A Nanterre, au siège national du FN, le 15 mars 2011 - (Cliquez sur la photo)
FRANCE-SOIR Le 2 novembre 1976 – Marine a 8 ans –, un attentat a détruit à Paris (XVe) votre appartement familial. En 2011, cela reste pour vos trois filles, semble-t-il, un événement majeur...
JEAN-MARIE LE PEN. Absolument. Moi, j'avais déjà entendu d'autres explosions dans ma vie. Donc, cela ne m'a pas marqué outre mesure. Pour mes filles, cet événement a eu beaucoup plus d'importance. Elles ont eu peur ensemble. Cela les a rapprochées.
F.-S. Chez vous, il y a toujours eu un mélange vie familiale et vie politique...
J.-M. L. P. Je ne vivais pas tout à fait aux mêmes heures que mes filles. Elles se levaient après moi et se couchaient avant moi. A la maison, il y avait ma femme et une aide familiale qui est restée avec nos filles 14 ans (Nana, une Bretonne, NDLR). Peut-être aurais-je pu m'intéresser de plus près à leurs vies personnelles ou scolaires.
F.-S. Vos filles se disent « surdéterminées » par la figure du père que vous êtes.
J.-M. L. P. Comme la plupart des petites filles, mes filles comparent les garçons à leur père. Que certains garçons qu'elles aimaient aient pu être freinés par leur nom de famille, c'est sûrement vrai. Je déplore qu'on leur ait fait subir l'aversion qu'on pouvait avoir pour moi. Mais cela fait partie de notre vie. Je ne regrette rien.
"Vous pouvez faire huit heures de violon par jour et rester toute votre vie un scieur de crincrin"
F.-S. Votre fille Marine veut, dit-elle, « dédiaboliser » le FN. Pour vous venger ?
J.-M. L. P. J'ai le sentiment d'avoir été toute ma vie une cible. Marine a-t-elle souhaité que cette agression cesse ? Sans doute. Comme j'ai cristallisé tout cela sur moi pendant des années, le fait d'avoir passé les rênes a pu servir à cette « dédiabolisation ». Avec un dirigeant nouveau, le FN peut être plus libre.
F.-S. Marine vous surprend-elle ?
J.-M. L. P. Chacun d'entre nous inscrit sa route dans une conjoncture. A un moment donné, il m'est apparu nécessaire de passer le témoin, compte tenu de mon âge. Il était souhaitable que des gens plus jeunes, plus entraînés à l'action politique moderne prennent la place. La chance a voulu que Marine soit là.
F.-S. Diriez-vous qu'elle bénéficie d'un traitement de faveur médiatique ?
J.-M. L. P. Les articles la concernant sont souvent hostiles, mais rarement meurtriers. Parce qu'elle est jeune, parce qu'elle est une femme. Marine est un personnage charismatique. Ça ne se fabrique pas. C'est comme un grand violoniste : vous pouvez faire huit heures de violon par jour, si vous n'avez pas de don, vous resterez toute votre vie un scieur de crincrin. Contrairement à ce que pense la gauche, ce n'est pas la société qui forge les personnalités. Ce sont votre père et votre mère. On peut aussi hériter de l'éloquence...
"Vous avez vu les foules en Egypte, en Tunisie, en Syrie ? Le jour où vous aurez une foule comme ça qui descendra les Champs-Elysées !..."
F.-S. Sur l'immigration, elle semble a priori moins « sulfureuse » que vous...
J.-M. L. P. Je dis depuis quarante ans que l'immigration est le phénomène n°1 du XXIe siècle et que si nous ne réagissons pas – il est presque déjà trop tard – nous serons submergés. Nous serons minoritaires et « ils » ne nous ménageront pas. Avez-vous déjà été en banlieue ? Pensez-vous que les Français et les Européens qui habitent ces quartiers y vivent librement ?
F.-S. Condamnez-vous le communautarisme ?
J.-M. L. P. Savez-vous qu'il y a des villes en France qui sont déjà majoritairement étrangères ? Roubaix, 60 % d'immigrés maghrébins ! Si vous attendez le jour où ça brûle pour en prendre conscience, il sera un peu tard. Vous avez vu les foules en Egypte, en Tunisie, en Syrie ? Le jour où vous avez une foule comme ça qui descendra les Champs-Elysées ! Ce n'est rien, pour eux, à la limite, d'avoir 300.000 personnes. Qui les arrêtera ? Et s'ils descendent les Champs-Elysées, ce ne sera pas pour faire joujou. Par exemple, ils veulent sodomiser le Président. Ils se donnent ça comme objectif : arriver jusqu'à la grille du Coq, l'enfoncer, et ensuite « le » sabrer ? Je répète : qui les arrêtera ?
F.-S. Voyez-vous votre fille au second tour en 2012 ?
J.-M. L. P. Le résultat de Marine dépendra d'elle-même pour seulement 25 %. Quelle sera la situation financière, économique, sociale, dans un an ? Sarko sera-t-il candidat ? Moi je ne le pense pas. S'il n'est pas en bonne position, il prendra la tangente. Il me fait penser à un type qui, dans un casino, joue comme un fou. Il mise sur le 5, le 5 sort. Il mise sur le 8, et le 8 sort. Le lendemain, il revient, joue sur les mêmes chiffres, et il perd tout. Quand vous avez la baraka, tout marche. Quand vous ne l'avez plus, même avec vos astuces les plus intelligentes, vous vous cassez la gueule. Sarkozy, c'est quand même un homme qui s'est construit ex nihilo et qui s'est hissé au plus haut niveau de la politique : cela ne se fait pas sans talent. Mais il n'a pas de véritable volonté politique.
F.-S. Votre « présidence d'honneur » du FN, c'est quoi, au juste ?
J.-M. L. P. Je suis dans toutes les instances du Front. Mais j'ai la discrétion de ne pas prendre les responsabilités qui ne sont pas les miennes. Je ne ménage pas Marine, je la respecte.
F.-S. Si, en 2012, votre fille fait un bon score, direz-vous que vous avez votre part dans sa réussite ?
J.-M. L. P. J'ai passé 10 % de ma vie en mer. C'est-à-dire, au total, huit ans. En bateau, j'ai souvent regardé notre galaxie. Donc, je ne me fais pas trop d'illusions sur la place que j'occupe dans l'univers.
Commentaires
Très intéressante interview de JMLP. Il n’a pas parlé de Gollnisch : dommage.
Je trouve la photo émouvante.