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Anne Wieviorka, spécialiste de la Shoah, choquée puis révoltée!

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Annette Wieviorka juge ce projet "étrange et malsain"
Chercheuse au CNRS, l'historienne Annette Wieviorka est l'auteur de nombreux ouvrages sur la Shoah dont Auschwitz expliquée à ma fille (Seuil). La chercheuse estime qu'il n'y a pas de risque d'oubli et que la proposition du chef de l'Etat est même dangereuse pour la démocratie. Ce n'est pas le rôle du président que de s'occuper du contenu de l'enseignement scolaire.

Un "cadeau"? Ce terme est insultant
"En entendant la proposition du président de la République, j'ai d'abord été choquée, puis révoltée. Et l'âge évoqué (10 ans) rend cette idée encore plus choquante. Mais mon hostilité aurait été identique à n'importe quel âge. Que veut-on faire? Jumeler un enfant vivant et un enfant mort? Donner au vivant la charge d'un fantôme, l'introduire dans la mort? Doubler sa vie de la mort d'un autre? C'est insupportable. "On ne traumatise pas un enfant en lui faisant ce cadeau de la mémoire d'un pays", a dit vendredi Nicolas Sarkozy. Un cadeau ? Mais ce terme est insultant! La mémoire de ces enfants assassinés n'est certainement pas un cadeau. C'est une tragédie, une charge. Les enfants de 10 ans, on peut leur faire d'autres "merveilleux cadeaux" que celui-là. Alors comme Simone Veil, je trouve cette proposition "inimaginable, insoutenable, dramatique et surtout injuste". Nos enfants, nos petits-enfants n'ont pas à porter des crimes qui ne sont pas ceux de leur génération. Il faut bien mal connaître les enfants pour faire une telle proposition, tout à fait indécente. A ce compte-là, si l'on veut aller plus loin encore dans l'obscénité, pourquoi pas servir la soupe d'Auschwitz à la cantine des écoles une fois par an?

Lubie ou "coup" mémoriel
Pourquoi cette proposition? Je ne sais pas. Il n'y a pas eu de demande de la communauté juive. Je pense plutôt à une lubie ou à un "coup" mémoriel, plutôt raté puisqu'il me semble qu'à l'exception de Serge Klarsfeld, qui vit depuis des années en compagnie de ces enfants morts dont il a retrouvé les noms, et pour beaucoup d'entre eux les visages, ce dont nous lui sommes à jamais reconnaissants, la proposition n'a pas rencontré grand succès. Le président de la République avait déjà exigé que les enseignants célèbrent la mémoire de Guy Môquet. Ces injonctions, hors de propos, dont on comprend mal la logique, me semblent néfastes. Elles imposent un usage politique étroit de l'Histoire. De façon curieuse, elles plongent les enfants et les adolescents dans le culte d'enfants et d'adolescents de leur âge morts. Je trouve étrange et malsain que ce Président, qui prétend représenter la jeunesse, ne donne aux jeunes comme modèles que des jeunes assassinés, qui n'ont pas demandé à mourir. Nicolas Sarkozy doit trouver ces thèmes de la déportation et de la Résistance porteurs, moins glissants que d'autres périodes de l'Histoire qui seraient plus conflictuelles. Mais la façon dont il intervient dans le débat aboutit à faire de ces sujets, sur lesquels il y avait accord, des sujets de discorde. Parce qu'il s'agit de sa part d'injonctions qui ne sont ni pensées ni conçues dans la concertation. Encore une fois, ce sont des coups. Il n'y a ni réflexion ni profondeur.

Il n'y a pas de risque d'oubli
J'ai écrit Auschwitz expliqué à ma fille en pensant à des enfants de 14-15 ans, l'âge de ma fille à cette époque. Elle était en 3e. Je ne pense pas qu'il y ait un âge idéal pour évoquer la Shoah avec les jeunes. Ce que je sais, c'est qu'il faut attendre. Aborder le génocide des juifs à l'école primaire est selon moi une mauvaise chose. La spécificité de la Shoah n'est guère compréhensible aux écoliers. Il y a la littérature, les visites des survivants dans les classes, des films autant qu'on en veut, autant de moyens d'entrer dans cette Histoire sans ajouter cette surcharge émotionnelle insupportable. L'enseignement de la Shoah en France est très satisfaisant, énormément de choses ont été mises en place. Il est faux de dire, comme Nicolas Sarkozy: "Si vous ne leur parlez pas de ce drame-là, ne vous étonnez pas que cela se reproduise." Il n'y a pas de risque d'oubli. Cette période historique est sans doute celle sur laquelle on insiste le plus au cours de la scolarité, celle pour laquelle les moyens les plus considérables sont déployés.

