Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'Institut d'Egypte: la France demande une enquête

L'incendie, samedi, de la bibliothèque fondée par Bonaparte au Caire souligne la fragilité des richesses historiques du pays à l'heure des troubles.

Que reste-t-il des 200.000 ouvrages de l'Institut d'Égypte ravagé par un incendie, samedi, au Caire, en marge d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre? L'inventaire risque d'être long et le préjudice, immense. La majeure partie de ce fonds n'était pas numérisée. Lundi, près de la place Tah­rir, les 22 employés ainsi que deux membres de l'Unesco et des volontaires continuaient de mettre sous sacs plastique des pages en partie calcinées et des volumes noircis. «Nous avons extrait onze containers d'archives, évaluait le secrétaire général Abdel Rahman al-Charnoubi. Il reste encore deux sous-sols à dégager.»

Le reste des rayonnages d'un bâtiment menaçant désormais de s'écrouler est parti en fumée. Concernant les causes, la France a demandé aux autorités «une enquête exhaustive et transparente». L'armée parle d'un cocktail Molotov; les opposants, d'une provocation. Quoi qu'il en soit, Bernard Valero, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, a pointé «un drame pour la culture universelle, qui illustre les graves dangers que court le patrimoine de l'humanité qu'abrite l'Égypte.» Il a ajouté que «la France était prête à examiner toute demande de soutien à une réhabilitation de l'Institut».

En fin de journée, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, proposait d'ailleurs de mobiliser le savoir faire de la Bibliothèque nationale de France (BnF). «L'action de cette institution a déjà été déterminante pour la sauvegarde de l'Institut des belles-lettres arabes en ­Tunisie.»

 Pour sa part, l'homologue égyptien de M. Mitterrand a qualifié le sinistre de «catastrophe pour la science», et annoncé la «formation d'un comité de spécialistes de la restauration des livres et des manuscrits quand les conditions de sécurité le permettront».

Un ouvrage unique et monumental

«La création, le 22 août 1798, de l'Institut d'Égypte a fortement contribué à marquer d'une empreinte durable les relations si particulières entre la France et l'Égypte, rappelle à Paris Aurélie Clemente-Ruiz, chargée de collection et d'expositions à l'Institut du monde arabe.

 À l'origine, cette émanation de la Commission des sciences et des arts, emmenée par Bonaparte lors de sa campagne, s'était installée dans le grand salon du harem d'un superbe palais mamelouk, abandonné par son propriétaire après la bataille des Pyramides. Ce palais-là a disparu au XIXe siècle. Mais pas la bibliothèque, très hétéroclite, structurée en quatre grandes sections: mathématiques, physique, économie politique, arts et littérature.»

À l'origine, l'Institut d'Égypte comptait 36 membres, choisis parmi les personnalités les plus éminentes de la Commission. Elle s'est réunie deux fois par décade jusqu'en 1801. Elle a notamment débattu de deux théories cruciales pour l'histoire des sciences: l'explication par Gaspard Monge du phénomène des mirages et l'étude de Claude Berthollet sur les lacs de natron - d'où est extraite la soude qu'exporte l'Égypte depuis l'Antiquité -, qui a conduit à remettre en cause la thèse, dominante à l'époque, des affinités électives et à avancer l'idée novatrice d'«équilibre chimique», fondamentale pour l'avènement de la chimie moderne.

Dans d'autres palais contigus, Bonaparte avait fait installer une ménagerie, des laboratoires, ateliers et magasins où l'on déposait des collections de toute sorte. C'est de ce «quartier de l'Institut» que partaient les explorateurs et premiers égyptologues. Leur énorme moisson a donné naissance à un ouvrage unique et monumental: La Description de l'Égypte.

Dès février 1802, Bonaparte, devenu premier consul, en a ordonné la publication. La parution s'étendra sur quelque trente années. Elle mettra à contribution 43 auteurs, 80 artistes et 294 graveurs. Divisée en trois parties - Antiquité, Histoire naturelle et État moderne - la Description comprend 157 mémoires, 47 cartes géographiques et 925 planches, dont certaines atteignent un mètre de longueur. Une presse spéciale a été mise au point pour l'impression par Nicolas Conté. Et il a fallu fabriquer un meuble spécifique pour contenir ses vingt volumes. «La Description est à la source de l'égyptologie, dont le déchiffrement des hiéroglyphes, estime Aurélie Clemente-Ruiz. Elle peut aussi être pensée comme le laboratoire de l'orientalisme artistique, ouvrant la voie à une conception ethnographique qui met à distance la vision impérialiste et se tourne vers d'autres valeurs que celles des sociétés d'Occident.»

Des récits de voyages

L'exemplaire, dont huit volumes ont brûlé samedi, faisait partie de la première édition, tirée à mille. La Bibliothèque d'Alexandrie en conserve un identique, de même, par exemple, que la BnF ou l'Assemblée nationale. L'Imprimerie nationale possède toujours les cuivres. L'Institut d'Égypte conservait également des documents administratifs datant de la présence française, des affiches, divers ouvrages savants et des récits de voyages hollandais et anglais.

Elle possédait enfin les deux premiers périodiques jamais publiés sur les bords du Nil: Le Courrier de l'Égypte, qui reprend l'ordre du jour dicté par le général en chef, et La Décade égyptienne, qui rend principalement compte des travaux de l'Institut. Ces périodiques avaient été édités en deux langues, français et arabe, par l'Imprimerie nationale égyptienne fondée elle aussi par Bonaparte.

Le Figaro - 20/12/11

Commentaires

  • Et que dire des destructions irréparables commises par l'aviation alliée en Allemagne durant ladernière guerre. En Allemagne et dans les pays alentours dont la france. Oublions le Japon, l'indochine, l'Irak etc...Bref ce qui vient de se passer en Egypte n'est qu'un détail de l'histoire. Histoire écrite par nos dirigeants, entre autres...

  • La destruction de cet institut s’inscrit tout à fait dans la tradition de l’Islam, à qui nous devons notre civilisation et nos racines, comme nos grands politiciens, et en particulier Chirac et Sarko, nous l’ont savamment expliqué. Il me semble qu’il y a quelques mois c’est le musée d’Alexandrie qui fut ravagé.
    Rappelons que lorsque Bonaparte fonda cet Institut, c’est le (futur) grand mathématicien et physicien Joseph Fourier (1768-1830) qui en fut nommé secrétaire perpétuel, à peine âgé de 30 ans. Il avait échappé à plusieurs reprises à la guillotine, malgré ses sympathies pour la révolution .Son importante contribution à l’immense « Description de l’Egypte », qui fonda l’égyptologie, lui valut d’être fait Baron par Napoléon.
    Les arabes nous pardonneront, mais on n’a pas réussi à déterminer de quelle tribu arabe Fourier était originaire. Mais on reconnaît que les Arabes ont tout inventé, en dépit des dires de Sylvain Gouguenheim : par exemple le téléphone (arabe), et même, leurs dernières inventions : les saisons (printemps et hiver arabes).

  • la destruction de ce patrimoine arrange peut-étre certains!!
    pour d,autres seule la lecture du coran devrait suffire à l,humanité toute entiére!!
    salutations.

Les commentaires sont fermés.