L'onde de choc continue de secouer la France alors que Dominique Strauss-Kahn, considéré il y a encore quelques jours comme l'un des favoris de la présidentielle de 2012, est toujours emprisonné à New York et poursuivi pour agression sexuelle.
L'arrestation de DSK, samedi, redistribue les cartes de la politique française en vue de l'échéance de 2012, même si certains sondages présentent toujours l'ancien directeur du FMI, âgé de 62 ans, comme un présidentiable potentiel.
Cette affaire touche également particulièrement la communauté juive française.
Strauss-Kahn est connu pour son identité juive, dans un pays où les politiques préfèrent taire leurs idées religieuses. Par le passé, il a souvent exprimé son attachement à Israël tout en restant à distance des instances juives, selon des leaders de la communauté.
"Nous avons perdu un ami", déplore le Rabbin Michel Serfaty, président de l'association pour l'amitié judéo-musulmane en France. "Il est vrai que la communauté juive voit également en Sarkozy un allié, mais DSK était, sans aucun doute, un membre de notre communauté, sensible à Israël et nous l'avons perdu."
Au sein de la communauté juive de Sarcelles, une banlieue au nord de Paris dont Strauss-Kahn a été maire, l'émotion est vive.
"C'est très douloureux pour nous", explique Marc Djebali, vice-président de la communauté juive de la ville. "Je le connaissais bien. Je l'ai vu séduire une femme, mais il n'a jamais eu de geste déplacé. Il est quelqu'un de chaleureux, et nous n'avons jamais ressenti de problèmes de violence chez lui."
"Coureur de jupons"
A New-York, DSK a décidé de plaider non coupable pour les faits qui lui sont reprochés. Il est accusé d'agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration de personne.
Les accusations proviennent d'une jeune femme de chambre de 32 ans et les faits se seraient déroulés dans l'hôtel Sofitel de Manhattan. La victime affirme que lorsqu'elle est entrée pour nettoyer la chambre de Strauss-Kahn, samedi après-midi, ce dernier est sorti nu de sa salle de bain, l'aurait plaquée sur le lit et l'aurait agressée sexuellement.
En France, Strauss-Kahn a une réputation de "coureur de jupons" et pourrait avoir à affronter une autre enquête pour agression sexuelle. Une journaliste, Tristane Banon, souhaite en effet porter plainte contre lui pour un incident ayant eu lieu en 2002.
L'argent, les femmes et ma judéité
Alors que certains soutiens de DSK émettent l'hypothèse d'un complot, Strauss-Kahn, lui-même, avait émis l'idée lors d'une interview avec un journaliste de Libération. Il avait énoncé ses trois points faibles, pouvant lui porter préjudice dans la course à la présidence de la République : "L'argent, les femmes, ma judéité."
Certaines personnes craignent que l'affaire ne fasse ressurgir des idées antisémites en France. Marc Knobel, chercheur au CRIF (Conseil représentatif des Institutions juives de France), a expliqué n'avoir trouvé aucun lien entre la religion de Strauss-Kahn et son arrestation.
Au contraire, selon Richard Prasquier, directeur du CRIF, "tout le monde savait qu'il était juif et ça ne l'a pas empêché d'être le candidat le plus populaire en France. Ce fait en dit long sur la France. Aujourd'hui nous trouvons tout à fait normal qu'un Juif deviennent un président", ajoute-t-il.
Toutefois, plus tôt dans l'année, un membre de l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, avait fait allusion aux racines juives de Strauss-Kahn et avait provoqué de nombreuses réactions au sein de la classe politique en affirmant lors d'une interview que le chef du FMI "n'était pas représentatif de la France. Il ne donne pas l'image de cette France rurale que nous aimons et à laquelle je suis attaché".
Avec cette affaire, DSK est désormais disqualifié pour la présidentielle de 2012. Conséquence : les cartes politiques pour l'échéance électorale sont complètement redistribuées. Et parmi les vainqueurs pourrait figurer Marine Le Pen,leader du parti d'extrême droite, le Front national. Cette perspective inquiète de nombreux Juifs en France, qui considèrent le Front National comme un parti antisémite, même si Marine Le Pen tente de rendre ses idées politiques plus respectables que lorsqu'elles étaient développées par son père.
Jean Viard, analyste au Centre de recherche politique de Paris, Cevipof, affirme de son côté que si Strauss-Kahn était condamné, cela profiterait à la fois à Nicolas Sarkozy pour 2012 et "augmenterait les chances de Marine Le Pen d'être présente au second tour des élections".
Pour l'analyste, dans tous les cas, cette affaire "bouleverse totalement le paysage politique français".
Source Jerusalem Post - 18/05/11