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Molex: les deux dirigeants séquestrés racontent et accusent

Cadres de Molex séquestrés.jpg
Marcus Kerriou et Coline Colboc: c'est un acte criminel
Vingt-six heures de séquestration n’ont pas entamé leur détermination et n’ont en rien émoussé l’indignation de Marcus Kerriou et Coline Colboc, respectivement cogérant et DRH de l’usine Molex de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne). Alors que 300 salariés sont menacés par la fermeture de ce site spécialisé en connectique pour l’automobile, les deux patrons veulent croire à une sortie de crise négociée, tout en fustigeant le comportement des « meneurs », selon eux « manipulés ».

Comment s’est déroulée votre séquestration ?
Marcus Kerriou.
Les premières heures, on ne réalise pas trop. Nous n’avons pu dormir que deux heures.
Les salariés tapaient sur les cloisons. Sous les flashs des photographes, je me sentais comme un singe dans un zoo. C’était très humiliant de devoir demander la permission d’aller aux toilettes. Et en même temps, il nous fallait une escorte pour des raisons de sécurité. Le matin, on se sent sale.
Coline Colboc. Je savais que ça pouvait nous arriver, mais pas à ce stade des discussions. C’était prémédité. Ils prétendaient discuter, mais leurs revendications, qu’il s’agisse des 100 millions d’euros d’indemnités, du rapatriement des stocks de pièces de l’étranger ou du maintien de l’activité, étaient surréalistes. A un moment, j’ai craqué. Le pire, c’était la sortie. On nous a abreuvés d’insultes. Marcus a été légèrement blessé. Il doit se rendre à l’hôpital.

Avec le recul, comment analysez-vous ce type d’action ?

M.K. C’est tout simplement criminel. Je ne vois aucune excuse pour ces atteintes à la liberté personnelle. Ce n’est rien d’autre que de la prise d’otages. J’envisage de déposer plainte. Ces actes donnent une image catastrophique de la France dans le monde des affaires.

C.C. On ne peut pas négocier sous la contrainte. Ça nous braque, alors que les gens pourraient partir dignement, c’est-à-dire en paix avec l’entreprise, et en poursuivant un projet de reclassement identifié.

Comprenez-vous la colère des salariés ?
M.K. Mais tout cela est piloté de l’extérieur ! Il y a un décalage entre le professionnalisme avec lequel est gérée la communication, et le niveau intellectuel de certains salariés. Clairement, ça veut dire que, derrière tout ça, il y a les centrales syndicales, à commencer par la CGT, et des éléments radicaux déconnectés de la réalité économique. Au final, c’est l’anarchie totale et ça ne va ni dans l’intérêt des salariés ni dans celui du bassin d’emploi.
C.C. Nous avons pris une décision industrielle dans le respect de la légalité. En cherchant à gagner du temps, les syndicats empêchent la mise en place du reclassement. Du coup, les gens sont abandonnés, désespérés, et tout se concentre dans le rejet de l’entreprise et la haine du patron.

François Fillon accuse Molex de délit d’entrave…
C.C.
Alors, non seulement on est séquestrés, mais en plus, maintenant, il faudrait qu’on aille en prison ? Un défaut d’information au CE, si tant est que nous soyons condamnés, ce n’est pas non plus criminel.
M.K. Depuis juillet 2008, nous avons perdu quatre millions d’euros sur ce site. Tous nos marchés s’effondrent. Nous fermons d’autres usines en Europe, vers lesquelles nous avions prévu au départ de délocaliser. Avec l’arrêt de la production de Villemur, les lignes de PSA étaient sur le point de stopper en fin de semaine dernière. Ça aurait coûté 1,2 million d’euros de pénalité par jour à Molex, et pénalisé plusieurs milliers de salariés.

Comment abordez-vous les semaines à venir ?
C.C.
C’est l’incertitude. L’équipe de management a peur. Nous allons sécuriser le site. Je trouvais ces mesures de protection disproportionnées, mais quand je vois le directeur recevoir par courriel des menaces de mort, je me dis que c’est nécessaire. J’espère que la production va reprendre. Sinon les salariés seront livrés à eux-mêmes, et on risque de se retrouver face à une véritable Cocotte-minute. Je crains l’acte d’un désespéré isolé. Maintenant, je vais prendre du recul, dépasser l’émotionnel, et gérer la situation dans le respect des personnes.
M.K. Je suis déterminé, dé-ter-mi-né. Et je ne me laisserai pas intimider.

Le Parisien  23 avril 2009

 

 

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