Abel Bonnard en 1958
"Maintenant, tout est dit (...) On est entré dans une période géologique de l'Histoire, qui peut se caractériser aussi bien par des effondrements subits que par des engourdissements infinis, tandis qu'une réalité inconnue monte lentement vers la surface des choses.
Tout se tient, aucun problème ne plus être encadré, étudié, résolu isolément par l'esprit (...) c'est la fin du règne de l'homme blanc, qui prend la forme d'une abdication. A la gigantesque impéritie des Etats-Unis correspond l'irréconciliable malignité des "Soviets". Le désastre de l'homme s'étend à toute la terre. Quant à nous, qui fûmes les artisans ou les chevaliers malheureux d'un plus beau possible, nous sommes aussi vaincus qu'on peut l'être, abolis, annulés. Mais personne n'est vainqueur. Où nous avons voulu fonder un ordre, un abîme s'ouvre. Il arrive ce que nous nous étions expressément proposé d'évité: le monde tombe dans le chaos."
(Extrait de la déclaration faite à Saint-Paulien en juillet 1962, reproduite par celui-ci dans son Histoire de la Collaboration (Paris, L'Esprit Nouveau, 1964; pp 571-573)
Six ans plus tard, le 31 mai 1968, au terme d'un douloureux exil de près d'un quart de siècle, Abel Bonnard s'éteignait à Madrid. Ses précieuses archives, ses manuscrits, furent dispersés et traités avec un effarant mépris. Son temps, dont il s'était si superbement dépris, se vengeait une dernière fois de lui. Par une prescience magnifique, autrefois, et encore jeune, il avait écrit: " IL SERA PEUT-ÊTRE PENIBLE DE MOURIR, MAIS IL NE SERA PAS DESAGREABLE DE S'EN ALLER." (Notice rédigée par les Editions Dismas -1991)
Commentaires
Oui, tout est dit ...
Du chaos naîtra la nouvelle donne déjà écrite, non discernable. Peut-être doit-on chercher la Beauté qui seule apparaît à celles et ceux qui la cherchent ? Où sont ils ?
Personne ne mérite "d'être dispersé dans le mépris" hormis si telle est sa volonté ! Ce n'était pas le cas.
Avoir raison avant l'heure nécessite lucidité, courage et abnégation, il n'en manquait pas. Ceci attire le respect.
Quel dommage !
Merci, Christian. je suis très émue par ton com. Abel Bonnard est mort à 85 ans, mais seul et abandonné. A la guerre de 14-18, bien que réformé par l'armée pour faible constitution, il avait tenu à s'engager de façon exposée (pas dans les bureaux à l'arrière...) et il a fait toute la guerre. Nommné officier, décoré pour sa bravoure. Il aimait la France... Il faut réhabiliter sa mémoire et son oeuvre de poète et d'écrivain. D'autres sites s'y emploient et c'est réconfortant en 2007. Dire qu'on a dispersé sans vergogne ses documents, manuscrits... quelle honte!
Il "voyait" clair... tellement clair en 1962! Déjà!
Amicalement