Extraits :
* « Mon visage, c'était un visage de monstre. Le plus dur, c'était le nez parce qu'on voyait l'os. J'ai toujours demandé à Sylvie qu'elle me fasse un pansement dessus parce que cet os me faisait penser à un squelette. A la mort. »
« Qu'est-ce que t'es belle ! » Voilà ce que lui a dit Noëlle Châtelet, la semaine dernière, autour d'un joyeux apéritif pour fêter la sortie du livre. Aujourd'hui, Isabelle Dinoire va bien, c'est une jolie femme qui « parle sans problèmes, mange normalement », assure l'écrivain. Seule lui manque encore à ce jour la faculté de faire un baiser. Mais elle y travaille sans relâche et serait « tout près de faire ce bisou, attendu comme l'apothéose », raconte encore Noëlle Châtelet, qui s'est fait la voix de celle qui refuse toujours de s'exposer, trop meurtrie de l'ampleur de la curiosité dont elle a été le coeur.
* « Et puis à l'intérieur, y avait une sensation... Ça ne m'appartenait pas. C'était mou. C'était atroce. C'était... je ne sais pas si c'est bien de dire cela... c'était écoeurant. Quand on réfléchit, le plus dur à accepter, c'était ça : avoir l'intérieur de la bouche de quelqu'un d'autre. L'apparence, c'est rien. »
Dire les choses, être dans la transparence la plus complète... Noëlle Châtelet et Isabelle Dinoire ont voulu que ce livre désamorce tous les fantasmes et fasse tomber toutes les peurs. « Il y a encore beaucoup d'effroi, de suspicion autour du don d'organes. Je voudrais qu'à travers cette histoire humaine extraordinaire - la renaissance d'une femme - les gens comprennent ce que cela signifie de dire à ses proches : J'accepte de donner mes organes », insiste l'auteur.
* « Ce qui m'a saisie, une fois, beaucoup plus tard, c'est qu'un jour j'ai dit : « Ça me gratte à mon nez. » J'ai regardé ma fille et j'ai dit : « C'est n'importe quoi, c'est pas mon nez ! Ça me gratte à un nez » . Le jour où j'ai vu que j'avais un poil au menton, ç'a m'a fait drôle. J'en avais jamais eu. C'est moi qui la fais vivre, mais ça, ce poil, c'est à elle. »
Près de deux ans après l'opération du 27 novembre 2005, Isabelle a beaucoup réfléchi. « Elle est parfaitement lucide sur le sentiment exact qu'elle a de ce visage, continue Noëlle Châtelet. Elle le vit très sereinement. Elle a fait un voyage quasi initiatique. Isabelle n'est plus la femme fragile, solitaire, abandonnée qu'elle était avant ce terrible accident. Elle n'en revient pas d'avoir eu cette force... »
En 2005, les professeurs Bernard Devauchelle, Sylvie Testelin du CHU d'Amiens et le professeur Benoît Lengelé de l'Université Catholique de Louvain, ont réalisé en collaboration avec l'équipe du professeur Jean-Michel Dubernard du CHU de Lyon la première greffe partielle du visage au monde (greffe du triangle formé par le nez et la bouche) sur une femme de 38 ans, Isabelle Dinoire. Cette opération eut lieu entre le dimanche 27 et le lundi 28 novembre au CHU d'Amiens.
Cette patiente avait perdu une partie de son visage, dévoré par le labrador retriever de sa fille, durant un coma causé par la prise de somnifères. Cette opération a reçu un avis favorable de la commission d'éthique