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FRANCIS JAMMES (1868-1938)

 J'aime l'âne

J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
 
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles ;
 
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
 
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
 
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
 
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
 
Jeune fille au doux cœur,
tu n’as pas sa douceur :
 
car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.
 
Et il reste à l’étable,
fatigué, misérable,
 
ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.
 
Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.
 
Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille...
 
Mais l’âne s’est blessé :
la mouche l’a piqué.
 
Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.
 
Qu’as-tu mangé petite ?
— T’as mangé des cerises.
 
L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre.
 
Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre...
 
La corde de ton cœur
n’a pas cette douceur.
 
Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.
 
J’ai le cœur ulcéré :
ce mot-là te plairait.
 
Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris ?
 
Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme
 
est sur les grands chemins,
comme lui le matin.
 
Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris ?
 
Je doute qu’il réponde :
il marchera dans l’ombre,
 
crevé par la douceur,
sur le chemin en fleurs.

De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir (1898)


Ils m'ont dit

Ils m’ont dit : « Il faut chanter la vie à outrance ! »
... Parlaient-ils des ménétriers ou des noix rances ?
ou des bœufs clairs dressés hersant avant l’orage ?
ou de la tristesse du coucou dans les feuillages ?
 
— « Pas de pitié ! Pas de pitié ! » me disaient-ils.
... J’ai mis un hérisson blessé par un gamin
dans mon vieux pardessus et puis dans un jardin,
sans m’inquiéter davantage de leurs théories.
 
Je fais ce qui me fait plaisir, et ça m’ennuie
de penser pourquoi. Je me laisse aller simplement
comme dans le courant une tige de menthe.
J’ai demandé à un ami : Mais qui est Nietzsche ?
 
Il m’a dit : « C’est la philosophie des surhommes. »
— Et j’ai immédiatement pensé aux sureaux
dont le tiède parfum sucre le bord des eaux
et dont les ombres tout doucement dansent, flottent.
 
Ils m’ont dit : « Pourrais-tu objectiver davantage ? »
J’ai répondu : « Oui... peut-être... Je ne sais pas si je sais. »
Ils sont restés rêveurs devant tant d’ignorance,
et moi je m’étonnais de leur grande science.

Le Deuil des primevères (1901)

 

 

 

Commentaires

  • Merveilleux poèmes.
    Soit dit en passant,l'âne est le symbole de la Catalogne.
    En voici un autre toujours de Francis Jammes:
    Le chien

    "Mon humble ami,mon chien fidèle,tu es mort
    de cette mort que tu fuyais comme une guêpe
    lorsque tu te cachais sous la table.Ta tête
    s'est dirigée vers moi à l'heure brève et morne.

    O compagnon banal de l'homme;être béni!
    toi que nourrit la faim que ton maître partage,
    toi qui accompagnas dans leur pèlerinage
    l'archange Raphaël et le jeune Tobie.....

    O serviteur;Que tu me sois d'un grand exemple,
    ô toi qui m'as aimé ainsi qu'un saint son Dieu!
    le mystère de ton obscure intelligence
    vit dans un paradis innocent et joyeux.

    Ah!faites,mon Dieu,si vous me donnez la grâce
    de vous voir face à face aux jours d'éternité,
    faites qu'un pauvre chien contemple face à face
    celui qui fut son dieu parmi l'humanité.
    "clairières dans le ciel"

    Francis Jammes profondément catholique appartient à la grand tradition franciscaine pour son amour des animaux;un poète enraciné,proche de sa terre qu'il connaissait sur le bout des doigts,il a chanté les humbles,les petits villages,l'amitié et l'amour;vieux garçon vivant près de sa mère,il se maria vers le tard et connut grand bonheur,grand malheur.
    Merci,chère Gaëlle de nous le remettre en mémoire.
    Comment-voulez vous que des musulmans intègrent un Francis Jammes,jamais ils n'y parviendront.

  • Merci Gaëlle, grand merci. Pensez aussi à « La prière » merveilleusement enluminée par la musique de Georges Brassens.

  • Merci, Gaëlle, pour ces doux poèmes.
    La délicatesse de certains poèmes de Francis Jammes touchent le coeur.
    Je vous envoie celui-ci.

    Amitiés
    http://www.1000questions.net/fr/chroniq/anes.html

  • Je crains d'avoir fait une mauvaise manip
    Si le premier comm est passé, merci, Gaëlle, de ne pas envoyer celui-ci !
    Sinon, je vous envoie ce doux poème de la "Prière pour aller au paradis avec les ânes".

    Merci pour votre jolie attention en nous offrant ces doux poèmes de Francis Jammes.
    http://www.1000questions.net/fr/chroniq/anes.html

  • Merci à Matthieu pour le beau poème "Le Chien".

    Christian Bobin évoque aussi le chien de Tobie dans "Le Très-Bas" :
    "L'enfant partit avec l'ange et le chien suivit derrière."

  • Merci, chère Gaëlle, pour ces deux magnifiques poèmes, si évocateurs dans leur simplicité !

  • "Comment-voulez vous que des musulmans intègrent un Francis Jammes, jamais ils n'y parviendront", a écrit le Citoyen Matthieu. Encore une parole de haine qui montre que certains sont très en dessous de la hauteur requise pour commencer de comprendre ces poèmes; en outre, écrite dans un pauvre français, avec cette infâme acception néologique d' "intégrer"... Il eût fallu dire "assimilent" Francis Jammes.

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