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Poésie

  • DELFICA

           Ultima cumaei venit jam carminis aetas.

     

    La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance,

    Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,

    Sous l'olivier, le myrte, ou les saules tremblants,

    Cette chanson d'amour qui toujours recommence?...

     

    Reconnais-tu le Temple au péristyle immense,

    Et les citrons amers où s'imprimaient tes dents,

    Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,

    Où du dragon vaincu dort l'antique semence?...

     

    Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !

    Le temps va ramener l'ordre des anciens jours;

    La terre a tressailli d'un souffle prophétique...

     

    Cependant la sibylle au visage latin

    Est endormie encore sous l'arc de Constantin

    - Et rien n'a dérangé le sévère portique.

     

     Gérard de Nerval  ( 1808 - 1855 )

     

     

     

  • La vie...

    La vie n'était que chants et arbres pleins de vent

    Violons bleus les collines

    Le ciel un baiser d'enfant

    Une mer où nageaient les oiseaux

    Un infini qui faisait halte au bord des âmes

    Et la métaphysique s'en allait entre les harpes

    Des voiliers

     

    La vie n'était que chants et vents apportés par l'aile du levant

    La vie allait dans des allées où n'allait plus personne

    Qu'amours

    Femmes aux genoux de safran

     

     

    Gaëlle Mann  (Les Machaons en Macfarlane)

     

     

     

  • Marges ...

    Marges du soir

    la rue comme un cahier où l'écriture s'avance

    à petits pas

    s'arrête

    respire près d'une pêche roulée d'un panier

    tentation de l'invisible

    du mot seul

    égaré hors des lignes

    loin des regards derrière les carreaux gris

     

    Gaëlle Mann  (La nuit fuyait comme une amante... LA BARTAVELLE)

  • MANCIE

    Jusqu'à une heure avancée de la nuit

    dans une fatigue extrême

    précisément

    j'ai laissé mes mains courir sur les cartes

    et les cartes me disaient tout ce que je voulais savoir

    tout ce que je savais déjà

    les cartes aimaient la paume de mes mains

    les phalanges énervées de mes doigts

    - tout ce battement comme des ailes lasses...

    elles devenaient fagots de carton

    couleurs du couchant dans les arbres d'hiver

    yeux fardés me fixant pareils à ceux des nocturnes aux aguets

    de l'horreur tapie dans l'ombre...

    les nombres, les symboles allaient plus vite

    encore que cette nuit inquiète et douce

    où les cartes à mes doigts s'enflammaient

    et retombaient en étincelles.

    Il fallait aller vite pour ne saisir rien

    que la cendre écarlate des anciens magiciens

    que les larmes de miel des sorcières et des fées

    de ces vieilles tout égarées dans le grand chagrin

    de ces folles qui sont mes soeurs

    jusqu'à la vanité du vent

    jusqu'au matin de sommeil.

     

     Gaëlle Mann  (La nuit fuyait comme une amante... LA BARTAVELLE)                                                                   

  • Inédits

    La poésie, cette foutaise qui vous dérange le coeur ! 

     

                                                    *  

                                                          

     Ma jeunesse, ne me laisse pas sans un dernier revoir,

     La rivière coule encore entre les saules noirs...

     

                                                   *

                                                               

    Accusé au printemps des regards

    ne dis rien des visages passés

                 dans l'outremer des songes

     

     

     Gaëlle Mann ( dans "Nouvelle Poésie Contemporaine, une anthologie" par Jean Breton)

     

  • Où meurent les jardins

    L'amour a peut-être des yeux où meurent les jardins

    je me souviens

    ces allées désertes

    nous deux

    qu'importe

    mémoire

    si la nuit soudain a ouvert le feu

    seulement la nuit la plus noire

    et l'heure du couvre-feu

     

    Gaëlle Mann (L'été nu derrière les stores)

  • Marseille, la rue Marveyre

    Au coin de la rue Marveyre

    des putes sont oiseaux de mer

     

    criardes et folles

    des becs à dépecer l'enfer

    elles viennent se poser

    totémiques

    aux angles mauves de la mer

     

    d'une autre mode leur solitude

    d'une autre coupe leur destin

    aux grands soirs d'août

    sur hauts socques de fonds marins

    elles regardent passer les autres

     

    elles qui sont plus autres encore

     

     

     Gaëlle Mann (L'été nu derrière les stores)

     

  • Sans titre

    Il y a des âges dans la vie

    Comme des creux à marée basse

    Où tout lasse passe et repasse

    Où l'on se juge et se renie

     

    Il y a des âges dans la vie

    Comme des mares de silence

    Ou des replis immenses

    Où ne voguent qu'oiseaux de nuit

     

    Il y a des âges dans la vie

    Qui sont alcools éventés

    Bus à une terrasse désertée

    Où notre ennui n'a plus d'ami

     

                 

    Gaëlle Mann  (Les Machaons en Macfarlane)

  • La magique étude...

    Ô saisons, ô châteaux

    Quelle âme est sans défauts ?

     

    Ô saisons, ô châteaux,

     

    J'ai fait la magique étude

    Du Bonheur, que nul n'élude

     

                                        Arthur RIMBAUD  ( Extrait de Vers nouveaux)

  • Arthur Rimbaud

                                                               LE MAL

     

    Tandis que les crachats rouges de la mitraille

    Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu;

    Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,

    Croulent les bataillons en masse dans le feu;

     

    Tandis qu'une folie épouvantable broie

    Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant;

    - Pauvres morts! dans l'été , dans l'herbe, dans ta joie,

    Nature! Ô toi qui fis ces hommes saintement !... -

     

    - Il est un Dieu , qui rit aux nappes damassées

    Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or;

    Qui dans le bercement des hosannah s'endort,

     

    Et se réveille, quand des mères, ramassées

    Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir

    Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir!

                                                            

                                                   Arthur RIMBAUD (Poésies)