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Interview de Louis Aliot lors de sa visite en Israël par Guysen News

 

Un haut responsable du Front national en Israël : la nouvelle a de quoi intriguer. Si Jean Marie le Pen a toujours été persona non grata sur le territoire de l'Etat juif et que Marine le Pen attend une invitation officielle du gouvernement israélien pour s'y rendre, le compagnon de cette dernière, Louis Aliot, a franchi le pas. Le but : nouer des liens, préparer le terrrain avant une éventuelle visite de la présidente du FN. Le but également : faire croire que le FN a changé et que l'antisémitisme n'est plus l'un de ses traits de caractère.
Malgré un emploi du temps chargé, M. Aliot a accordé quelques minutes d'interview à Guysen, juste après sa visite de la Vieille ville de Jérusalem.

 


Guysen : Quel est le sens de votre visite en Israël ? S’agit-il d’une réponse à l’invitation d’officiels israéliens et si oui, qui sont-ils ?

Louis Aliot : Non évidemment que non. Ce sont plutôt des Français qui résident en Israël qui voulaient connaitre à la fois le dirigeant politique que je suis et le programme de Marine le Pen pour les présidentielles.

Justement, est-ce que le but de votre présence ici n’est pas de préparer une future visite de Marine le Pen en Israël ?

Ça participe des contacts à nouer pour l’avenir. Il n’y a aucune raison qu’un parti comme le Front national, qu’une dirigeante comme Marine le Pen, qui demain représentera plus de 20% de l’électorat en France, ne puisse pas discuter avec des démocrates en Israël des problèmes nationaux et internationaux.

Est-ce que vous-même vous avez rencontré des officiels israéliens ?

Non, pas de rencontres avec des officiels israéliens. Uniquement des rencontres à caractère privé avec des personnes qui ont des connaissances pointues sur la région et sur l’économie. Mais il s’agit d’une visite exploratoire en attendant des contacts plus réguliers et plus approfondis.

Donc vous êtes là pour tâter le terrain auprès des Français d’Israël. Or Marine le Pen a été qualifiée par Alain Soral de la candidate la plus « antisioniste ».  Dans le même temps, vous venez d’investir un candidat sur la 8ème circonscription des Français à l’étranger pour les élections législatives de 2012. Qu’est-ce qu’un parti qui a à sa tête une dirigeante « antisioniste » a à proposer aux Français d’Israël ?

M. Soral n’est ni docteur de la loi, ni membre du FN et encore moins dirigeant du FN. Il s’exprime à titre particulier. Moi je n’écoute pas ce que dit M. Soral et d’ailleurs personne ne l’écoute. La vérité est que Marine le Pen est aujourd’hui une dirigeante politique qui compte dans le paysage politique national et international et que les nationaux français ont à parler avec les nationaux israéliens. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, évidemment, mais il n’y a aucune raison qu’il y ait de l’ostracisme et un fossé entre nos deux pays. Ça n’a aucun sens.

Mais qu’est-ce qu’un candidat du Front national sur la 8ème circonscription aura à proposer aux Français d’Israël ?

Les Français d’Israël sont sensibles à la thématique de l’immigration, de l’Islam radical qui s’exprime d’ailleurs autour d’Israël mais qui s’exprime aussi, on l’oublie, en France. Je rappelle que 48% des franco-tunisiens qui ont voté aux élections tunisiennes ont voté pour un parti islamiste. Tout cela a un sens, pose des questions. Et ces questions se posent à la fois aux politiques français mais également à tous ses partenaires de la Méditerranée dont fait partie Israël.

Est-ce que Marine le Pen a totalement tourné la page des idées de Jean Marie le Pen ? Plusieurs cadres de l’époque de Jean Marie le Pen sont encore en fonction, ce que d’ailleurs critiquent les institutions juives qui, du coup, refusent de parler avec le FN.

Marine le Pen est présidente du Front national. Il y a toujours eu au sein du FN, parmi les élus du FN, des Français de confession israélite. Il n’y a jamais eu d’animosité envers les Français juifs. Mais nous ne considérons pas le Crif comme une organisation représentative de tous les Juifs en France. La meilleure preuve est que demain des milliers de Français juifs voteront Marine le Pen et ne considèrent pas les dirigeants du Crif comme ses représentants. Il y a une fracture au sein de la communauté juive en France entre les organisations et le « petit peuple ». On le voit de plus en plus souvent dans nos banlieues, dans nos quartiers. Et je peux vous dire que M. Richard Prasquier (le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, ndlr) et que les organisations juives feraient bien de regarder la vérité en face. Les Juifs en France vivent les mêmes problèmes que tous les Français. Comme tous les Français les Français juifs souffrent de l’Islamisme radical et de l’insécurité. Et ça le Crif ne veut pas le voir, tant pis pour lui.

