Il était environ 20 h 30 lorsqu'un homme portant un paquet est entré, jeudi 6 mars, dans la célèbre yeshiva (école talmudique) Mercaz Harav, dans le quartier de Kyriat Moshe, à Jérusalem. Cet homme originaire de Jérusalem-Est, la partie arabe de la ville sainte, a pénétré dans la bibliothèque, a ouvert son paquet, en a sorti un kalachnikov et a commencé à tirer sur les étudiants. Il y avait près de 80 personnes dans la salle. Des dizaines de douilles ont été récupérées sur le sol ensanglanté. L'homme s'est ensuite dirigé vers l'auditorium et a fait de nouveau feu sur quelques étudiants qui s'y trouvaient avant de sortir de l'école talmudique. Huit étudiants, dont certains encore adolescents, ont été tués sur le coup, et onze autres blessés, dont trois grièvement.
Yitzhak Danone, un étudiant, avait entendu les coups de feu. Il s'est couché à terre avec son arme et lorsque le tireur est sorti, il lui a tiré deux balles dans la tête. Au même moment, un officier parachutiste est arrivé sur les lieux de la fusillade et a achevé l'homme à terre.Dehors, la foule rassemblée devant les lieux criait "Vengeance !", "A mort les Arabes !". Le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, a expliqué que "ce qui s'est passé prouve que l'Autorité palestinienne ne combat pas suffisamment la terreur. Nous n'allons pas faire la paix avec de tels événements."
Cet attentat est le premier depuis quatre ans à Jérusalem. Aucune organisation palestinienne connue n'a revendiqué cette action meurtrière. Seul un groupe inconnu, les Kataëb Ahrar El-Jalil (Brigades des hommes libres de Galilée - Groupe du martyr Imad Moughnieh et les martyrs de Gaza), a téléphoné à la chaîne de télévision du Hezbollah, Al-Manar, à Beyrouth, pour s'attribuer cet attentat. Cette organisation porte le nom du chef militaire de la milice chiite libanaise, Imad Moughnieh, tué par une voiture piégée le 12 février à Damas. Vendredi, un responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas a à son tour revendiqué la responsabilité de l'attaque.
Des cris de joie et des manifestations de contentement ont salué cet attentat dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, mais également dans la bande de Gaza, notamment à Jabaliya, cible de la récente opération israélienne "Hiver chaud", qui a causé la mort de 80 personnes. Sami Abou Zhouri, porte-parole du Hamas, a déclaré que son organisation "apportait sa bénédiction à l'opération héroïque de Jérusalem, qui est une réaction naturelle au massacre commis par les sionistes".
De son côté, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a condamné cette attaque, précisant : "Nous condamnons toutes les attaques visant des civils, qu'elles soient palestiniennes ou israéliennes."
Depuis le 27 février, date à laquelle a commencé la nouvelle vague de violences, plus de 130 Palestiniens sont morts, ainsi que trois soldats israéliens et un civil, victime d'une roquette Qassam à Sdérot. Un soldat a été tué, jeudi, par l'explosion d'une mine au passage d'une Jeep à la frontière de la bande de Gaza, et cinq Palestiniens ont péri lors de deux raids aériens, l'un à Jabaliya et l'autre au sud de ce territoire.
La tension s'est aussi transportée en Cisjordanie où, cette semaine, différentes manifestations ont été organisées pour protester contre "le carnage" de Gaza. Au cours de l'une d'entre elles, un colon, se sentant menacé, a tué d'une balle dans la tête un manifestant âgé de 18 ans près de Ramallah. Il a été relâché après qu'il a été jugé qu'il avait agi en état de légitime défense. Des incidents se sont également produits sur l'esplanade des mosquées à Jérusalem.
Vendredi, les autorités israéliennes ont décrété l'état d'alerte général. Ehoud Barak, ministre de la défense, a annulé un voyage aux Etats-Unis. Vendredi matin, il consultait les hauts responsables de l'état-major de l'armée afin de décider de mesures de protection.
L'attentat de la yeshiva a pris complètement par surprise les autorités israéliennes. Son auteur était, paraît-il, connu des services de police. La cible choisie est symbolique. La yeshiva Mercaz Harav a été le berceau du mouvement du bloc de la foi, le Goush Emounim, artisan de la colonisation en Cisjordanie.
(Le Monde - 7 mars 08)