La petite poissonnière avait de grands sabots de bois claquants
Et sa voix fendait les airs
Comme une barque fend le vent
La petite poissonnière derrière son banc de coquillages
Ne faisait pas son âge
On aurait dit presque une enfant
La petite poissonnière avait un sourire éclatant
Et de grands sabots de bois claquants
La petite poissonnière avait l’air d’une enfant
Son banc de coquillages était vert comme l’océan
Son banc de coquillages en plein vent
Avait quelque chose d’innocent
La petite poissonnière debout derrière son banc
Avait bien du courage
Quand le grand vent l’emmitouflait
Elle avait des mains très rouges et des ongles cassés
Mais elle roulait vite les cornets
Les grands cornets pointus pour les oursins et les violets
La petite poissonnière n’avait qu’une balance
De cuivre
Qui donnait à son banc l’air d’un grand navire
Gaëlle Mann (Les Machaons en macfarlane - Paris - 1975)
Commentaires
Quel joli personnage !
Un tableau avec les mots et les couleurs.
Une invitation au voyage.
Merci, chère Gaëlle !
Chère tania, merci! pour votre gentillesse! La petite poissonnière a existé, c'est un souvenir de Marseille et de mon enfance. Elle était jeune, petite, jolie, et très souriante, je revois ses boucles brunes, et le mistral ne lui faisait pas peur, ni les aiguilles des oursins! Sa grande balance de cuivre était étincelante au milieu des algues et des paniers de coquillages luisants...
Elle est peut-être encore vivante!
On entend des réminiscences d'un petit cheval blanc qui avait bien du courage. Mais j'ai vérifié, Paul Fort n'était pas provençal.
Charmant.
Et la "folle" qui invectivait les passants ! Une sorte de péruvienne hallucinée entre deux âges toujours vêtue de tissus noirs et violets. Elle se tenait pas bien loin de cette petite poissonnière... En face à 100m tout au plus en descendant vers la Canebière. Souvent je la voyais (et l'entendais aussi) sous le pont du bd National.
Ce pont des martyrs marseillais dont vous nous parlerez peut-être dans quelques jours...
Très joli !
Beaucoup de sensibilité et d'euphonie .
Très joli poème, chère Gaëlle. Merci.
Très heureux d’apprendre que cette petite poissonnière a réellement existé. C’est encore plus émouvant.
Merci, cher abad. Oui, cette personne a réellement existé, je la voyais souvent. Ses mains rouges et gercées par l'eau, le froid, me faisaient beaucoup de peine. Les coquiillages cassaient ses ongles. On ne portait pas de gants en plastique à l'époque.
Elle travaillait vraiment, de tout son coeur, pour satisfaire ses nombreux clients! Et puis il y avait l'odeur de la mer et du varech en pleine ville...
@ Pierre-Henri: je vous remercie, je suis très touchée.
Un poème gagne à être lu à mi-voix, pour sa sonorité.
Cher babotchka, je ne me souviens pas du tout de cette "folle" et de ses cris. Je ne l'ai jamais vue ou jamlais remarquée.
Pour le tunnel du Bd National, le 27 mai, je vais essayer de trouver des renseignements précis. J'avais un livre écrit par un Marseillais, mais je ne le retrouve pas. Si vous avez des renseignenents, envoyez-les moi, cela m'aiderait beaucoup! Merci d'avance. Amitiés.
@ L. Chéron: il n'y a pas de réminiscences, car c'est un vrai souvenir d'enfance; qui m'est cher. Cette personne a bien existé, et beaucoup de Marseillais l'ont connue.
Savez-vous ce qu'est un violet? Les seuls bons sont "de roche".
@ hibiscusez-moi: merci!
Ce petit poème, par lequel je fixais un souvenir d'enfance à Marseille, un souvenir très vif, a été lu par un acteur en Bretagne, au cours d'un festival celtique, et tout le monde a cru que la jeune poissonnière qui vendait aussi des coquillages était bretonne! Et elle aurait pu l'être, en effet...
G. Mann, je dissipe un éventuel malentendu. Réminiscence n'est pas plagiat, ni même pastiche. La création artistique s'en alimente souvent. Il y a du Mozart dans Beethoven, et du Céline dans Alphonse Boudard.