Douglas Wigdor, avocat de Nafissatou Diallo, ne lâchera rien
Les affaires du Carlton de Lille (Nord) et du Sofitel de NewYork (Etats-Unis) se sont-elles télescopées ? Douglas Wigdor, l’un des deux avocats américains de la femme de chambre Nafissatou Diallo, s’interroge sérieusement après les révélations en série liées à l’enquête sur un réseau de proxénétisme lillois, où le nom de Dominique Strauss- Kahn est cité sur des procès-verbaux et des écoutes.
Il pointe un échange jugé «crucial» entre la juge Melissa Jackson, qui présidait à NewYork l’audience de mise en accusation de DSK, le 16 mai 2011, et le procureur Artie McConnell, deux jours après l’arrestation de l’ex-patron du FMI.
Selon Douglas Wigdor, cette brève conversation pourrait avoir fait référence à l’information judiciaire ouverte le 28 mars 2011 à Lille, après seulement un mois d’enquête préliminaire. Dans le compte rendu de cette audience, la juge Jackson questionne, à 12 h 8, le procureur en charge de l’enquête qui vient de parler d’un précédent, éventuellement imputable à DSK. « Pourrais-je savoir à quoi fait référence le fait précédent évoqué ? Cette enquête se déroule-t-elle aux Etats- Unis ou quelque part ailleurs ? » Le procureur adjoint McConnel répond : « Je crois bien que c’est à l’étranger. »
Des écoutes téléphoniques compromettantes
Cette allusion évoque-t-elle l’agression dont Tristane Banon dit avoir été victime en février 2003 et dont les médias français se sont déjà fait l’écho ? Difficile à croire. A cette époque, les faits allégués par la jeune romancière ne font l’objet d’aucune enquête. Elle ne portera plainte pour «tentative de viol» que début juillet. Une affaire classée, depuis, par le parquet de Paris.
Les avocats de Nafissatou Diallo, qui accuse DSK de viol, fait pour lequel la justice américaine a abandonné les poursuites, sont formels. Pour eux, l’échange entre la juge et le procureur est sans doute une occasion loupée, pour la justice new-yorkaise, d’approfondir son enquête sur DSK. « Si le procureur général était bien au courant de cette enquête (NDLR : sur l’affaire du Carlton) qui dévoile le comportement présumé brutal de M. Strauss-Kahn vis-à-vis des femmes, pourquoi ne s’est-il pas donné plus de temps pour obtenir davantage de preuves contre cet homme avant de renoncer aux charges qui pesaient contre lui ? C’est un échec pour le parquet général de New York. Il disposerait aujourd’hui d’un trésor d’informations accréditant l’agression sexuelle dont a été victime Nafissatou Diallo», argumente Douglas Wigdor. Le nom de Dominique Strauss-Kahn a-t-il pu être soufflé aux services du procureur général de New York par des personnes proches, en France, de l’enquête sur le Carlton ? Contactés, les services du parquet général de New York ont refusé de s’exprimer sur le sujet. Une chose est sûre. Selon nos informations, le nom de DSK est apparu dans l’enquête sur le Carlton dès le lendemain de son arrestation à New York. Le 15mai, Roger Kojfer, chargé des relations publiques du Carlton aujourd’hui écroué, parle de DSK au téléphone, ignorant qu’il est sur écoute. Cette conversation du 15 mai 2011, qui débute à 10 h 47 avec un certain Léon, évoque d’emblée les soupçons de violence visant à l’époque Strauss-Kahn, à qui il prétend avoir fourni des filles…
« René Kojfer :… Moi je le connais, enfin je le connais parce que je…euh, je connais ses réactions, mais bon c’est un…
Léon : T’es un fournisseur, on m’a dit que t’es un fournisseur…
René :Une fille ou deux je lui ai…peu importe, mais je vais te dire un truc, bon c’est son truc, mais aller jusque-là euh…»
Ce même jour, à 16 h 33, Kojfer s’entretient avec un proche, le proxénète présumé Dodo la Saumure. Il y est à nouveau question de DSK.
« Dodo :… Tu sais quand je lui avais ramené des filles, tu te souviens. René: Je sais.
Dodo:Il avait voulu baiser Béa dans les toilettes, d’ailleurs en force.
René Kojfer :…C’est un gros cochon il est pire que moi. »
Cette conversation, comme toutes celles «intéressant l’enquête en cours», a été retranscrite sur procès-verbal dès le 16 mai. Dans les semaines suivantes, le Monsieur Relations publiques du Carlton évoquera à plusieurs reprises, au téléphone, sa proximité avec DSK. Un éclairage dont les avocats de Nafissatou Diallo auraient, à coup sûr, aimé bénéficier.
Le Parisien - 23/11/11