Au gouvernement, on justifie ce qui ressemble à un pataquès. «Le principe de mixité ne doit pas empêcher que, de façon ponctuelle, un enseignement soit organisé uniquement avec des jeunes filles ou des jeunes garçons. Cela ne remet pas en cause le principe de mixité scolaire» , assure-t-on chez Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la Solidarité, qui a défendu le texte à l’Assemblée nationale. Mais de renvoyer gentiment vers le ministère de l’Education nationale… où l’on explique ne «pas être au courant». Patate chaude ? L’origine même de cette mesure est étrange. «Est-elle à mettre sur le compte de travaux menés dans la précipitation, ou bien d’une orientation idéologique en phase avec les nostalgiques de l’uniforme et des détracteurs de Mai 68 ?» s’est ainsi interrogée la sénatrice PS Bariza Khiari.
Mystère. Le projet de loi transpose cinq directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations, et est censé combler le retard de la France, trois mois avant sa présidence de l’Union européenne. Mais ce texte concerne l’accès aux «biens et services». Quel rapport avec l’Education ? Mystère. «C’est une bourde, une maladresse du gouvernement, analyse Nicolas About, le président UDF de la commission des affaires sociales au Sénat. C’était idiot d’évoquer l’Education.» Pourquoi ce zèle? «Le gouvernement a voulu rassurer le monde de l’enseignement privé», pense le sénateur.
La rapporteur UDF Muguette Dini a souligné elle-même le hors-champ. «Contraire à la volonté de lutter contre les discriminations sexistes, [cette disposition] n’est pas prévue par la directive 2004/113», à laquelle le texte est censé se conformer. Nicolas About, en commission, avait estimé que «cette mesure n’est pas acceptable, car elle pourrait conduire à exclure les filles de l’accès à l’éducation ou les astreindre à certaines filières de formation». Même s’il a nuancé : «Une application particulière se justifie davantage pour les établissements assurant un hébergement, comme les pensionnats.» Le 2 avril, la commission a donc voté un amendement de suppression.
Laïcité. Une semaine plus tard, en séance, la discussion est chaude. On compte quatre amendements hostiles. «Vous ouvrez une boîte de Pandore», prévient Annie David, du groupe des sénateurs communistes, républicains et citoyens. «L’apprentissage du vivre ensemble commence à l’école», renchérit Bariza Khiari, inquiète également de la remise en cause de la laïcité. La secrétaire d’Etat à la famille, Nadine Morano, a tenu bon : «Si le gouvernement est très attaché à la mixité, la possibilité qu’un enseignement puisse être dispensé en séparant les garçons des filles est défendable. Cela se fait à l’école de la Légion d’honneur, dans l’enseignement privé», a-t-elle précisé. Un exemple qui fait envie.
S'agit-il d'établissement privés laïques ou religieux? Et de quelles confessions dans ce cas?
(Libération 11 avril 2008)