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ANNA DE NOAILLES (1876-1933)

Le pays

Ma France, quand on a nourri son coeur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
La fougère et le saule,

Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
L'odeur de vos feuillages,
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux,
Dès l'aube de son âge,

Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine,
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine,

Quand on n'a jamais vu se lever le soleil
Ni la lune renaître
Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés vermeils,
Vos chênes et vos hêtres,

Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs ;
Vos fruits et vos châtaignes,
On a bien médité dans la paix de vos soirs
Les livres de Montaigne,

Quand pendant vos étés luisants, où les lézards
Sont verts comme des fèves,
On a senti fleurir les chansons de Ronsard
Au jardin de son rêve,

Quand on a respiré les automnes sereins
Où coulent vos résines,
Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein
Le coeur de Jean Racine,

Quand votre nom, miroir de toute vérité,
Émeut comme un visage,
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage

Que l'on ne sait plus bien, quand l'azur de votre oeil
Sur le monde flamboie,
Si c'est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu'on a le plus de joie...

Commentaires

  • Merveilleuse Anna de Noailles dont adolescent je récitais les vers:
    "J'écris pour que le jour où je ne serai plus
    On sache comment l'air et le plaisir m'ont plu
    Et que mon livre porte à la foule future
    Comme j'aimais l'heureuse nature.

    Attentive aux travaux des champs et des maisons,
    J'ai marqué chaque jour la forme des saisons,
    Parce que l'eau,la terre et la montante flamme
    En nul endroit ne sont si belles qu'en mon âme!

    J'ai dit ce que j'ai vu et ce que j'ai senti,
    D'un coeur pour qui le vrai ne fut point trop hardi,
    Et j'ai eu cette ardeur,par l'amour intimé,
    Pour être,après la mort,parfois encore aimée,

    Et qu'un jeune homme, alors,lisant ce que j'écris
    Sentant par moi,son coeur ému,troublé,surpris,
    Ayant tout oublié des épouses réelles,
    M'accueille dans son âme et me préfère à elles.
    L'Ombre des jours.
    Aujourd'hui encore,ces vers résonnent profondément en moi.

  • Cher Matthieu, merci pour ce si beau poème d'Anna Noailles.
    Le pouvoir de ses vers, de son ardente pensée, de tout ce qu'elle exprime avec tant de force, de volupté et de douceur à la fois, ce pouvoir existe toujours.
    Il est merveilleux qu'un jeune homme s'intéresse à la poésie, qu'un adolescent ait récité ces vers. Oui, c'est merveilleux de nos jours, et j'en suis heureuse, moi qui ai mis ce poème sur le blog comme on jette une bouteille à la mer.

  • Si par hasard notre nabot tombe sur ce poème, il se dépêchera de le remiser au fond de sa cave avec ‘La Princesse de Clèves’ ! Car deux choses l’effraieront : la langue (qu’il ne comprendra probablement pas) et l’amour de la France !

  • Tout de même, il faut bien le dire, la chère comtesse, femme délicieuse au demeurant, dont Barrés dit : "Parfois elle est tout le sérail, elle s'enveloppe de soies la tête ; elle se pelotonne : quelle émotivité : éternelle Esther qui défaille.", et qui a tout pour me plaire, étant "anarchiste suivant l'Evangile" (Anna dixit), pour ce qui est de la poésie, laisse beaucoup, beaucoup à désirer...

  • effectivement ,cela est plus doux à nos oreilles que les éructations des rappeurs et autres!!!
    salutations.

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