L'HIVER
Merd’ ! V’là l’Hiver et ses dur’tés,
V’là l’ moment de n’ pus s’ mettre à poils :
V’là qu’ ceuss’ qui tienn’nt la queue d’ la poêle
Dans l’ Midi vont s’ carapater !
Et v’là l’ temps ousque dans la Presse,
Entre un ou deux lanc’ments d’ putains,
On va r’découvrir la Détresse,
La Purée et les Purotains !
Les jornaux, mêm’ ceuss’ qu’a d’ la guigne,
À côté d’artiqu’s festoyants
Vont êt’ pleins d’appels larmoyants,
Pleins d’ sanglots... à trois sous la ligne !
C’ qui va s’en évader des larmes !
C’ qui va en couler d’ la piquié !
Plaind’ les Pauvr’s c’est comm’ vendr’ ses charmes
C’est un vrai commerce, un méquier !
Les Soliloques du pauvre - 1897
La deuxième strophe a quelque chose de "visionnaire"... A moins que le monde n'ait pas tellement changé...
Gabriel Randon, dit Jehan Rictus (1867-1933) est un polémiste rendu célèbre par ses poèmes rédigés dans la langue parlée (Les soliloques du pauvre, Doléances, Les cantilènes du malheur), il fut à la veille de la Grande Guerre l'un des piliers de la Butte-Montmartre.
Commentaires
Oui, chère Gaëlle, ce poème est quelque peu prophétique. Le monde ne change pas : ce sont les gens qui changent, comme on le constate facilement. Merci.
Ce poème est génial.
Un fin observateur de notre civilisation, il a écrit juste, vrai, en cela nous pouvons dire prophétique, je parlerai d'une résurgence d'un système qui n'en finit pas de broyer et détruire les plus faibles, quels qu'ils soient.
Oui, c'est l'Hiver, au propre comme au figuré.
J'avais oublié Jehan, merci Gaëlle
Hier soir, je n’avais pas vu le tableau d’Utrillo. C’est vrai qu’il est en harmonie avec le poème de Rictus ; mais j’aime très moyennement. Sait-on de quel village il s’agit ?
Cher abad, j'aime beaucoup Maurice Utrillo, personnellement. Le nom du village n'est pas indiqué, mais ce n'est pas tellement important: de toute manière, c'est un village autour de Paris, car il a passé presque toute sa vie sur la Butte Montmartre. Et il peignait surtout d'après des cartes postales, des photos, qu'on lui apportait. C'était le fils de Suzanne Valadon, peintre connu(e) elle aussi. On a dit de lui "qu'il avait du génie sans le talent": je trouve cela assez juste...
je trouve ce tableau très beau, il me touche profondément... Je ne saurais dire pourquoi...
Amitiés
Merci, Gaëlle, pour ces explications. En général, quand je vois une image, un tableau ou une photo, j’aime savoir quel est le personnage ou le paysage représenté ; il me semble qu’il me manque quelque chose lorsque je ne le sais pas, et j’en suis gêné. C’est sans doute pour cela que je n’apprécie pas la peinture abstraite, le cubisme, etc…Je connaissais le nom de Suzanne Valadon, mais je ne connais pas son œuvre.
Amitié.