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La protection invoquée par l'ex-directeur du FMI donne lieu à controverse et devrait ralentir la procédure.
«J'ai une immunité diplomatique», déclarait le 14 mai à New York celui que les policiers venaient de menotter à l'aéroport JFK. Quatre mois plus tard, cette immunité est soulevée par les avocats de Dominique Strauss-Kahn pour demander le classement de la plainte au civil déposée le 8 août par Nafissatou Diallo. Voici l'état du dossier soumis au tribunal du Bronx.
Les arguments de DSK
Selon ses avocats, DSK, comme directeur général du FMI, bénéficiait d'une «immunité absolue en matière civile». Cette protection découle de la convention de 1947 sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations unies. Elle s'est prolongée, selon eux, jusqu'à ce qu'il retrouve sa liberté et rentre en France le 4 septembre.
Bien que les États-Unis n'aient pas ratifié la convention de 1947, elle s'imposerait en vertu du «droit coutumier international». Les avocats estiment même que le patron du FMI bénéficie de «l'immunité absolue accordée aux diplomates selon le droit international». Ils rappellent que le 14 mai, lorsqu'il fut arrêté à l'aéroport Kennedy, leur client voyageait avec un passeport français et un laissez-passer de l'ONU. Mais non avec passeport diplomatique.
À son retour en Europe, après ce vol New York-Paris, leur client devait rencontrer la chancelière Angela Merkel puis d'autres responsables, expliquent les conseils, pour montrer que, malgré la parenthèse de Manhattan, DSK n'était pas en simple visite privée ce week-end-là. Au passage, ils regrettent qu'« à cause des accusations mensongères de la plaignante, le FMI ait dû fonctionner sans son directeur général à une période critique de la crise économique mondiale»… Sur le strict plan du droit, leur requête est «solide, argumentée, riche en jurisprudence», note l'avocat franco-américain Christopher Mesnooh.
Une immunité aux contours flous
Personne ne se risquait pourtant mardi à livrer une réponse définitive sur l'immunité de DSK. «On est dans la zone grise», remarquait une source officieuse au FMI. Un FMI, aujourd'hui dirigé par Christine Lagarde, qui ne s'aventure pas à commenter une requête judiciaire de son ancien patron, comprenait-on.
Les statuts de l'institution prévoient une forme d'immunité, limitée aux actes accomplis dans l'exercice des fonctions. En cas de poursuites pénales, cette immunité ne joue pas. Au lendemain de l'arrestation de DSK pour tentative de viol, le FMI avait d'ailleurs précisé que «l'immunité du directeur général est limitée et n'est pas applicable dans cette affaire». En revanche, en matière civile, les juristes n'ont pas fini de débattre. À New York, la requête était accueillie avec un certain scepticisme.
À Paris, même prudence. Le Quai d'Orsay a fait plancher sa direction juridique et a interrogé la Cour de cassation dès le mois de mai. Puis, il a de nouveau consulté ces experts à propos de Christine Lagarde, susceptible d'être poursuivie par la Cour de justice de la République dans l'affaire Tapie. Conclusion ? «La matière est mouvante, il n'existe pas de jurisprudence établie pour le FMI.»
Un choix stratégique
Sur un plan tactique, beaucoup d'avocats saluent la performance des avocats de DSK. «Leur stratégie, c'est d'épuiser l'adversaire. Ils gagnent du temps et ils l'obligent à dépenser des sommes colossales», note ainsi l'avocat new-yorkais Kevin McCarthy. Certains estimaient mardi que les 25 pages d'analyse juridique livrées lundi au tribunal du Bronx avaient dû coûter «au moins 100.000 dollars». En principe, les conseils de Nafissatou Diallo doivent répondre à cette demande de rejet dans les premiers jours d'octobre. Une gageure pour un cabinet comme celui de Kenneth Thompson. À moins que le juge McKeon ne leur accorde un délai. «On est partis pour des mois et des mois d'échanges de conclusions», pronostique un connaisseur.
Source Le Figaro - 27/09/11