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Hamid Karzaï ne veut plus être la marionnette des Occidentaux

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La visite éclair d'Obama le 28 mars a pu contribuer à faire sortir de ses gonds le président afghan.

De notre correspondante à New Delhi

Pour Hamid Karzaï, trop, c'est trop. Des couleuvres, il en a avalé beaucoup depuis 2001. La dernière en date remonte au 28 mars. Ce jour-là, Barack Obama prévient son homologue afghan une heure seulement avant d'atterrir à Kaboul de son intention de s'inviter à dîner au Palais présidentiel. La nuit est tombée depuis longtemps. Certes, cela passe assez bien dans les coutumes locales : l'hospitalité des Pachtouns est légendaire. Il n'empêche. Obama, qui ne s'était jamais rendu en Afghanistan depuis son élection, y restera moins de six heures ; il ne consacrera que vingt-cinq minutes à Karzaï. Et encore, pour lui faire la morale.

«Nous voulons continuer à faire des progrès en matière de bonne gouvernance, d'application de la loi, d'efforts anticorruption, toutes ces choses qui conduiront à construire un Afghanistan plus prospère, plus sûr, indépendant», lance le président américain au chef de l'État afghan. Karzaï lui répond poliment qu'il espère que «le partenariat avec les États-Unis contribuera à construire un Afghanistan stable, fort et pacifié qui pourra fonctionner par lui-même et aller de l'avant». Les termes «souveraineté de l'Afghanistan» ou encore «indépendance de son président» ne sont pas encore prononcés. La vengeance est un plat qui se mange froid. La visite surprise de Barack Obama a-t-elle contribué à faire sortir le président afghan de ses gonds, au point de déclencher la logorrhée des derniers jours ? Il aura fallu attendre mercredi pour que le Palais présidentiel à Kaboul s'efforce de calmer le jeu.

 

Propos incendiaires

 

Waheed Omar, le porte-parole de Karzaï, a démenti les informations rapportées par plusieurs députés afghans au cours du week-end, affirmant que le président s'était dit prêt à rejoindre les talibans si les Occidentaux continuaient de faire pression sur lui. Hamid Karzaï aurait tenu ces propos incendiaires durant une réunion à huis clos du Parlement. «Si les États-Unis continuent de me harceler publiquement pour que j'en fasse toujours plus pour mettre un terme à la corruption, au népotisme et à la fraude électorale, alors je pourrais bien rejoindre les rangs des talibans», aurait-il lancé. Expliquant dans la foulée, qu'après tout, «la différence entre résistance et rébellion était de l'épaisseur du trait».

Démentir des propos rapportés par des tiers n'est pas très difficile. Faire oublier ceux prononcés devant un micro de la BBC, ou en présence du général Stanley McChrystal, commandant des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, est beaucoup plus délicat. Or, Karzaï l'a dit et répété, les fraudes massives qui ont entaché l'élection présidentielle en août dernier - et qu'il avait d'abord niées - sont le fait de «l'interférence étrangère».

 

Négociations avec les talibans

 

Au premier rang de cette ingérence, les Nations unies, les États-Unis et l'Union européenne, représentée par le Français Philippe Morillon. Pour faire bonne mesure, la présidence afghane a annoncé, mercredi, avoir «accepté la démission» des responsables de la Commission électorale afghane, accusée d'avoir favorisé la réélection de Karzaï. Surtout, les capitales occidentales soupçonnaient la Commission de se préparer à truquer les législatives qui doivent avoir lieu en septembre.

Ce qu'il a le plus sur le cœur, c'est pourtant à Kandahar, la ville du Sud où les talibans continuent d'avoir une cote impressionnante, que le président afghan l'a dit. En bon chef pachtoun, et en présence du général McChrystal.

S'adressant à 1 500 chefs tribaux à l'occasion d'une choura (assemblée traditionnelle), Karzaï a martelé : «La situation s'arrangera en Afghanistan quand son peuple sera persuadé que son président est indépendant, quand il croira que le gouvernement est indépendant et non pas une marionnette.» Et, l'heure de la revanche ayant sonné, il a poursuivi : «L'autre jour, j'ai dit à M. Obama que je ne pouvais pas remettre sur pied ce pays par la guerre. Cette situation dure depuis huit ans, nous voulons la paix et la sécurité. Je m'engage de toutes mes forces à ramener la paix dans ce pays.» McChrystal était assis sur l'estrade derrière Hamid Karzaï ; il n'est pas intervenu.

Karzaï n'est sans doute ni fou ni toxicomane. Il est simplement afghan, comme le souligne l'analyste politique indien M. K. Bhadrakumar, ancien diplomate en Afghanistan. Selon lui, le président pratique «une diplomatie à l'afghane» qui dépasse largement l'Administration Obama. La pierre angulaire en est la réconciliation avec les talibans. Et elle vient d'être mise à mal par Washington et Islamabad. Depuis cinq ans, Karzaï ne cesse de tendre la main aux talibans, y compris à leur chef spirituel, mollah Omar. Des négociations étaient en cours. Or les États-Unis les auraient court-circuitées en «sous-traitant» au Pakistan le processus de réconciliation, persuadé que c'était là le meilleur moyen d'en finir avec le conflit afghan.

Le Figaro - 8 avril 2010

Commentaires

  • Mouais... mais Karzaï est bien content que les Occidentaux soient là pour l'aider à se maintenir au pouvoir. Il fait comme tous les dirigeant du Tiers monde il souffle le chaud et le froid pour contenter ses alliés et son peuple, les Occidentaux et les musulmans, un grand écart qui finit souvent mal.

  • Tiens l’on reparle du Mollah Omar ! Mais où est passée sa mobylette ? Il se l’est faite enlevée par la fourrière ?

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