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Pour les minorités ethniques et religieuses, l'Irak, c'était mieux avant...

Saddam Hussein avec enfant.jpg

Dans son terrible livre Ces chrétiens qu’on assassine, René Guitton intitule le chapitre qu’il consacre à l’Irak « Silence, on tue ». Rendant compte d’un séjour récent dans ce pays, il y relate ce cri du cœur d’un catholique chaldéen de Mossoul : « On peut tout dire de Saddam Hussein, mais il était notre protecteur, et, tant qu’il était au pouvoir, nous avions la certitude de continuer à vivre dans ce pays. Nous étions alors heureux ! Nul n’aurait osé s’en prendre à nos biens et à nos églises. » Et René Guitton de conclure : « Pour de nombreux chrétiens, le règne de Saddam Hussein passe désormais pour avoir été une sorte d’âge d’or mythique, dont ils regrettent la disparition. »

La formulation est exacte mais elle est incomplète : en effet, en Irak, ce ne sont pas seulement les chrétiens, mais toutes les minorités - religieuses ou ethniques, et Dieu sais si le pays en compte, des mandéens aux shabaks , en passant par les yézides, les yarsans,les Turkmènes, les Circassiens, etc. – qui regrettent les années 1968 à 2003 où le parti Baath était au pouvoir.

Cela s’explique fort bien quand on sait que, dès son arrivée au pouvoir, le parti de Saddam Hussein avait fait voter une constitution qui dans son article 3 garantissait « les droits légitimes de toutes les minorités au sein de l’unité irakienne » et dans son article 19 précisait que « tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, de religion, de langue, de race ou d’appartenance sociale. »

De ce fait, les religions non musulmanes officiellement reconnues avaient le droit appréciable d’ester en justice et de gérer librement leurs biens. Mieux encore, certaines d’entre elles étaient aussi considérées comme des « nationalités » et bénéficiaient donc d’avantages qui leur permettaient de préserver leur culture et leur langue.

Les chrétiens, tout particulièrement fidèles au régime, aimaient alors à rappeler que le parti Baath avait été fondé par un des leurs, le syrien Michel Aflak, et ils étaient fiers que l’interlocuteur privilégié de tous les grands de la planète, Tarek Aziz, soit lui aussi un membre de leur confession.

La chute de Saddam Hussein, suite à l’intervention de l’US Army en 2003, « s’est traduite, écrit René Guitton, par une aggravation sans précédent de la situation des minorités ». Le Conseil intérimaire de gouvernement, hâtivement formé en mars 2003, ne comptait aucun de leurs représentants dans ses rangs et la nouvelle constitution du 24 octobre 2005, rédigée sous la supervision de conseiller venus de Washington, stipulait dans son article 2 : « On ne peut approuver aucune loi qui soit en contradiction avec les lois de l’islam. » Cela constituait un gigantesque recul par rapport à la constitution de 1973 et revenait, en clair, à légaliser la charia comme fondement de la législation irakienne. Monseigneur Louis Sako, archevêque chaldéen de Kirkouk, eut beau relever que cette constitution « rétablit la charia, donne aux femmes un statut mineur, rend impossible toute conversion de l’islam vers une autre religion et relègue les chrétiens au rang de minorité ethnique. » Les représenstant de la coalition occidentale, alors tout puissants à Bagdad, ne daignèrent pas, bien sûr, l’entendre.

N’y aurait-il eu que cela, la situation aurait encore pu être considérée comme acceptable. Mais il s’y ajouta très vite les attentats, les enlèvements, les meurtres, du à une volonté avouée de certains courants musulmans d’éliminer des infidèles et, aux frontières du Kurdistan, toutes les manifestations incontestables d’une véritable épuration ethnique.

Presque chaque jour des chrétiens de diverses obédiences, des yézides, des shabaks ou des mandéens sont assassinés. Si les chrétiens ont l’immense désavantage de partager, même si ce n’est que de très loin, la foi des « croisés », comme sont nommé les envahisseurs de 2003 et les actuels occupants, tous sont considérés comme des kefirs, des infidèles, contre qui la guerre sainte est licite. Or ceux qui la mènent ne sont pas des nationalistes, ni même souvent des irakiens, mais des réseaux wahhabites liés à l’Arabie Saoudite et financés par les revenus du pétroles. D’où leur impunité quasi totale car leurs commanditaires et leurs mentors sont des alliés fidèles des USA et de l’Occident…

Quand à l’épuration ethnique, l’ONG Human Rights Watch, a relevé dans son rapport On vulnerable ground (En terrain vulnérable) du 10 novembre 2009, que le conflit entre les autorités régionales semi-autonomes du Kurdistan et le gouvernement central de Bagdad pour le contrôle du gouvernorat de Ninive, de son importante capitale Mossoul et de ses richesse pétrolières, était lourd de conséquences pour les minorités locales qui sont les « les premières victimes du conflit ». Cela car, moins aptes à se défendre et ne bénéficiant pas du soutien du gouvernement de Bagdad, elles subissent de fortes pressions de la part des milices kurdes pour qu’elles abandonnent leurs terres afin de modifier la composition ethnique des zones territoriales contestées. Des attentats réguliers sont la cause de nombreux départ. Ainsi la campagne systématique de meurtres et de violences ciblés qui fit, à la fin de l’année 2008, quarante morts parmi les chrétiens de Mossoul, provoqua l’exil de plus de 12.000 d'entre eux vers les camps de réfugiés de Jordanie.

Or, là encore, le gouvernement kurde est un allié fidèle des USA et de l’Occident, ce qui de nouveau fait que ceux qui pourraient mettre le hola préfèrent détourner le regard plutôt que d’agir.

Le mot de la fin, on peut le laisser à Yacoub, ce chrétien qui livre son témoignage à René Guitton dans Ces chrétiens qu’on assassine : « Bientôt l’Irak sera vidé de ses habitants chrétiens. Et le grand responsable en sera George Bush qui se prétendait bon chrétien. Ce que les musulmans ne sont pas parvenus à faire en des centaines d’années, éradiquer le christianisme d’Irak, lui est en train d’y parvenir. » Il convient juste d’étendre son propos à toutes les minorités d’Irak, celles-ci connaissent le martyre et sont en voie de disparition (il ne reste par exemple plus que 5000 mandéens sur leur terre ancestrale alors qu’ils étaient dix fois plus nombreux en 2003) par la faute d’un seul homme : celui qui déclencha l’apocalypse sur le berceau de l’humanité afin de tenter d’y imposer son projet de « remodelage du Grand Moyen Orient ».
Lionel Placet
 
1 - René Guitton, Ces chrétiens qu’on assassine, Flammarion, 2009.
2 – Les mandéens sont des gnostiques se revendiquant de Jean le Baptiste et considérant Jésus comme un faux prophète.
3 - Les yarsans ou Ahl-e Haqq sont une secte chiite hétérodoxe dont les membres sont tous d’ethnie kurde.
5 – Parfois nommés « les adorateurs du Diable » les yézides vénèrent Malek Taous, l’ange-paon, que certains musulmans et chrétiens considèrent comme un démon.
5 – Les shabaks pratiquent une religion syncrétiste contenant des éléments de culte musulmans, païens et chrétiens.
 

VOXNR - 21/09/10

Commentaires

  • «Et le grand responsable en sera George Bush qui se prétendait bon chrétien» : peu importe ce qu’il était ; en fait il était aux mains du lobby qui n’existe pas mais qui l’avait fait élire et à qui il avait promis la destruction de l’Irak ! Tout est là !

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