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les truffes remontent vers le nord

  • Requiem pour les pauvres truffes...

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    Réservées aux très riches et aux restaurants bling bling 
    Des truffes sauvages dans le bois de Vincennes ? Ce n'est déjà plus tout à fait de la science-fiction. Le changement climatique est en passe de bouleverser la carte de la trufficulture : les régions traditionnelles voient leur production s'affaisser, alors que de nouvelles contrées deviennent susceptibles d'accueillir le précieux champignon.

    La récolte française a ainsi été d'une vingtaine de tonnes cet hiver, au lieu des 40 attendues, et ce malgré des surfaces plantées qui augmentent à raison de 1 000 hectares par an. La migration vers le nord de la truffe noire ne compense pas la baisse de la production. Les trois principaux pays producteurs (France, Italie et Espagne) ne fournissent ainsi plus qu'une centaine de tonnes, contre 1 600 au XIXe siècle pour le seul territoire français. Conséquence : le prix de la truffe, qui a déjà triplé en dix ans, dépasse couramment les 1 000 euros par kilo.

    Responsables de cette situation : de longues périodes de sécheresse autour de la Méditerranée et des gelées précoces, longues et profondes dans les autres régions. "L'accident climatique, qui était l'exception, semble devenir la règle", a constaté Jean-Charles Savignac, président de la Fédération française des trufficulteurs (FFT), lors d'un colloque international consacré à la truffe et au réchauffement, en janvier à Ménerbes (Vaucluse).

    Jean-Marc Olivier, directeur de recherches à l'Institut national de recherche agronomique (INRA) et coordinateur d'un programme expérimental sur la truffe, confirme que "le réchauffement a déjà un impact sur la production, qui se déplace plus au nord et jusqu'à 1 000 mètres d'altitude, alors qu'elle se limitait auparavant à une altitude de 400 à 600 mètres".

    La France compte quatre grandes zones de production : le Sud-Ouest (Périgord, Lot, Charente) et le Sud-Est (Drôme, Vaucluse, Alpes-de-Haute-Provence) pour la truffe noire, la Bourgogne et la Lorraine pour la truffe grise. L'extension vers le nord de l'aire de culture de la truffe noire a débuté il y a une vingtaine d'années, en Indre-et-Loire, où les essences d'arbres associées à la trufficulture ont trouvé un sol naturellement accueillant et un climat clément.

    Des syndicats de trufficulteurs se sont également constitués dans les Deux-Sèvres et dans l'Indre, et un chercheur de l'INRA produit de la truffe noire en Auvergne. "On assiste même aujourd'hui au retour de quelques récoltes sauvages en région parisienne, dans les forêts de Rambouillet et de Vincennes", rapporte Jean-Charles Savignac.

    Mais la production peut très bien diminuer au sud sans exploser au nord. D'ailleurs, les trufficulteurs des régions septentrionales comme la Lorraine n'introduisent qu'avec parcimonie la truffe noire, qui craint le gel, et privilégient sa cousine grise, moins prisée, mais plus adaptée aux conditions locales.

    "Si l'on ne fait rien, la truffe est menacée autour de la Méditerranée", rappelle Jean-Marc Olivier. Mais le chercheur note aussi que "les plantations qui anticipent sur le phénomène climatique, qui y travaillent et s'adaptent, s'en sortent".

    En Charente, où existe un syndicat très actif de 150 trufficulteurs, des expériences ont été menées sur l'arrosage. Cet hiver, environ 50 kg de truffes y étaient négociés chaque semaine, en une demi-heure, sur le marché de Jarnac. En Indre-et-Loire, les truffes poussent désormais au pied d'une variété de pins bien adaptée à cette région. Et l'INRA prévoit que l'aire du chêne vert, qu'apprécient particulièrement les truffes, aujourd'hui limitée pour l'essentiel à la Provence et au Languedoc-Roussillon, pourrait s'étendre jusqu'à la vallée de la Loire au cours du siècle...

    Pour favoriser leur nécessaire adaptation au changement climatique, les professionnels réclament un plan européen d'aide, comprenant primes à la plantation et programme de recherches. Econduits dans un premier temps par Bruxelles, ils placent leurs espoirs dans la prochaine présidence de l'Union européenne par la France. C'est-à-dire par Sarközy.

    (Le Monde 25 avril 2008) 

    Ceux qui auront travaillé plus pourront peut-être s'en offrir...