Elle est décrite comme une foire de commerce, mais aussi une occasion de régler les contentieux, de célébrer des mariages, d’entendre des poètes et des musiciens. S’il n’y a pas de sacrifice ni de cérémonie religieuse, on y fait des jeux et des courses, similaires aux Olympiades grecques.
LUG, LE DIEU A LA LANCE
La plupart des peuples indo-européens connaissent un grand dieu du ciel issu du Dyeus originel (grec Zeus). Or, une des particularités des Celtes c’est l’absence complète de ce dieu, alors qu’en revanche le mot qui en est issu et qui signifie « un dieu », devos, est présent. Mais si le nom ne se retrouve pas, cela ne signifie pas pour autant que ce dieu n’existe pas. Ainsi chez les Slaves, on constate le même phénomène avec un dieu du ciel du nom de Svarog, analogue au mot sanscrit svarga, « ciel ». Les Celtes connaissaient donc un grand dieu du ciel, et le seul crédible dans ce rôle est Lugus, dieu celte de la lumière. En somme Lug « le lumineux » était probablement au départ une épiclèse du dieu céleste indo-européen, une forme probable i.e Leukyos. C’est ce dieu que je vais maintenant étudier plus précisément.
Le dieu Lug se retrouve dans l’ensemble du monde celtique: il est Lugos chez les Gaulois, Lugh chez les Irlandais, Lleu chez les Gallois, et sa représentation est partout identique. Il est barbu, comme Jupiter, et son sceptre, plus précisément une lance, peut envoyer la foudre. Il a surtout donné son nom à de très nombreuses villes occidentales. Lugo et Leoñ en Espagne, Loudun et Lyon en France, Leipzig en Allemagne (car les Celtes dominèrent un temps les Germains, ce que les Romains ne purent jamais faire) comme Londres en Grande-Bretagne, dérivent toutes de Lugudunon, « la cité du dieu Lugus ». Tout cela prouve son importance dans le panthéon celte.
Son épouse et parèdre était probablement la grande déesse celte de l’aurore, de l’intelligence et des techniques, Brigantia en Gaule, Brighid chez les Irlandais et les Gallois, celle que César appellera du nom romain de « Minerve ».
Une particularité de Lug c’est de ne pas être qu’un dieu céleste et souverain ; les Celtes l’appelaient le « polytechnicien » et c’est pourquoi les Romains, au lieu d’y voir un Jupiter, préférèrent y reconnaître Mercure, dont César dit qu’il était le dieu le plus honoré. L’empereur Auguste vit en Lug non seulement la figure de Mercure mais y vit aussi Apollon en tant que dieu de la lumière ; il semble qu’Auguste avait le plus profond respect pour ce dieu celte. Les Irlandais aussi avaient fait de Lugh le roi de leur panthéon, et le mythe du roi Arthur en est probablement issu.
En effet, le symbole sacré de Lug est sa lance de combat mais qui peut aussi foudroyer. Or un mythe semble montrer en Lugh le dieu qui « se sacrifie à lui-même » afin d’acquérir la sagesse universelle. Il se serait transpercé et son sang aurait été recueilli dans une coupe (le futur Graal) ou plutôt dans un chaudron, celui de la régénération infinie du dieu Dagda, « le bon dieu », probablement un autre nom de Lug, du moins à l’origine. Les Chrétiens durent reconnaître le sacrifice de leur prophète dans celui de Lug, d’où l’idée de la coupe de Joseph d’Arimathie recueillant le sang du Christ, qui est une idée purement celte et aucunement orientale.
Ce mythe rapproche également Lug du dieu germanique Wotan/Odhinn. Symboles et mythe sont en effet similaires. Lug comme Wotan sont des dieux porteurs de lance (celle de Wotan est « Gungnir » mais le nom de celle de Lug nous est inconnu), tous deux sont accompagnés de deux loups, ce qui s’explique probablement par la ressemblance indo-européenne entre leuks, « la lumière », base du nom de Lug, et lukwos (ou wlkwos), « le loup ». Lug est également, comme Wotan, un dieu des corbeaux, comme le mythe de la fondation de Lyon par un corbeau noir le montre clairement. Et en ce sens on peut dire que Lug est aussi un dieu guerrier et même un dieu des morts. C’est fort vraisemblablement lui qui doit se cacher derrière le nom gaulois divin de toutatis, « le père de la tribu ».
On peut donc constater que le dieu céleste des Celtes, Lug, est assez différent des autres dieux célestes indo-européens. Le seul qui lui ressemblât vraiment est Wotan, ce qui s’explique assez logiquement par le fait que Wotan, dont le nom signifie « le furieux », s’est emparé des fonctions célestes du vieux dieu germanique Tius, connu chez les Scandinaves sous le nom de Tyr. Mais que sa place dans le panthéon est fondamentale. Taranis apporte la foudre destructrice et la mort des ennemis mais Lug apporte la lumière du ciel et de l’esprit et combat les ténèbres. Une expression issue d’un roman moderne sur le mythe arthurien, « Pendragon », de Stephen Lawhead, me revient à l’esprit. Le roi Uther Pendragon, le père d’Arthur, s’exclame : « Par Lleu (Lug) et Zeus ». Intuitivement, le romancier avait bien cerné la figure de ce dieu et soulignait aussi son importance. Le « génie » de Patrick, initiateur de l’évangélisation de l’Irlande, fut de mettre sur un même plan mythique Jésus et Lug, afin de faciliter la conversion.
Si Taranis défend avec énergie notre corps, Lug protège notre âme.
Thomas STAHLER
Novopress Breizh, 2009,- 03.08.09
Commentaires
Merci, chère Gaëlle, de nous apporter ces «lumières» sur la mythologie celte, qui nous est quasiment inconnue (en tout cas de moi).
...et de moi aussi...
Des noms de villes, et de nombreux villages français, viennent directement de "lug".
Lyon, Lugdunum, en est le meilleur exemple. On y célèbre d'ailleurs "la fête des lumières"...