Les crises financières se suivent mais ne se ressemblent pas. Celle de 2001-2002 tournait autour de la folie Internet et de la croyance en un nouveau modèle économique. Cette fois-ci, c’est le désir de propriété des ménages américains pauvres qui a été le facteur de départ de la dégringolade. Mais, comme dans tout krach, rien n’aurait pu se faire sans la complicité d’une multiplicité d’acteurs financiers. Qui, par avidité, lâcheté ou incompétence, ont laissé se former une bulle qui se dégonfle actuellement brutalement.
La crise mondiale est née dans les quartiers pauvres des grandes villes américaines. Et du marketing agressif de la part des mortgage lenders, ces courtiers en crédits hypothécaires, envers les populations les plus fragiles, bien souvent des Noirs et des Hispaniques. Les courtiers faisaient miroiter à ces populations qui n’en avaient pas les moyens la possibilité de devenir propriétaire d’un logement en contractant un crédit à risque, un subprime loan. Ou alors d’hypothéquer leur habitation pour acheter une nouvelle voiture. Beaucoup se laissaient convaincre grâce aux talents de bonimenteurs de ces VRP peu scrupuleux. Selon le Département américain du Logement et du Développement urbain, des milliers de cas d’abus ont eu lieu. Dans un rapport, l’organisme s’attarde sur le cas exemplaire d’une femme de 71 ans, à Chicago, qui a reçu la visite chez elle d’un courtier «qui a gagné sa confiance en faisant croire qu’il voulait aider les personnes âgées parce que son propre père était mort d’un cancer». La femme, qui n’avait pas une bonne vue, se voyait promettre un «refinancement de prêts déjà contractés et un apport de 5000 dollars en cash». En fait, elle s’est engagée sur un nouveau prêt à un taux variable de 14 %, n’a pas reçu de cash et a dû, au contraire, payer 9100 dollars de frais. Ses remboursements mensuels devaient ensuite atteindre 80 % de ses revenus. Autant dire le prêt n’a pas été facilement remboursé. Quant au courtier, il n’a pas eu de soucis, le prêt est entré dans le circuit financier, et ce n’est pas lui qui a été affecté par la perte.
Des banquiers cupides
La suite de l’histoire se joue dans les salles de marché des grandes banques américaines. Où des "génies en mathématiques" inventent chaque jour de nouveaux produits financiers complexes, à partir notamment des subprimes. Les principales banques d’affaires ont émis des titres gagés sur ces crédits à haut risque, appelés «Mortgage back securities» (MBS). Ces MBS ont ensuite été mélangés avec d’autres titres gagés sur d’autres crédits pour faire des produits financiers encore plus complexes, appelés «Collateralized debt obligations» (CDO). Le tout a ensuite été vendu aux investisseurs intéressés par un produit financier offrant une rentabilité assez forte (de l’ordre de 9% par an) avec un risque a priori moindre que celui d’une action. Mais les banquiers sont bien punis. Certes, ils étaient intéressés puisqu’ils touchaient une commission en revendant les CDO. Mais ils croyaient dans leurs modèles. La plupart se sont gavés de leurs propres produits, ce qui leur vaut aujourd’hui de devoir passer des énormes provisions (20 milliards de dollars pour Citigroup).
Des agences indulgentes
Les banquiers ont eu une excuse. Ils ont fait confiance aux notes attribuées aux subprimes par les agences de notation. Standard & Poor’s, Moody’s ou Fitch faisaient ainsi preuve d’un optimisme démesuré avant la crise et ont été lents à réagir. C’est ce que dit l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans une étude publiée la semaine dernière. L’AMF relève que les «dégradations de notes de mortgage backed securities» ont eu lieu seulement en juillet 2007, soit «un décalage de plusieurs mois» par rapport à «la baisse des prix dans le marché» constatée dès février, et alors que «des signes de tensions sur le marché immobilier étaient déjà perceptibles». Il y a quelques semaines, Richard Hunter, directeur général de Fitch, avait répondu à ces critiques. «On savait dès 2005-2006 que certains emprunteurs de moindre qualité commençaient à avoir accès au marché du crédit immobilier, expliquait-il. Mais nous avions des historiques de données de seulement quelques mois. Ce n’est qu’une fois confrontés à des pertes plus importantes qu’attendu que nous avons dû revoir nos hypothèses».
Une banque centrale américaine pyromane
La Fed, la banque centrale américaine, a-t-elle joué aux pompiers pyromanes ? Non seulement elle n’a pas encadré le boom des subprimes, mais elle l’a facilité, voire encouragé, histoire de relancer la machine économique après l’explosion de la bulle Internet. «L’ex-patron de la Fed, Alan Greenspan donne des leçons à la terre entière pour mieux s’exonérer de ses responsabilités», confiait Dean Baker, un économiste américain (Libération du 17 janvier). Celui qui murmurait à l’oreille des marchés les cravache désormais, assurant que l’économie américaine va vers la récession. Son successeur, Ben Bernanke, donne l’impression de jouer au tiercé. Après avoir regardé les subprimes avec des lunettes roses («les fondamentaux économiques sont bons», etc.), le voilà qui évalue les pertes à «100 milliards de dollars»… avant d’avouer qu’elles pourraient atteindre la moitié «des encours sur les prêts subprimes à taux variable», lesquels s’élèvent à 1 000 milliards de dollars. «La Fed ne dispose en fait que d’un seul levier pour recapitaliser, sans le dire, les banques commerciales : la baisse des taux, note un économiste. Le problème, c’est qu’ils sont aujourd’hui déjà très bas…» Et ce n’est plus en injectant du cash, que cela changera.Un FMI invisible
Communiqué du FMI, le 17 janvier 2008 : «A la suite de la crise récente des emprunts hypothécaires à risque aux Etats-Unis et des turbulences qu’elle a provoquées sur les marchés financiers, le FMI a recalibré son programme de travail.» Il en aura fallu du temps pour que le Fonds monétaire international réponde aux critiques sur son incapacité à, sinon anticiper, du moins enrayer la crise. Et publie des articles sur ses origines. Se gardant bien de recommandations musclées sur les «best practices» que les banques se sont engagées à améliorer. Se bornant à parler d’un groupe de travail sur le «conflit d’intérêt» des agences de notation, sans y adjoindre de calendrier.
«Le FMI a besoin de parfaire sa connaissance des marchés financiers», avait raillé, dès octobre, Guido Mantega, le ministre brésilien des Finances. «Il a perdu la main, complètement discrédité, selon Dominique Plihon, du conseil scientifique d’Attac. L’œil rivé sur les pays émergents quand le feu couve dans les pays riches. Aveuglé par sa croyance néolibérale que les marchés vont s’autoréguler…» En attendant un réveil que promet Dominique Strauss-Kahn, nouveau patron de l’institution, le FMI fait encore ce qu’il sait mieux faire : revoir à la baisse ses prévisions de croissance.
(Source Libération 22.01.08)
Commentaires
Oui, Gaëlle, ces usuriers sont non seulement responsables de ce Krack, mais sont les dirigeants des lobbies mondialistes, car ils opèrent à l’échelle de la planète. Et ce sont eux qui ont lancé l’immigration généralisée pour peser sur tous les pays, et les désorganiser pour pouvoir les maîtriser.