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Les gerfauts de la retraite vieillesse

Lycéens en grève.jpg

(Cliquez sur la photo pour la voir en totalité)

Hier, les jeunes sont descendus dans la rue, très nombreux paraît-il, pour hurler plus fort que leurs aînés leur désir de retraites.

Même si le fond de l’air restait froid, le soleil leur a souri et ils ont tenu la rue sans trop de difficultés climatiques. Si certains avaient pris un coup de froid, cela aurait été le bouquet ! Final, le bouquet, comme la lutte du même nom… Heureusement, leur maman ou un quelconque délégué syndical, leur ont sûrement conseillé de se couvrir, surtout pour l’occasion : quand on est vieux, la santé est généralement ce qu’il y a de plus obsédant.

Alors, quand on est comme ces jeunes-là, si inquiets pour ses futurs vieux jours, il est certain qu’on doit, psychologiquement, se préparer intensivement.

La société actuelle fait déjà beaucoup pour leur santé, notez : les campagnes de préventions contre le tabac, l’alcool, les rapports sexuels non protégés, la vitesse au volant, etc. sont incessantes et au moindre aléa de la vie, un psy machin-chose surgit pour porter assistance.

Même le stress des examens est combattu avec la plus extrême attention : chaque années, leurs niveaux baissent un peu plus… jusqu’au jour, sans doute, où ils seront automatiquement acquis fort d’un certain nombre de présence en cours. Pas trop élevé, le nombre, il ne faudrait pas non plus contraindre plus que de raison cette jeune vieillesse-là.

De toute façon, pour ce que valent la plupart des diplômes actuels, tout cela n’a pas véritablement d’importance. Ne sont-ils pas rendus obligatoires pour leur donner encore une justifiation ?

Mais soyons juste, ce n’est pas la première fois que les jeunes descendent dans la rue. De tout temps, ils ont donné de la voix et usé leur chaussures sur le bitume, certains certes convaincus par les causes qu’ils défendaient, la plupart plus prosaïquement pour sécher les cours.

Mais le prétexte d’hier, tout de même, laisse une désagréable impression de dégoût. À l’âge où l’on est censé vouloir conquérir sinon le monde pour les plus enthousiastes, du moins la vie pour la grande majorité, ces jeunes-là n’ont en ligne-de-vie que leurs derniers jours. Cette fin d’existence, lot de tout à chacun, où tout a été joué, bien ou mal, et où les souvenirs, bons ou mauvais, restent les seuls réconforts pour supporter le temps qui reste… La période de la vie où l’on n’est plus acteur volontaire, mais spectateur obligé, souvent nostalgique, généralement décalé, sinon déphasé. Le temps où l’on regrette de ne pas avoir été “plus con encore”, où l’on se félicite d’avoir préféré les remords aux regrets, où l’on pleure ce qu’on n’a pas osé dire ou faire bien davantage que ce que l’on a raté.

Ce début de XXIe siècle n’est plus l’époque magnifiée par José-Maria de Heredia dans son poème “Les Conquérants” :

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

En regardant défiler cette jeunesse craignant tant pour sa retraite vieillesse, il est certain que ces misérables gerfauts-là sont surtout fatigués, voire effrayés, par l’idée du moindre rêve héroïque et brutal…
Philippe Randa
 
VOXNR - 14/10/10

 

 

 

 

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