Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Portrait de Bart De Wever, l'homme-clé de la Belgique

Il est l'homme fort du moment dans un pays affaibli par une succession de crises politiques. Crédité de 29 % des voix dans la région néerlandophone du nord du pays, selon des projections des télévisions dimanche,  Bart De Wever, président de la NV-A (Nouvelle Alliance flamande) est en passe de faire de son parti la principale formation politique de Flandres. De quoi lui permettre de jouer un rôle décisif dans la formation du prochain gouvernement belge. Un coup de maître pour cet indépendantiste convaincu. Avec son air roublard et sa bouche pincée, l'Anversois à l'air bonhomme a su devenir en quelques années l'homme politique le plus populaire de Flandre.

Car, en matière de communication, cet historien de formation, âgé de 39 ans, n'a pas son pareil. Parmi ses plus célèbres coups d'éclat : le déversage, en 2005, de 13 milliards de faux billets de 50 euros au pied d'une usine wallonne, pour dénoncer les transferts d'argent de la Flandre vers la Wallonie. Les francophones ont ri jaune, mais De Wever a su se rendre sympathique aux yeux des siens. Et, parmi ses premiers fans, les médias flamands. En janvier 2009, il était invité à l'émission L'homme le plus intelligent du monde sur la chaîne publique VRT : il se hissera en finale ! Pour Marc Swyngedouw, professeur de sociologie politique à l'université de Louvain, il n'y a pas de doute : "Les médias flamands ont largement favorisé son ascension. Si l'on compare, sur les premières années de sa carrière, son niveau de notoriété au temps qui lui était consacré à la télévision, il y a un déséquilibre énorme."

Flirt avec les extrêmes

Il faut dire qu'avec ses "petites phrases", le président de la NV-A est un faiseur d'audience, qui vire parfois au mauvais goût. Exemple, en 2007 : alors que le maire d'Anvers avait présenté des excuses officielles à la communauté juive de Belgique pour l'attitude de sa ville durant la Seconde Guerre mondiale, Bart De Wever avait qualifié l'initiative d'"acte gratuit" destiné à "affaiblir l'extrême droite anversoise". Et d'en rajouter, accusant la communauté juive d'"instrumentaliser" l'Holocauste. Mais pour Marc Swyngedouw, il ne s'agit pas d'un dérapage stratégique : "Il joue toujours sur la corde fine entre populisme et extrême droite. Si on lit ses discours, on retrouve des mots à la limite du courant autoritaire, mais il n'est pas ouvertement raciste."

Et c'est là sa grande réussite. Grâce à ce balancement, la NV-A est devenue le "bouffe-voix" du Vlaams Belang, l'extrême droite belge, sur la pente douce dans les sondages. Bart De Wever est un père de quatre enfants animé par des idéaux très traditionnels, mais sait jouer d'un discours politique ambigu. Fils d'un cheminot engagé dans l'Apartheid en Afrique du Sud, il est "bien connu dans le milieu indépendantiste et conservateur, mais c'est tout. Il est trop intelligent pour avoir appartenu à un groupuscule", avance Marc Swyngedouw.

Tacticien politique

C'est avec des membres de l'aile conservatrice de la Volksunie, parti nationaliste historique flamand, que De Wever a créé la NV-A, en 2001. Trois ans plus tard, il en devient président et est élu au Parlement flamand. Fin stratège, il s'associe au Parti chrétien-démocrate d'Yves Leterme, avec qui il gagne les élections régionales la même année. Et la NV-A enregistre pour la première fois des scores à deux chiffres.

Mais Bart De Wever est un malin : il refuse de rentrer au gouvernement en 2008 malgré les demandes pressantes de Leterme. Ainsi, il évite de s'embourber dans la crise politique et garde toute liberté pour critiquer la réforme de l'État portée par ses alliés au pouvoir. De Wever va jusqu'à dénoncer "l'immobilisme" du gouvernement. Le divorce entre Leterme et De Wever est scellé.

Homme d'État ou provocateur ?

De Wever sait pertinemment quand il faut faire un pas de côté. Aujourd'hui encore, s'il est devancé aux élections par Elio Di Rupo, candidat du Parti socialiste francophone, cela n'a pas d'importance : il lui concède volontiers le poste de Premier ministre. "Les hommes politiques flamands qui ont accepté ce poste l'ont fait en sacrifiant leur programme. Je ne suis pas prêt à faire cela", argue-t-il. Et sans doute a-t-il raison. Mais, pour Marc Uyttendaele, professeur à l'université libre de Bruxelles, le calcul va plus loin : "C'est un signe de reconnaissance envoyé aux francophones, qui n'ont pas eu de Premier ministre depuis 1974. Et une façon de montrer qu'il n'a d'yeux que pour la Flandre, décrypte-t-il. De toute façon, il est évident que le climat n'est pas favorable pour obtenir l'éclatement du pays qu'il souhaite."

Pour Marc Uyttendaele, il y encore une explication, plus profonde : "En fait, il est terrorisé à l'idée d'avoir à assumer ses fonctions. C'est un tribun, un provocateur. L'antithèse du responsable politique. Il n'est pas un homme d'État", tranche-t-il. Avec sa nouvelle légitimité politique, De Wever devra, en effet, passer des discours à l'action concrète et, pour Uyttendaele, rien n'est moins simple : "C'est très difficile de passer du music-hall politique à l'austérité des fonctions ministérielles..."

Le Point - 13.06.10

Les commentaires sont fermés.