Au lendemain de l'admission de la Palestine à l'Unesco, votée lundi à une large majorité (107 pour, 14 contre, 52 abstentions parmi les Etats membres), Israël a décidé de représailles : la construction de nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et des sanctions financières.
Ces décisions ont été adoptées au cours d'une réunion ministérielle autour du premier ministre Benyamin Netanyahou, furieux du vote de l'Unesco. 2250 logements supplémentaires seront donc construits à Jérusalem-Est, et à Gush Etzion et Maale Adumim, en Cisjordanie, « qui resteront israéliennes dans tout accord futur de paix », a précisé le bureau de Netanyahou.
C'est la première réaction d'Israël après l'admission, pour la première fois en effet, de la Palestine en tant qu'Etat à part entière dans une organisation du système des Nations unies. Et, pour la première fois, la France s'est distinguée en votant pour cette admission, seul pays européen avec la Belgique à sauter le pas quand les autres membres de l'UE s'alignaient sur les Etats-Unis et Israël et votaient contre, ou s'abstenaient.
« République bananière » : la France critiquée
Pour avoir critiqué la décision française de refuser de soutenir la candidature de la Palestine à l'ONU en septembre, la surprise est grande de voir Paris faire ainsi volte-face et se distinguer de ses alliés. La décision est courageuse, même si elle aurait eu plus d'impact lors de la session de l'Assemblée générale en septembre.
Nicolas Sarkozy, qui avait donné au printemps une indication de sa disponibilité à reconnaître la Palestine si les négociations israélo-palestiniennes ne reprenaient pas, doit s'attendre à subir la colère d'Israël et de la partie de la communauté juive française qui soutient inconditionnellement l'Etat hébreu.
Dès ce mardi matin, les communiqués ont commencé à tomber, comme celui-ci, de la « très modérée » Union des patrons et des professionnels juifs de France (UPJF), qui souligne que « la France a donc voté comme la majorité des républiques bananières qui siègent à l'Unesco ». Et ajoute :
« Monsieur le Président, est-ce que la prochaine étape de votre action au Proche-Orient sera la reconnaissance du Hezbollah et du Hamas, comme associations caritatives ? »
On mesure le chemin parcouru depuis l'élection de Nicolas Sarkozy avec un solide engagement pro-israélien, et qui, surtout depuis le retour d'Alain Juppé au Quai d'Orsay au début de l'année, retrouve progressivement des accents « gaulliens », au moins sur la question palestinienne.
L'administration Obama retire ses dollars
Mais le revirement français est occulté par les réactions prévisibles, mais brutales, d'Israël et de l'administration Obama. Cette dernière a aussitôt annoncé l'arrêt de ses contributions financières à l'Unesco, en vertu d'une loi américaine datant du début des années 90, et donc peu adaptée au contexte actuel, qui oblige les Etats-Unis à se retirer d'une organisation dont seraient membres à part entière les Palestiniens !
Les Etats-Unis, qui avaient déjà claqué la porte de l'Unesco en 1984 pour ne revenir qu'en 2003, contribuent à hauteur de 22% au budget de l'organisation chargée de l'éducation, la science et la culture. Avec la contribution d'Israël – 3% – qui sera également suspendue, l'Unesco perd donc un quart de son budget, et va devoir faire face à des difficultés considérables.
La diplomatie américaine avait tenté de s'opposer à la démarche palestinienne, mais, signe de l'influence limitée de Washington sur ce sujet, a subi une défaite écrasante, puisque le « non » à la Palestine n'a recueilli que 14 voix sur 195 Etats membres.
Washington a réitéré une position totalement dévalorisée, selon laquelle ce sont des négociations directes, et pas un fait accompli diplomatique, qui fera naître l'Etat palestinien. Vrai, mais que faire quand il n'y en a pas ?
Négociations ? Quelles négociations ?
Au-delà des conséquences pour l'Unesco, qui peuvent être dramatiques, cette mini-crise n'est que le signe de l'impasse israélo-palestinienne, malgré le récent échange de prisonniers qui a pu faire croire à une éclaircie.
Les deux parties ne sont pas plus proches d'une reprise des négociations qu'il y a deux mois, et l'administration Obama, qui a lamentablement échoué dans son ambition médiatrice depuis trois ans, se retrouve dans sa position traditionnelle de protectrice de l'Etat hébreu.
L'épisode de l'Unesco n'est qu'une péripétie dans ce long bras de fer entre cette Palestine divisée, en devenir, et un Etat d'Israël qui s'abrite derrière la protection américaine pour rester intransigeant et jouer la montre avec le développement des colonies.
Les représailles dont Israéliens et Américains menacent aujourd'hui les Palestiniens pour leur geste « unilatéral » ne risquent pas de modifier une situation qui ne cesse de tourner en rond.
La « rupture » française est finalement le seul véritable élément nouveau de cet épisode, et il faudra en suivre les conséquences au niveau européen, les 27 étant incapables de s'entendre sur un dossier aussi délicat, mais qui pourraient trouver avantage à s'engouffrer dans la brèche ouverte par Français et Belges.
Rue89 - 01/11/11
Commentaires
Je ne savais pas qu’il y avait un syndicat de patrons juifs ! Ont-ils une double nationalité, voire une triple, vu qu’ils sont souvent d’Afrique du nord ?
Comment le savoir? Ils sont français mais sans doute aussi israéliens?