Il y a donc une tentative de rapprochement entre le FN et la communauté juive française

Il n’y a pas de communauté juive ! Il y a des Français qui sont de confession  juive et qui ne veulent pas être singularisés dans une communauté. Il y a des Français de confession israélite mais ils sont français !

Mais tout de même. Ce voyage en Israël que vous qualifiez vous-même d’exploratoire, les déclarations de Marine le Pen à l’attention des Juifs de France, tout ceci n’illustre-t-il pas une volonté de se rapprocher des Juifs de France ? Ce qui  d’ailleurs est étrange après toutes ces années de déclarations ambigües et provocatrices sur les Juifs, notamment par Jean Marie le Pen. Pourquoi aujourd’hui ce changement de discours ?

Parce que nous défendons des valeurs communes. Nous sommes des gréco-romains. Nous défendons le judéo-christianisme qui aujourd’hui est entamé par tout ce qui se passe sur la scène internationale. Il y a donc une communion d’idées. Et sur cette base nous essayons de nouer des liens, de bâtir des ponts. Qu’il y ait eu des ambigüités peu importe. Les intérêts français et israéliens divergent parfois. Il n’y a pas de volonté de « draguer » un électorat juif. D’après ce qu’on dit la communauté juive en France aujourd’hui c’est 600.000 personnes, la communauté musulmane c’est plusieurs millions. Nous on se bat pour défendre des idées, une civilisation. On se bat pour défendre la République et les lois de la République. C’est ce qui nous différencie de beaucoup de nos concurrents.

Ma dernière question sera une question personnelle pour vous M. Alliot. Depuis ce matin la presse se fait l’écho de vos origines juives. S’agit-il d’un alibi pour rendre votre présence acceptable ici en Israël ?

Rires. Non pas du tout. Il se trouve que j’ai un grand-père, né en Algérie, qui était Français juif. Il a beaucoup donné pour la patrie. Engagé volontaire en 1940 pour la France. Engagé pour l’Algérie française. Nous sommes totalement engagés pour la France et sa culture.

D’ailleurs ce n’est pas moi qui ai relevé le fait que mon grand-père était juif, ce sont des sites antisémites ! Ils voulaient dire « Marine le Pen est mariée avec un Juif ».

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L’homme qui a la réputation de limoger tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ses méthodes et ses idées est donc bien en Israël pour tenter ce qui semblait impossible il y a encore peu de temps : inviter la présidente du Front national à se rendre sur le territoire de l’Etat juif. Pour le moment, le gouvernement israélien se refuse à lancer une telle invitation. Elle devra donc venir, si elle en a envie, à titre privé.

Au cours de l’interview M. Alliot appuie son discours sur deux types d’argument. Dans un premier temps il utilise la peur, fondée et bien réelle en Israël, de l’Islam radical et son écho en France parmi les victimes juives de l’antisémitisme. Puis, il joue d’une prétendue fracture entre les Juifs de France et les responsables communautaires. A l’heure actuelle, le Crif refuse catégoriquement d’inviter Marine le Pen à son diner annuel. Et pour cause : le Front national ne s’est pas du tout débarrassé de ses cadres les plus antisémites et les plus négationnistes. Par ailleurs, il est évident que le Front national se trompe profondémment en affirmant qu'il n'y a pas de communauté juive en France alors même que celle-ci existe depuis des siècles, qu'elle est structurée et qu'un véritable sentiment d'apartenance à une communauté habite les Juifs de France. 

Si le visage de sa présidente a changé, ses structures, elles, restent inchangées par rapport à l’époque de Jean Marie le Pen. Ceux qui travaillent au FN aujourd’hui sont les mêmes que ceux qui y travaillaient lorsque Jean Marie le Pen qualifiait les chambres à gaz de « détail de l’histoire ». Les mêmes qui ont organisé le rapprochement Le Pen – Dieudonné.

Par ailleurs, comme on peut le voir dans l’interview, M. Alliot ne prend, à aucun moment, ses distances avec les déclarations négationnistes et antisémites de Jean Marie le Pen, en se contentant de répondre à côté du sujet et de regretter des « ambigüités ». Dans ces conditions, on comprend pourquoi le Crif estime que le FN n’a pas changé.

En jouant sur les peurs de Juifs de France et des Israéliens, le FN utilise la partition la plus facile et espère faire oublier qu’il a incarné, à visage découvert, pendant des années, leur pire ennemi. Clairement, le FN espère pouvoir créer une alliance de circonstance avec la communauté juive pour devenir fréquentable et accéder à des postes à responsabilités.

Propos recueillis par Julien Bahloul

Guysen News - 12/12/11

 

 

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