La presse étrangère est unanime et juge excessive la condamnation de l'ancien trader de la Société Générale à cinq ans de prison dont trois ferme et à des dommages-intérêts colossaux de 4,9 milliards d'euros.
Les journaux anglo-saxons usent de comparaisons différentes pour illustrer l'ampleur de la condamnation infligée à Jérôme Kerviel. Ainsi, Businessweek indique que les observateurs sont «choqués» par le montant exigé qui «équivaut à 20 Airbus A380», écrit le journal avant d'ajouter que «personne ne s'attend à ce qu'il paie une telle somme». Le blog du Wall Street Journal estime que l'ex-salarié de la banque française mettra près de 180.000 années à rembourser la somme avec son salaire actuel. Un des blogs du New York Times avance quant à lui que seuls quatre personnes en France sont en mesure de s'acquitter d'une telle somme.
Par ailleurs, il est précisé, dans le Financial Times, que l'ancien trader paiera bien plus longtemps la sanction financière que la condamnation à deux ans de prison. Un avocat londonien compare la peine à «des chaînes qui entraveront l'ex-trader pour le reste de sa vie».
Quid de la responsabilité de la banque ?
En outre, la presse anglo-saxonne se montre surprise par l'absence d'inculpation retenue contre la banque. Le Financial Times évoque la surprise d'un avocat basé à New York et Paris face à la très grande clémence accordée à la Société Générale. Ce dernier estime qu'il «est encore plus surprenant que la SocGen n'écope d'aucune peine et que l'intégralité de la culpabilité repose sur les épaules d'un seul homme».
Le Wall Street Journal note de son côté que beaucoup attendait que la sanction soit partagée entre la banque et le trader. Un blog du Telegraph souligne le contraste entre, d'un côté, les banques qui sont à l'origine de la crise après avoir profité de la bulle du crédit qu'elles ont largement alimenté et qui ont repris leurs activités et retrouvé leur santé antérieure à la crise et les déboires que l'ancien trader connaît aujourd'hui.
Les Etats-Unis sont fréquemment plus sévères
La condamnation de Jérôme Kerviel apparaît toutefois comme étant moins sévère au regard des standards américains. John Coffee, professeur à l'université de droit de Columbia, souligne que «la sanction est particulièrement sevère au regard des standards européens, et moins si l'on considère les standards américains où la condamnation à dix ou vingt ans de prison pour des fraudes en cols blancs n'est pas une exception.»
La sévérité des sanctions et l'opprobe liée à une condamnation n'empêchent pas les anciens traders de refaire leur vie. Outre-Rhin, le Handelsblatt s'intéresse ainsi à l'avenir de Jérôme Kerviel, se demandant s'il connaîtra le même avenir que Nick Leeson, qui avait ruiné la Barings Bank en 1995. Le quotidien économique allemand rappelle que cet ancien trader vit désormais en Irlande, où il préside le club de football de Galway et est invité à donner des conférences. «Il peut ainsi parler de ses thèmes de prédilection : l'argent et le risque», conclut le Handelsblatt.
La question n'est pas encore d'actualité. D'autant que Jérôme Kerviel a fait appel de la décision prononcée hier.
Le Figaro - 06/10/10