Lauréate du prix Albert-Londres (1995), réalisatrice de nombreux documentaires, Marie-Monique Robin le dit avec modestie: il lui a suffi de fouiller sur Internet pour trouver tout le terreau nécessaire au début de son travail. "La grande majorité des documents que je cite dans mon livre, écrit-elle ainsi en introduction, sont disponibles sur la Toile. Il suffit de les chercher et de les relier entre eux, ce que j'invite le lecteur à faire, car c'est vraiment fascinant : tout est là et personne ne peut raisonnablement dire qu'on ne savait pas."
Documents déclassifiés, rapports, articles de presse: ce n'est effectivement pas la première fois que la firme créée en 1901 à Saint-Louis dans le Missouri est mise en cause, ses produits hautement controversés et son passé sulfureux. Mais le travail de Marie-Monique Robin est remarquable et salvateur, car il donne du sens à toutes ces pièces éparses.
La journaliste est allée enquêter aux Etats-Unis, en Norvège, en Italie, au Canada, au Mexique, au Paraguay, en Inde... pour, chaque fois, "confronter la parole de Monsanto à la réalité du terrain". Même si la firme du Missouri a toujours refusé de répondre à ses questions. Stratégie habituelle de cette entreprise envers tout journaliste qui ne lui semble pas "acquis" à sa cause.
Avec ténacité et rigueur, la journaliste a recueilli nombre de témoignages inédits et rencontré de nombreux "lanceurs d'alerte": La plupart du temps des chercheurs qui ont dénonçé, écrit-elle "ici une manipulation, là un mensonge ou encore des drames humains à répétition" et qui l'ont payé par de graves difficultés personnelles ou professionnelles, Monsanto optant pour une discréditation sans merci de ceux qui osent contester le bien-fondé de ses produits.
En retraçant l'histoire de ce mastodonte de l'agrochimie - 17.500 salariés, un chiffre d'affaires de 7,5 milliards de dollars en 2007 (dont un milliard de bénéfices) et une implantation dans 46 pays - qui préfère se présenter sur son site Web comme une "entreprise agricole" dont l'objectif est d'"aider les paysans du monde à produire des aliments plus sains", Marie-Monique Robin montre que l'entreprise a toujours adopté la même attitude: informée des risques sanitaires et environnementaux induits par ses produits, "elle enferme les données dans un tiroir et ne dit rien aux autorités sanitaires, et surtout pas à ses ouvriers".
Aujourd'hui, le vrai danger vient, selon la journaliste, de la croissance exponentielle des cultures OGM, qui ont couvert quelque 100 millions d'hectares en 2007, dont 90% correspondent à des caractéristiques génétiques brevetées par Monsanto. Là encore, Marie-Monique Robin a le mérite de pointer le vrai danger des OGM, et ainsi d'éclairer le sens profond du combat de José Bové et des faucheurs volontaires. Outils destinés à imposer un nouvel ordre agricole mondial en assurant l'hégémonie de quelques firmes agrosemencières, les OGM menacent la diversité génétique planétaire et privent les paysans de leur indépendance et du droit ancestral d'échanger les semences.
En outre, montre Marie-Monique Robin, les études suffisantes pour vérifier l'innocuité des OGM n'ont jamais été menées à cause du "principe d'équivalence en substance " qui établit qu'un plant transgénique est identique à un plant non modifié, et que donc les expériences sont inutiles!
Le Monde selon Monsanto, de Marie-Monique Robin, éditions de la Découverte. 20 euros. Parution le 6 mars.
(1) Monsanto, une entreprise qui vous veut du bien, de Marie-Monique Robin. Documentaire diffusé le 11 mars 2008 sur Arte.
(Libération 29.02.08)