PETER HANNAFORD, ancien élève de l'institution, raconte...
Petit à petit, la maison des horreurs révèle ses secrets. Entre 1960 et 1986, le Haut-de-la-Garenne, cet ancien orphelinat, a été le lieu de toutes les atrocités. Après la découverte samedi d'un crâne enterré dans le sol du bâtiment, plus de 160 anciens pensionnaires ont affirmé à la police avoir été victimes de graves violences sexuelles et physiques.
Les enquêteurs, qui ne se pressent pas puisqu'il n'existe pas de prescription en Angleterre dans ce genre d'affaires, possèdent une liste de 40 suspects. Un seul a été interrogé puis relâché.
Trois pièces - deux sous le bâtiment et une souterraine dans le jardin -, d'environ 12 m2 et aujourd'hui murées, ont servi pour ces agressions. Les policiers ont eu accès à la première, où ils ont commencé leurs recherches. Ils ont déjà trouvé deux objets, qui pourraient être une baignoire et des menottes. Peter Hannaford, 59 ans, ancien pensionnaire, est une des victimes. Il est resté douze ans à la Garenne après la mort de ses parents. Nous sommes parvenus à le joindre par téléphone.
Que s'est-il passé au Haut-de-la-Garenne ?
Peter Hannaford. Les garçons et les filles y étaient régulièrement abusés par des membres du personnel et parfois par d'autres personnes que nous ne connaissions pas. Ce n'étaient pas toujours des hommes. Il y avait aussi des femmes qui s'acharnaient sur nous. Cela allait du viol aux attouchements sexuels, en passant par la torture et les coups.
« Toute l'île a toujours su ce qui s'y passait »
Ces agressions étaient-elles fréquentes ?
Chaque nuit, ils venaient dans les dortoirs, « se servaient » en nous agrippant les bras, et les enfants qui étaient emmenés ne revenaient qu'au matin. Nous avions tous peur d'aller au lit parce que nous savions ce qui allait se passer. Ils nous emmenaient dans le donjon, cette pièce au sous-sol que la police vient de découvrir.
Pourquoi n'avoir rien dit plus tôt ?
Ils nous menaçaient pour que l'on ne raconte rien à personne. Nous étions terrorisés. Si nous avions parlé de cela à quelqu'un, cela aurait été terrible pour nous.
Quelles séquelles avez-vous gardées de votre passage là-bas ?
Ce qui m'est arrivé à la Garenne m'a traumatisé à jamais et a affecté toute ma vie. J'en ai fait des cauchemars jusqu'à récemment. Je ne pourrais jamais oublier cette période noire.
Pensez-vous que le gouvernement de Jersey a étouffé ces affaires ?
Je suis convaincu que le gouvernement local a fermé les yeux sur ces affaires, qui ont duré pendant des dizaines d'années. Toute l'île a toujours su ce qui s'y passait mais personne n'a jamais rien dit. Simplement parce que cela aurait terni l'image de l'île. C'est honteux.
Que souhaitez-vous aujourd'hui ?
Il faut démolir le bâtiment pour aider les victimes à faire le deuil de la Garenne. Et que les monstres qui ont fait cela aillent en prison.
(Le Parisien -3 mars 2008)