Dangereux pour la démocratie
Les enseignants n'aiment guère cette incursion du politique dans leurs classes. Certes, il leur reste la liberté de travailler selon leur conscience. Mais je trouve la démarche de Nicolas Sarkozy significative d'un manque de confiance à leur égard. Avec lui, l'Etat se mêle trop de l'enseignement de l'Histoire. Cela me choque beaucoup. Que l'Etat organise des célébrations, des commémorations, c'est normal. Mais un président de la République n'a pas à faire le métier des enseignants à leur place. C'est insultant. Il existe des procédures régissant la rédaction des programmes, il existe un ministère de l'Education nationale, avec des enseignants, des inspecteurs... Il n'a pas non plus à délivrer des bouts d'idéologie en permanence. C'est dangereux pour la liberté des historiens et pour la démocratie. Je fais en cela le rapprochement entre la proposition de Nicolas Sarkozy sur la mémoire des enfants juifs morts et ses discours de Saint-Jean-de-Latran et de Riyad sur la religion. On n'a jamais vu ça en France, un président de la République intervenant sans cesse à-propos ou hors de propos dans des domaines qui ne relèvent pas nécessairement de sa fonction. Nous avons en France une séparation entre l'Eglise et l'Etat et c'est très bien comme ça. Et ce n'est pas à lui de la remettre en cause. Ni de décider des enseignements que doivent recevoir les écoliers."
(JDD - 17.02.08)
Nous donnons absolument raison à Annette Wieviorka. Sarközy ferait bien de la prendre comme conseillère...

Commentaires

  • Certes, c'est un nain, mais un nain qui a le pouvoir et est dangereux !
    Danger sur toutes les facettes de la République, qu'il s'agisse des questions de "morale", de programmes scolaires, de médiatisation de ses propres émotions, politique étrangère, etc.
    Tout conduit vers un centre de gravité, le même depuis le début de son existence politique, son égo et sa "revanche".
    Ne jamais oublier d'où il vient et ce qu'il est REELEMENT.
    La fonction présidentielle n'est qu'un moyen pour aller vers ses propres choix. Il ment et ne cesse de mentir, son égo ne lui permet pas de supporter la contradiction ou des résistances. En cela, c'est un dictateur. Les journalistes en font l'amère expérience à leurs dépens, ce qui n'est pas juste même s'ils l'ont cherché.
    Il accompagne les évènements à partir de ses émotions, c'est un danger quand on dispose de la "frappe nucléaire".
    Dans tous ses actes, les vraies réalités, celles qui s'imposent avec le temps, tous convergent vers ces points là.
    Il est comme ses costumes aux épaulettes agrandies pour mieux tomber.
    Le costume présidentiel est trop grand pour lui, et il apparaît pour ce qu'il est ... un nain dangereux.
    Ce n'est pas la position prise par la France, à propos de la Serbie et sa partie kosovare qui me fera changer d'avis.
    Oublier que nous sommes dans les balkans, lieu de toutes les confrontations millénaires et très fragile puzzle de tensions accumulées et de tentatives de vies communes, oublier cela n'est pas digne de la France et de son rôle international. Ce sont des dizaines d'années de patientes constructions diplomatiques qui sont rayées.
    La nomination de Kouchner dans ce gouvernement ne doit rien au hasard. Pour cela, il suffit de regarder ce qui se fait et où, pour comprendre pourquoi les deux larrons se sont retrouvés. Qui se ressemblent, s'assemblent, le même égo !

  • Il y a une chose intangible et sacré pour tout le monde ,que le nabot présidentiel ne sait pas (il ne sait rien) c'est le repos des morts.

  • Cher christian, merci pour ton commentaire. Je pense comme toi, et je trouve que la situation devient réellement INQUIETANTE. C'est un nain dangereux... Je ne parle pas de sa taille (cela, on ne choisit pas), mais de la petitesse de son esprit, de son manque total d'envergure. Il n'a aucun charisme, aucune intelligence des choses et des gens, et encore moins de la France. A-t-il un coeur? Peut-il, comme un être responsable, dominer ses émotions? Il a le pouvoir nucléaire, et cela demande des qualités d'équilibre mental, un jugement sûr, un grand pouvoir de réflexion. Son côté people, sa vulgarité bling bling, tout cela déplaît aux Français (un bon signe!). Il ment come il respire, en plus! sans honte! - Est-il encore en possession de toutes ses facultés?

    J'ai été étonnée de voir qu'il n'avait pas visité le Bagne de Cayenne, lieu d'horreur et de souffrance, pustule sur la République.. Il aurait pu avoir un mot pour le souvenir de tous ces malheureux - j'ai lu un peu à propos de la réalité de ce bagne- des déportés dans cet enfer (Dreyfus, Seznec, et des milliers d'autres... ). C'est bizarre, tous les gens qui vont en Guyane vont visiter le bagne, se recueillir dans ces lieux. As-tu lu quelque chose à ce sujet: l'a-t-il visité?

    Amitié

  • Cher JLA, dans toutes les civilisations, cultures, le repos des morts est sacré. Les enfants juifs qui sont morts dans des camps ont droit à ce repos. Les "exhumer" dans une classe, devant des élèves (qui savent souvent à peine lire et comprendre un texte, à 10 ans, et qui se soucient de bien autre chose...), me semble inconvenant: on va dire leur nom, montrer leur photo s'il en reste une, mais c'est une sorte de profanation! Et si un enfant ne comprend pas, se met à rire ou à commettre une "incivilité", comment lui faire comprendre le respect dus aux morts? Pénible... Odieux pour les martyrs. Le principe est mauvais à la base.

  • On n’arrête pas le progrès: de nos jours, les enfants qui entrent au lycée n’ont plus besoin de savoir lire, écrire ou compter ; il leur suffit désormais de connaître cinq lettres : s, h, o, a, h. Attention, j’entends déjà au fond de la classe les mauvais élèves dire : m, e,…

  • @abad: excellent!

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