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les arabes ont-ils transmis à l'occident le savoir grec?

  • Aristote au Mont Saint-Michel

    Un simple scandale universitaire ?

    La récente publication du livre de Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, Les racines grecques de l'Europe chrétienne au Seuil (Paris, 2008), créé une vive polémique au sein de la communauté intellectuelle et universitaire française. Le livre, paru il y a un mois et tiré à 4000 exemplaires est déjà épuisé et en réimpression. Plusieurs articles, pétitions et compte-rendus ont porté ce débat dans la sphère publique et médiatique au delà du microcosme des études médiévales, agitant même certains obscurs endroits de la blogosphère.

    Mais pourquoi cette affaire ? Pierre Assouline commente avec ironie ce petit scandale du monde universitaire alors qu'un des historiens officiels du gouvernement, Max Gallo s'indigne sur France Culture de l'accueil fait au livre, dénonçant l'absence de véritable débat intellectuel. L'éditrice du livre, Laurence Devillairs parle d'une « Inquisition » contre ce livre et d'« anathème » lancé par les universitaires contre l'un des leurs...

    Sylvain Gouguenheim est enseignant à l'École Normale Supérieure de Lyon et professeur des universités, habilité à diriger des recherches. Il est notamment connu dans le monde scientifique pour ses travaux sur les mystiques rhénans (La sybille du Rhin. Hildegarde de Bingen, abbesse et prophétesse rhénane, Paris, 1996). Après s'être intéressé aux Fausses terreurs de l'an mil (Paris, 1999), l'auteur s'attaque ici à ce qu'il considère comme autre mythe de l'histoire médiévale : la transmission d'une partie de la science antique et des savoirs aristotéliciens par les Arabes au Moyen Age. Abordant un des sujets les plus travaillés et les plus complexes de l'histoire culturelle et intellectuelle de l'Occident, l'auteur s'éloigne clairement de ses spécialisations académiques pour jeter un pavé dans la mare.

     Les Arabes n'auraient pas pu transmettre la pensée et la culture grecque !

    L'auteur cherche à démontrer que la civilisation musulmane n'a connu qu'une « hellénisation superficielle » : « Jamais les Arabes musulmans n'apprirent le grec, même al-Farabi, Avicenne ou Averroès l'ignoraient ». Ainsi la majeure partie de cet héritage antique aurait été préservée par les chrétiens orientaux, les Syriaques, entre le IVe et le VIIe siècles. Du fait d'une incompatibilité linguistique entre l'arabe et le grec, les Arabes n'auraient qu'une part infime dans la transmission de la culture antique vers l'Occident chrétien.

    Pour étayer sa thèse et abattre ce qu'il considère comme un lieu commun historiographique, Sylvain Gouguenheim place au centre de son argumentation l'oeuvre de Jacques de Venise, clerc italien ayant vécu à Constantinople, le premier traducteur européen d'Aristote au XIIe siècle. Cette insistance sur le rôle de ce clerc vient de la découverte récente d'un manuscrit de l'abbaye du Mont saint Michel. Ce manuscrit devient alors la preuve suprême que la philosophie aristotélicienne a été transmise directement de la Grèce antique à l'Occident latin.

    Ainsi d'une analyse précise d'un point d'érudition, l'auteur élargit la portée de son propos, le plaçant son l'angle d'une problématique inspirée par le comparatisme entre des civilisations. L'Islam et la Grèce antique seraient des civilisations profondément étrangères l'une à l'autre pour des raisons d'ordre culturelles : les impératifs religieux musulmans auraient empêchés la pénétration réelle de la culture antique. Ce processus d'opposition structurant l'histoire aboutirait à des identités fondées sur « l'altérité conflictuelle entre chrétiens et musulmans ».

    Ce comparatisme est appuyé sur une argumentation ethno-linguistique qui débouche sur un "racisme culturel" : « dans une langue sémitique, le sens jaillit de l'intérieur des mots, de leurs assonances et de leurs résonances, alors que dans une langue indo-européenne, il viendra d'abord de l'agencement de la phrase, de sa structure grammaticale. Par sa structure, la langue arabe se prête en effet magnifiquement à la poésie. Les différences entre les deux systèmes linguistiques sont telles qu'elles défient presque toute traduction ». Ainsi les caractéristiques linguistiques de l'arabe rendraient la civilisation musulmane inapte à recevoir la culture antique.

    (Source: LePost)