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Thad, Soudan, Darfour : le dessous des cartes...

 

L'opération Arche de Zoé (AZ), avec ses aspects éthiques très contestables, représente un symptôme des difficultés de l’humanitaire au Darfour : «Les violations des droits de l’homme se poursuivent de la même manière et pratiquement à la même échelle… Les civils qui se sont réfugiés dans des camps restent la cible d’exactions, notamment les femmes, victimes d’agressions sexuelles», a déclaré le 17 septembre Louise Arbour, la haut-commissaire aux Droits de l’homme de l’ONU.

 

L’indignation du président tchadien, Idriss Deby, lors de l’arrestation des membres de l’AZ, serait plus crédible s’il avait montré moins d’indifférence à secourir ses 200 000 déplacés nationaux, dont 80 % de femmes et enfants, qui ont fui les violences dans l’est du pays et qui survivent dans des conditions dramatiques. L’armée tchadienne et ses alliés paramilitaires ont été accusés d’enrôler des enfants, certains âgés de 8 ans. Quant au gouvernement soudanais, outre les massacres à grande échelle, il a permis la mise en esclavage d’enfants pendant la guerre civile avec le Sud.

Conseil de sécurité, qui a autorisé une mission de l’ONU et d’une force européenne au Tchad et en République centrafricaine, apporte la seule bonne nouvelle pour la région. Cependant, les obstacles mis par le gouvernement de Khartoum à l’application de la résolution 1 769, autorisant le déploiement d’une force hybride ONU-Union africaine au Darfour, se multiplient. Le rapport de "Human Rights Watch" «Darfour : un chaos intentionnel» souligne la responsabilité de Khartoum dans les attaques aériennes et terrestres menées aveuglément, et sa complicité dans les violences perpétrées par les jenjawids contre les civils. La multiplication des intervenants armés sur le terrain fait aussi partie intégrante de la stratégie soudanaise, achetant des chefs locaux, laissant se développer le banditisme, divisant les opposants. Le but est d’organiser un chaos tel qu’il rende difficile toute intervention internationale.

La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité à l’encontre d’Ahmed Haroun, accusé d’avoir organisé les milices jenjawids. Celui-ci, devenu… ministre des Affaires humanitaires, exerce son autorité sur les camps où s’entassent de 2,2 millions de personnes et contrôle l’acheminement de l’aide. Mais l’Occident donne des gages à la Chine, principal soutien politique et militaire du Soudan et partenaire économique de celui-ci.

Les chefs d’Etat, au lieu de cultiver l’ambiguïté sur l’arme des Jeux olympiques de Pékin de 2008, promettent d’emblée que tout boycott est écarté. La promesse, en échange d’un cessez-le-feu dès que les négociations commenceront, est une illusion tant la clique dirigeante de Khartoum a l’habitude de mentir effrontément. Les «pourparlers de paix» de Syrte sont un échec annoncé de longue date. La Libye n’est pas un terrain neutre. Les diplomates ignorent-ils son rôle dans l’armement des milices arabes du Darfour pendant des décennies, son action de déstabilisation sur le Tchad voisin ?

Kadhafi, parlant du Darfour, vient de déclarer qu’il s’agissait «d’une bagarre autour d’un chameau», niant par là les crimes contre l’humanité, ajoutant que les déplacés restaient dans les camps pour y être nourris gratis, proclamant ainsi qu’ils ne se feraient pas massacrer en rentrant chez eux.

Difficile, pour les leaders du Darfour, d’accepter de négocier alors que les crimes contre l’humanité continuent. Pourquoi permettre que les camps de déplacés soient attaqués, comme à Nyala récemment ? Pourquoi ne pas broncher quand les Soudanais peignent leurs avions en blanc pour simuler les couleurs de l’ONU ? Pourquoi ne rien dire aux Chinois et aux Russes, qui violent l’embargo sur les armes pour le Darfour ? A-t-on pris la peine de consulter les Darfouris avant de les désigner ? Comment afficher un tel mépris pour des gens qui ont tant souffert et ont tant été trahis par la communauté internationale ?

Au lieu d’exercer des pressions grandissantes contre Khartoum, les chancelleries occidentales menacent les chefs darfouris de sanctions s’ils ne participent pas aux «négociations». L’Union africaine a connu un échec retentissant avec sa première intervention au Darfour, depuis 2005. Elle n’a pu protéger les civils ni empêcher le déplacement forcé de centaines de milliers de villageois, elle a été incapable de sécuriser l’aide humanitaire.

 Des tribus «arabes» s’affrontent même pour se partager le butin de guerre des cultivateurs «noirs africains». Sur les terres abandonnées des Darfouris s’implantent maintenant des étrangers tchadiens, nigériens… tous arabes. Ce bilan désastreux n’empêche pas Konaré, président de la commission de l’Union africaine, de fanfaronner. Il prétend faire de la résolution 1 769 du Conseil de sécurité, qui demande une intervention internationale, une opération des seules troupes africaines, alors qu’elles n’ont de moyens ni logistiques ni technologiques pour agir.

Cette attitude irresponsable fait le jeu de Khartoum, qui, fort de l’appui des pays de la Ligue arabe présents dans l’Union africaine, a les mains libres pour continuer ses exactions au Darfour. Le Sud a retiré ses ministres du gouvernement soudanais d’unité nationale, né de la paix de 2005, jusqu’à ce que soit résolue la crise avec le parti du président Béchir. Cette crise vient de son non-respect du traité de paix. Les Etats garants de la paix, au premier chef les Etats-Unis, s’en sont peu préoccupés. Quelle crédibilité donner alors à un nouvel accord régional sans un mécanisme international drastique de sanctions ?

La détresse des populations continue, la ferme volonté internationale manque d’arriver à un accord équitable.C’est dire l’utilité de la mobilisation internationale pour sauver ce qu’il reste des populations du Darfour.

(Source: LIBERATION)

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