Jusqu'à une heure avancée de la nuit
dans une fatigue extrême
précisément
j'ai laissé mes mains courir sur les cartes
et les cartes me disaient tout ce que je voulais savoir
tout ce que je savais déjà
les cartes aimaient la paume de mes mains
les phalanges énervées de mes doigts
- tout ce battement comme des ailes lasses...
elles devenaient fagots de carton
couleurs du couchant dans les arbres d'hiver
yeux fardés me fixant pareils à ceux des nocturnes aux aguets
de l'horreur tapie dans l'ombre...
les nombres, les symboles allaient plus vite
encore que cette nuit inquiète et douce
où les cartes à mes doigts s'enflammaient
et retombaient en étincelles.
Il fallait aller vite pour ne saisir rien
que la cendre écarlate des anciens magiciens
que les larmes de miel des sorcières et des fées
de ces vieilles tout égarées dans le grand chagrin
de ces folles qui sont mes soeurs
jusqu'à la vanité du vent
jusqu'au matin de sommeil.
Gaëlle Mann (La nuit fuyait comme une amante... LA BARTAVELLE)