, conformément à la législation et aux usages de la vie parlementaire."
Plusieurs ténors du parti, dont le trésorier Wallerand de Saint-Just, ont par ailleurs été entendus par la justice et laissés libres. Parmi les indices qui accréditent cette hypothèse, les enquêteurs ont saisi une lettre cruciale du trésorier du parti adressée à Marine Le Pen :
"Dans les années à venir et dans tous les cas de figure, nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen", écrit Wallerand de Saint-Just dans ce courrier daté du 16 juin 2014.
Un ancien assistant de Florian Philippot, Mickaël Ehrminger, a également demandé à être entendu par l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf).
A la suite d'une dénonciation de l'eurodéputée ex-FN Sophie Montel, le parquet de Paris a ouvert en mars 2017 une enquête préliminaire pour "abus de confiance", visant en tout 19 eurodéputés de tous bords, dont deux du MoDem. Ce dossier avait poussé hors du gouvernement trois ministres de la formation centriste : François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard.
Le FN en tant que personne morale, deux de ses cadres et des proches de Marine Le Pen attendent aussi leur procès dans l'affaire des kits de campagne aux législatives et à la présidentielle de 2012 : la justice soupçonne un système de surfacturations au préjudice de l'Etat, qui rembourse les frais électoraux avec de l'argent public.
T.V.
Commentaires
Comme c'est curieux, tous ces assistants parlementaires travaillaient donc pour le FN! Je n'aurais jamais cru cela: je croyais qu'ils travaillaient pour le PS, le PC ou pour l'UMP ! Mais alors les assistants parlementaires du PS, du PC ou de l'UMP travaillaient pour le FN ? C'est bien ça, je ne me trompe pas ?
le Système se régale , détruire la droite nationale , un véritable plaisir . . .!!
salutations.