Un diagnostic médical contestable et un semblant de valse-hésitation judiciaire ont émaillé le dossier de Manuel Ribeiro Da Cruz, criminel récidiviste mis en examen et écroué pour l'assassinat de Marie-Christine Hodeau, kidnappée lundi dernier alors qu'elle faisait son jogging dans un bois près de Milly-la-Forêt (Essonne). Âgé aujourd'hui de 47 ans, marié et père de quatre enfants dont l'un est engagé dans les forces françaises en Afghanistan, il avait été condamné le 18 juin 2002 à onze années de réclusion criminelle pour l'enlèvement, la séquestration et le viol le 1er octobre 2000 d'une fillette de 13 ans qui était sa voisine à Échilleuses, village de 300 habitants du Loiret. Déjà à l'époque, il avait fait usage d'un couteau et fait monter de force sa victime dans sa voiture avant d'abuser d'elle. Le collège de trois médecins qui ont examiné Manuel Ribeiro Da Cruz, jusque-là inconnu de la justice, ne remarque «aucune anomalie mentale ou psychique de dimension psychiatrique aliénante». En revanche, les experts avaient noté une «dépendance à l'alcool» entraînant un «penchant sexuel agressif inapproprié».
En d'autres termes, sa criminelle perversion ne serait consécutive qu'à l'abus de la bouteille... «Si la psychiatrie était une science exacte, cet homme serait évidemment resté derrière les barreaux», concédait jeudi un magistrat, précisant que «Manuel n'avait pas bu le moindre verre avant d'agresser mortellement Marie-Christine Hodeau». C'est donc sous les traits d'un repenti de la bouteille, bon père de famille disposant de garanties de représentation que Manuel formule une première demande de libération conditionnelle, rejetée le 30 septembre 2005 par le tribunal d'application des peines de Melun.
Alcooliques anonymes
Mais, le 5 janvier 2006, la cour d'appel de Paris fait droit au pourvoi en appel du violeur : ce dernier est relâché une première fois à condition qu'il se soumette à des obligations de soins chez un alcoologue, qu'il ait un emploi et, surtout, qu'il ne rentre pas en contact avec sa victime ou ne fréquente le village d'Échilleuses. Sa liberté de mouvement est de courte durée. Cinq mois après, le juge d'application des peines lui retire le bénéfice de sa conditionnelle considérant qu'il ne travaille plus et qu'il a quitté son domicile de Paris pour s'installer à moins de vingt kilomètres du domicile de son ex-victime.
Persévérant, le violeur reformule une nouvelle demande, acceptée en février avec un effet à compter du 5 mars 2007. À partir de cette date et jusqu'à la fin de sa peine le 21 novembre dernier, Manuel Ribeiro Da Cruz devait pointer chez les Alcooliques anonymes. «Ses obligations de soins, son domicile ainsi que son travail étaient surveillés mensuellement par le service de probation et d'insertion», précise le procureur adjoint d'Évry, Michel Lernoult. Un rapport était transmis tous les trois mois au juge d'application des peines qui avait convoqué Manuel Ribeiro Da Cruz en mai puis octobre 2007 après avoir pris connaissance de rumeurs selon lesquels ce dernier rôdait à Échilleuses. Après ces rappels à la loi, le récidiviste a attendu d'avoir purgé sa peine pour revenir s'établir à côté du domicile de la fillette agressée.
La famille de cette dernière redoutait que le prédateur ne repasse à l'action. Jeudi, gendarmes et policiers commençaient un minutieux travail de rapprochements entre l'assassinat de Marie-Christine Hodeau et d'autres affaires non résolues. La plus intéressante concerne Caroline Marcel, 45 ans, partie elle aussi faire son jogging avant d'être découverte, le 23 juin 2008, étranglée dans une rivière à Olivet (Loiret). À cette époque, Manuel Ribeiro Da Cruz achevait sa seconde libération conditionnelle.
Le Figaro - 02.10.09