Tripoli le 3 avril 2011 - (Cliquez sur la photo)
A la frontière libyenne, le douanier tunisien me regarde comme un rescapé : « Vous venez de Tripoli, ça doit être terrible là-bas ! » Après 48 heures passées dans « la capitale en guerre », ma réponse le sidère : « Non. Tout est calme. Il y a beaucoup de monde aux terrasses des cafés, de la circulation. Les magasins sont ouverts. Aucune trace de guerre, pas de manifestations… même pas de soldats déployés dans la ville. »
Comme ce douanier a vécu en France, un brin provocateur, pour lui faire comprendre la situation, je lui dis : « Tripoli aujourd’hui, c’est comme Aix-en-Provence… » Difficile à raconter ce que l’on a vu, simplement vu, quand cela ne correspond pas aux images qui tournent en boucle sur les chaînes de télévision. Pourtant, c’est ainsi : Tripoli ne montre aucun signe de guerre, pas même d’agitation. Les visages sont sereins, et le rythme tranquille. Plus troublant encore, il n’y a pas de traces d’affrontements récents : ni impacts de balles sur les façades, ni maisons éventrées par des roquettes, ni traces d’incendies et de bombes, contrairement à ce que j’ai vu à Zuwara et à Zawiya, deux villes traversées de la frontière tunisienne à Tripoli, dans lesquelles on s’est battu la semaine dernière.
Autre fait marquant à Tripoli : les militaires et les blindés n’ont pas pris position dans les rues, comme si, dans cette ville de 1,7 million d’habitants, le régime ne craignait pas un soulèvement populaire… Certes l’armée peut investir la capitale en quelques minutes. Mais, pour l’heure, elle se contente de quelques points de contrôle, où deux soldats en armes demandent aux automobilistes de ralentir, sans autre formalité.
L’immeuble soufflé par une bombe est intact!
Rare signe de crise, paradoxal au pays du pétrole : les files d’attente des voitures qui s’étirent sur des centaines de mètres, parfois un kilomètre, à chaque station-service, dans l’espoir d’un plein hypothétique. Autre signe : les grands hôtels sont pratiquement vides, désertés par les hommes d’affaires, mais aussi par une partie du personnel étranger « qui a fui la guerre ».
Sur la place Verte, lieu de tous les rassemblements, une banderole antifrançaise a été attachée sans trop de conviction, car elle tombe déjà : « A Paris, les impurs se baignent dans notre sang. » Sur cette même place, chaque soir, les partisans de Kadhafi haranguent la foule, mais ils ne font pas recette. Ils ne sont que quelques centaines à manifester. La télévision libyenne les montre en boucle, en plans serrés.
A voir Tripoli aussi calme, alors que l’on se bat à Misrata, à Benghazi et à Brega, on se demande ce qui s’est réellement passé ici. Les 20 et 21 mars, la chaîne d’information Al-Jazira affirmait que « les avions et les hélicoptères de Kadhafi bombard(aient) la ville, secteur par secteur, faisant des centaines de victimes ». Pourtant, d’après les témoignages que nous avons recueillis à Tripoli, notamment auprès de journalistes occidentaux, et d’après nos observations sur place, de tels bombardements n’ont pas eu lieu. Dans un quartier du centre, on nous montre un immeuble que l’aviation de Kadhafi aurait bombardé, et dont il ne restait plus rien selon Al-Jazira. Mais l’immeuble est intact. Les photos panoramiques de la ville, que nous avons prises dimanche du toit d’une des plus hautes tours de la ville, ne montrent aucun impact de bombe, aucune habitation détruite. J’ai vécu la révolution à Téhéran, et les bombardements à Bagdad et à Beyrouth : chaque impact de roquette, d’obus ou de bombe y était visible. Ici, rien de tel.
Une rencontre imprévue
Un journaliste d’investigation français, présent depuis deux semaines à Tripoli, enquête sur une manipulation possible des médias occidentaux par Al-Jazira. Il est formel : « Certaines informations étaient fausses. Il n’y a pas eu, à Tripoli, le carnage que certains médias ont annoncé. J’ai tourné dans tous les quartiers de la ville et en banlieue, interrogé les habitants. Il n’y a pas eu de confrontations violentes, et pas de bombardements par l’aviation libyenne à Tripoli. » Rencontre imprévue à notre hôtel : Yves Bonnet, ancien directeur de la DST, sous François Mitterrand, est venu avec une mission humanitaire. Il partage le même malaise : « Je me demande si, dans cette histoire, Nicolas Sarkozy n’a pas fait preuve de précipitation. »
Les autorités libyennes s’engouffrent évidemment dans la brèche : « Le prétendu bombardement de Tripoli par l’aviation libyenne a été un élément clef dans l’intervention militaire occidentale. Vous êtes à Tripoli, vous pouvez vous-même constater que tout cela est faux », nous dit Jumaa Ibrahim, le ministre des Affaires africaines.
Limite de notre reportage : Tripoli est trop éloigné de Misrata, de Brega et de Benghazi pour entendre le bruit des armes. Quand je demande à aller à Misrata, où les rebelles parlent de situation dramatique, on me répond : « Impossible de se rendre là-bas. Trop dangereux. »
Commentaires
Ce journaliste se sent obligé de dire la vérité : il lui reste donc de la conscince professionnelle. Et il montre que les Français sont victimes du bourrage de crâne mondialiste de notre gouvernement.
Ce journaliste nous montre clairement qu'on nous raconte des bobards énormes! Merci à lui!
les bobards n,existent pas depuis hier, et notre époque avec les moyens technologiques que l,on dispose , il est étonnant que les autorités de notre pays puissent se laisser enfumer!!
ou alors ç,est à désespérer!!
salutations.