La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse...
La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver
Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.
Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil, je la voyais s'asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l'enfant grandi de son oeil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?
(Les fleurs du mal)
Commentaires
Merci, chère Gaëlle, pour ce magnifique poème, et tellement de circonstance en cette fête des morts.
Quel beau choix avez-vous fait, Gaëlle, en nous offrant ce doux poème de Baudelaire intimiste en ce "jour des défunts".
Quelle douceur dans cette évocation de l'humble servante !
Merci !
Chère tania; ne me remerciez pas! Si je ne voulais pas rendre compte aussi de l'actualité, je ne mettrais sur ce blog que des poèmes, des textes, et des tableaux, ainsi que des vidéos musicales! Mais l'actualité est en quelque sorte une "culture".
Ce poème de Baudelaire m'a toujours profondément touchée. Que de remords ou de regrets avons-nous envers ceux à qui nous n'avons pas assez montré de leur vivant combien nous les aimions! Baudelaire savait tout de l'âme humaine.
exemple symbolique , le monde n,a pas changé , si en pire!!
superbe poéme !! à notre époque impossible de de trouver de tel poéte !!
un monde disparu à tout jamais.
salutations.
le spleen de PARIS....GAUTHIER
@ parvus: comme vous avez raison!
Charles Trenet chantait je crois "les poètes disparus"...
L'autre soir, entrre deux notes, j'écoutais Jacques Brel, en vidéo: quelle merveille! Quelle poésie passionnée, vivante, qui bouleverse... Mainentant, plus rien, du rap ignoble, des chansons sussurées en anglais... On a Carla Bruni, qui reprend pour Noël "Jolis sapins".. Elle n'a pas de voix, mais elle chante...