CAMP D’AUSCHWITZ (POLOGNE), MARDI. Dans le camp, les visiteurs, confrontés à l’horreur, peuvent notamment voir des piles de boîtes de zyklon B, le gaz utilisé pour exterminer les déportés
«Si je dis à mes élèves que les nazis ont exterminé six millions de Juifs, ça ne leur dit rien. Si je leur raconte Olga, 17 ans, obligée de piétiner des corps dans une fosse pour les tasser, là, ça leur parle… » Comme Pierre-Philippe, prof d’histoire dans un lycée professionnel du Val-d’Oise, ils sont formels : pour peu qu’on la rende « plus proche » grâce aux photos et films disponibles, ou à la parole des rescapés encore en vie, « enseigner la Shoah, ce n’est pas difficile ».
Même si, comme le déplore Victoria, prof de lettres en collège à Strasbourg, « beaucoup d’élèves ne savent déjà même plus que cela a existé ». Mais prendre la Shoah en pleine figure, pendant quatre jours de voyage en Pologne, en compagnie de survivants ou d’enfants de déportés, c’est autre chose : « Mesurer l’indicible et comprendre pourquoi ça l’est. Un choc à chaque fois », confie Pierre, prof de lycée, éprouvé par sa visite des camps. La troisième en neuf ans pourtant. Auschwitz, Birkenau, le ghetto de Cracovie, Lublin et son camp d’extermination préservé en l’état de Majdanek, Varsovie… Une dizaine d’enseignants ont, selon leur région d’origine, pris sur leurs vacances ou promis à leur inspection de rattraper leurs cours pour s’envoler lundi dernier avec Charles et Arlette Testyler, et leur association Mémoire et vigilance des lycéens. Originaire de Slawków, petit bourg de Silésie, au sud de la Pologne, raflé le jour de ses 15 ans en juin 1942, il a survécu à deux années dans les camps. Elle, à la rafle du Vél’ d’Hiv’ puis à l’internement en France avec 320 enfants et au chagrin de n’avoir jamais revu ce père disparu à Auschwitz, dont elle sait juste qu’il a été « logé » dans le pavillon 28. L’une de ces bâtisses de brique rouge devant laquelle elle allume une bougie à chacun de ses passages. En 1995, avant que les conseils généraux et régionaux ne commencent à financer des voyages réguliers de collégiens, lycéens et profs, le couple a fondé son association, après une première visite. « J’y voyais des groupes de jeunes de tous les pays. Mais pas de Français. On s’est dit que ce n’était pas possible », dit Arlette, qui, à 76 ans, consacre l’essentiel de son temps à ces voyages de la mémoire. Une douzaine en quinze ans. La plupart juste pour un jour, avec des élèves accompagnés de leurs profs. Et quatre, comme celui-ci, plus complets, avec l’aide du Crif, pour les enseignants avec des survivants et familles de déportés.
Des témoignages, Pierre, David, Houria, profs d’histoire en lycée ou collège, en ont lu. Et entendu, à force de faire venir des survivants devant leurs élèves. « Quand Arlette est venue à Strasbourg témoigner devant ma classe de 3ème , on aurait entendu une mouche voler », confie Victoria, prof de français.
A Slawków , c’est devant une rivière que l’on entendrait une mouche voler, quand Charles Testyler, 83 ans, y raconte son enfance « heureuse », les bains avec frères et soeurs dans l’eau qui serpente entre les bouleaux. Cette rivière, il l’a vue rouge quand les Allemands débarquant dans le bourg ont fusillé 140 Juifs.
Silence dans le car entre Cracovie et Oswiecim, quand Jules, 87 ans, raconte sa survie de trente-quatre mois, les trois jours d’enfer en wagon plombé entre la France et Auschwitz, la barbarie, de camp en camp jusqu’à Buchenwald. Devant les montagnes de lunettes, valises confisquées et chaussures d’enfants, qui racontent aujourd’hui dans les baraques de brique d’Auschwitz ceux qui ne sont plus, devant la rangée industrielle de chambres à gaz de Birkenau, les profs prennent des notes, emmagasinent les photos.
Il fait un froid glacial dans la plaine du camp de Birkenau, comme entre les baraques de bois de Majdanek, abandonnées en l’état par les nazis, aux portes de Lublin et de l’Ukraine, mais les yeux rougis ne doivent rien au climat. Pierre-Philippe était pourtant déjà venu, mais il s’en doutait en grimpant dans l’avion lundi : « On ne s’habitue jamais. »
Il fait un froid glacial dans la plaine du camp de Birkenau, comme entre les baraques de bois de Majdanek, abandonnées en l’état par les nazis, aux portes de Lublin et de l’Ukraine, mais les yeux rougis ne doivent rien au climat. Pierre-Philippe était pourtant déjà venu, mais il s’en doutait en grimpant dans l’avion lundi : « On ne s’habitue jamais. »
Le Parisien - 06.03.10
Commentaires
Ils pleurent devant un tas de valises vides .Les soldats qui ont ouvert les portes du camp , qui ont secouru les derniers survivants ,qui ont fusillé les SS pris ont du subir un plus grand choc .Mais ils n'ont pas eu droit à une "cellule psychologique" de soutien . Aucun d'eux n'est sollicité pour apporter son témoignage . Pas un mouvement de reconnaissance enverss eux . Ils n'entrent pas dans la mémoire .
@ tramoni - Vous écrivez: "Aucun d'eux n'est sollicité pour apporter son témoignage . Pas un mouvement de reconnaissance enverss eux . Ils n'entrent pas dans la mémoire." - Votre commentaire est très pertinent et amène à se poser des questions: pourquoi ne parle-t-on jamais de ces soldats qui ont ouvert les camps de concentration et qui ont vu les survivants, les ont secourus? Leur témoignage devant l'Histoire me semble en effet des plus importants. Sans doute ces premiers témoins sont-ils trop âgés aujourd'hui? Mais on juge actuellement des bourreaux qui sont très âgés aussi. On doit pouvoir retrouver les libérateurs.
Pourquoi ces soldats russes ou américains qui sont entrés les premiers dans les camps ne sont-ils jamais recherchés et interviewés? Ce qu'ils auraient à dire me semble des plus fiables.
On sait que les fours crématoires ont été reconstruits par les Soviétiques. Les Allemands ayant fait sauter tout ce qu'ils pouvaient à l'approche des Rouges.
Belle exposition de boîtes de conserve, tout à fait conforme aux canonx de l’art moderne !
"la grande muette " ,l'armée , a tort dans cette occasion d'observer sa tradition du silence . elle laisse la parole parfois à des faussaires .Elle oublie le sacrfice des siens .
Les Juifs vont chercher des 'justes " chez des civils oubliant que les soldats des FFL étaient des volontaires et devraient etre reconnus tous comme des Justes parmi les justes ;
Les historiens sont des Ingrats .
Pardon: canons et non canonx!
Une fois que le reliquat d'anciens rescapés pouvant tenir dans une cabine téléphonique sera parti ad patres , la propagande shoatique aura vécu !
Il y a quelques mois, j'avais vu un reportage sur Fr3 qui montrait une classe de 3 ème en pélerinage à Auschwitz embarquée là-bas par l'incontournable "prof d'histoire" ...C'était un collège catho (sous contrat ..) et on nous a appris que le Conseil Général emmenait chaque année des classes de collégiens.
Cher abad, devant de telles horreurs, on n'en est plus à un x ou à un s près. Ne vous excusez pas: je comprends votre émotion.