Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

maladie mentale

  • L'anorexie: faut-il une loi?

    931658571.jpg
    Telle qu'elle est et telle qu'elle voit dans le miroir

    Une proposition de loi "anti-anorexie" révolte la multitude et invisible "nation Ana-Mia" sur le Web. Le texte présenté par Valérie Boyer, députée UMP des Bouches-du-Rhône, vise à rendre passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende "le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées". Cette proposition de loi vise notamment "les sites et les blogs faisant l'apologie de l'anorexie, tels le mouvement pro-ana".

     

    Les "ana-mia" ou "pro-ana", du nom de ce trouble du comportement alimentaire (TCA) qui touche 1 % à 2 % des adolescents de 12 à 18 ans, dont 90 % de filles, se sentent stigmatisés par cette loi qui ne les comprendrait pas.

    Ainsi, Dune de sable s'insurge sur son blog : "Non, être pro-ana n'est pas un hobby (...). Etre pro-Ana signifie 'je souffre de TCA et je dois faire avec. Je n'aime pas mon corps, je veux en changer et aucun discours ne me fera voir mon apparence autrement que comme mon miroir me l'impose'. Etre anti pro-ana signifie 'je n'ai aucune connaissance des troubles psychologiques que je dénonce et je montre du doigt une victime déjà écrasée par son poids, son image, son esprit'. (...) Etre anti pro-ana signifie que je n'aime pas les personnes malades."

    CODES COMMUNAUTAIRES

    D'un nombre spectaculairement élevé, les blogs pro-ana ou ana-mia sont quasiment tous construits sur le même modèle : éloge de la "beauté" de l'extrême maigreur incarnée par les photos ou "thinspo" de starlettes décharnées ou de mannequins retouchés carrément squelettiques.

    Au fil des blogs, toujours les mêmes préceptes dogmatiques : la "lettre d'Ana", gourou imaginaire qui dissémine ainsi ses "dix commandements", affirmant qu'"être mince est plus important qu'être en bonne santé" et qu'"être mince et ne pas manger sont les signes d'une volonté véritable et de succès". Les jeunes filles s'appuient sur l'échelle du poids idéal selon Ana, s'échangent des astuces pour maigrir : se faire vomir, prendre des laxatifs, manger des glaçons pour tromper la faim, voire prendre des médicaments, tout cela sans inquiéter leur entourage :"Surtout, niez toujours lorsqu'on vous posent des questions, dites tout le contraire de se que vous pensez au sujet des pro-ana. Croyez-moi, ça vous évitera beaucoup d'ennuis ! [sic]", peut-on lire sur l'un de ces blogs. Les anorexiques utilisent Internet pour se lancer des défis, comme perdre 4 kilos en une semaine ou jeûner tous les lundis. Elles se reconnaissent grâce à leur bracelet rouge, signe de ralliement de cette communauté secrète.

    Presque toutes ces blogueuses se défendent de faire l'apologie de l'anorexie, implorent les internautes de cesser de laisser des messages d'insulte sur les forums. Ainsi "moi Ana forever" rappelle en page d'accueil : "Je n'incite personne à devenir pro-ana, (...) pour moi, être pro-ana est un mode de vie et j'espère que vous respecterez mon choix comme moi je respecte les vôtres."

     
    LUCIDITÉ, SOUFFRANCE ET INCOMPRÉHENSION

     

    Car ces jeunes filles qui s'affament, comptent et recomptent les calories, n'en finissent pas de noter scrupuleusement le moindre quart de pomme avalé, ont, certes, une image déformée d'elles-mêmes, mais elles ont aussi une appréhension très lucide de leur maladie. Elle connaissent les graves séquelles que peut entraîner l'anorexie, la plupart des blogs sont extrêmement bien documentés sur la question des TCA. Ainsi sur un forum dans la rubrique "aide, conseils, soutien" , Petronella confie "ça fait longtemps que j'ai pas eu mes règles... Je peux pas le dire, sinon on va me faire manger..."

    Aussi l'incompréhension demeure, ces jeunes filles se savent malades, connaissent bien la nature de leur mal et, sous couvert de s'apporter soutien et écoute, s'échangent des "conseils" pour s'enfoncer un peu plus dans la maladie.

    Car même si les TCA font l'objet d'une médiatisation croissante, une unité hospitalière spécialisée pour adolescents ayant même été crée dans La Maison de Solenn, il subsiste, à lire les témoignages de jeunes filles diagnostiquées et en cours de traitement, une grande impuissance du corps médical face à cette maladie.

    "Les TCA consistent en une réalité, dure, qu'on juge souvent mal. On dit parfois qu'une anorexique refusant de s'alimenter fait preuve seulement de CAPRICE. Sans toutefois chercher à comprendre ce qui se passe dans sa tête, ce à quoi elle est confrontée à chaque seconde. Le mal-être est là, le désespoir, la souffrance permanente: bienvenue au pays les TCA", peut-on ainsi lire sur la page d'accueil d'un blog.

    Mais face au phénomène, la résistance "anti pro-ana" s'organise, usant des mêmes armes. Aussi le site "le cimetière d'Ana" recense les décès des suites d'anorexie, au Royaume Uni, une campagne vidéo choc montre la distortion de l'image dont souffre les anorexiques et les témoignages de malades dénonçant l'influence néfaste du mouvement "pro-ana" se multiplient.