Les violences de Poitiers, qui n'avaient pas été anticipées, indiquent que les extrémistes optent pour la discrétion.
Surprise par la brusque irruption de quelque 250 casseurs au cœur d'une manifestation festive organisée à Poitiers, la police s'efforçait lundi de tirer les leçons de cette flambée impromptue de vandalisme et de violence. «Malgré la surveillance renforcée qui s'applique depuis plusieurs années aux groupuscules d'ultragauche, il est indéniable que nous avons cette fois été pris de court», grimace ainsi un commissaire, qui ajoute : «Il nous faut maintenant comprendre si leurs modes d'action et de communication ne sont pas tout simplement en train d'évoluer.»
• Des groupes de plus en plus discrets ?
Rompant avec la pratique des groupes qui se sont récemment illustrés à Strasbourg ou Vichy, les organisateurs du «raid» de Poitiers ne semblent pas avoir annoncé explicitement leurs projets d'en découdre sur les forums Internet habituellement fréquentés par les militants d'extrême gauche. Sous l'intitulé «Manifestation festive», le blog du Comité anticarcéral de Poitiers avait simplement précisé, elliptique : «Venez vous joindre à nous pour qu'ensemble, nous puissions nous renforcer et peut-être ouvrir une brèche. S'agissant d'un rassemblement festif, venez vêtus de tous les accoutrements possibles et imaginables…» D'apparence anodine, cet appel au rassemblement n'a pas retenu l'attention des policiers, qui n'ont manifestement pas capté davantage d'indices au gré de leurs surveillances téléphoniques. «On peut donc se demander si, après avoir beaucoup communiqué sur leurs actions à venir, les Black Blocs n'ont pas désormais choisi d'adopter une organisation plus discrète», hasarde un fin connaisseur de ces groupes. Auteur d'un Dictionnaire de l'extrême gauche (1), Serge Cosseron ajoute : «Ces militants affichent une grande défiance envers les moyens de communication modernes, qui les exposent à la surveillance policière. De plus en plus, ils cherchent donc à s'organiser sans passer par Internet et les téléphones portables.»
• Une organisation parfaitement rodée
Les policiers présents samedi à Poitiers ont été impressionnés par le degré d'organisation des manifestants qui leur ont fait face. Avant de passer à l'action, ceux-ci avaient visiblement aménagé des caches regroupant burins, marteaux, feux d'artifice, masques à gaz et autres lunettes de plongée en plusieurs points de la ville. De même, le choix de leurs «objectifs» n'a visiblement pas été laissé au hasard. «Il est quasi certain qu'ils avaient été déterminés à l'avance en raison de leur charge symbolique, estime Serge Cosseron. J'en veux pour preuve la dégradation des bureaux du quotidien La Nouvelle République du Centre qui, en tant que quatrième pouvoir, constitue une cible évidente. Par le passé, des équipes de France 3 et des reporters de la presse locale ont d'ailleurs été semblablement visés lors de manifs à Grenoble ou en Bretagne.»
• Une mouvance en proie aux divisions
Protéiforme, regroupant une multitude de groupes qui ne partagent pas nécessairement les mêmes idées, l'«ultragauche» semble également divisée sur l'opportunité d'agir par la violence. Ainsi, tandis que le site Internet du Comité anticarcéral de Poitiers manifeste son soutien aux dix-sept personnes interpellées samedi, l'Organisation communiste libertaire, pourtant co-organisatrice de la manifestation, a publié lundi un communiqué déplorant «une ambiance pas trop démocratique et un avant-gardisme rappelant de sinistres heures du gauchisme “militaro” que l'on croyait renvoyé aux poubelles de l'Histoire».
• Un risque de radicalisation
À mesure qu'ils s'organisent de façon plus discrète et plus percutante, policiers et gendarmes craignent de voir certains noyaux militants basculer dans une forme d'action plus violente. «Certains semblent en avoir assez de se casser les dents sur les dispositifs mis en place pour le CPE, à Strasbourg ou encore lors de la journée “No Border” de Calais», avance un spécialiste. Lundi, le ministre de l'Intérieur a de son côté annoncé son intention de durcir la réponse policière. Il s'est engagé à demander la «dissolution» des associations impliquées dans les violences, ainsi qu'à recenser «les squats qui sont susceptibles d'accueillir ces militants d'ultragauche».
(1) Chez Larousse.
Le Figaro - 13 octobre 2009
Commentaires
Comme par hasard, la police et les renseignements généraux qui savent infiltrer les groupes dits d’ «extrême droite» (voir le dernier rassemblement dans l’Isère !) n’a aucun renseignement sur ceux de gauche !
@ abad
Et bien, peut-être parce qu'il existe des atomes crochus entre les "RG" et les milieux dits "d'extrême-gauche ": ah, cette "extrême -gauche"; elle est saturée d'élus; allez savoir pourquoi .
tout à fait d'accord avec "abad" vraiment bizarre