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L'Autriche carrefour de l'extrême-droite ?

Entretien avec Andreas Peham, chercheur au centre de documentation de la résistance juive de Vienne.

« Malheureusement, je vois un avenir radieux pour l’extrême-droite en Autriche »

Quelle est l’importance du fameux bal qui a eu lieu le 27 janvier?

 Le bal des « Wiener Korporationsring » (WKR) est important pour trois raisons. Premièrement, il est le lieu de démonstration de force des fraternités qui se rattachent au « peuple allemand » et pour certaines d’entre elles à l’idéologie néonazie. Ces confréries se retrouvent au bal, qui a lieu au Palais Hofburg de Vienne, l’ancienne résidence impériale qui sert maintenant de résidence au président fédéral autrichien. Le lieu lui-même souligne donc l’importance de l’événement. Deuxièmement, le bal joue un rôle important pour le réseautage de l’extrême-droite. Avec de nombreux invités internationaux et proches idéologiquement, les liens d’allégeances se construisent ainsi que des arrangements d’affaires. Il y a enfin une dimension politique importante dans ce réseautage exploité par les politiciens de l’extrême droite européenne, Marine Le Pen étant la plus célèbre d’entre eux. Dans les années passées, par exemple, les membres du Vlaams Belang ou du NPD allemand étaient invités au bal. Ainsi, le bal des WKR joue le rôle de rassemblement politique central pour l’extrême droite européenne.

 Comment l’opinion publique autrichienne a-t-elle réagi à ce bal ?

 C’est une question difficile, et des données exhaustives ne peuvent être fournies pour y répondre. En règle générale, l’opinion publique est divisée sur le bal. La majorité de ceux qui ne sont pas indifférents envers le bal s’y opposent. Mais la puissance des fraternités ne doit pas être surestimée.  Etant donné que moins de cinq pour cent de la population autrichienne se considère « allemande », l’idéologie des fraternités ne trouve pas beaucoup d’adeptes.

 Comment voyez-vous l’avenir de l’extrême-droite dans votre pays ?

 Malheureusement, je vois un avenir radieux pour l’extrême-droite en Autriche. Trois facteurs peuvent être identifiés ici. Premièrement, la stratégie de maximisation des voix du Parti de la Liberté semble très bien fonctionner. Les derniers sondages estiment le Parti de la Liberté à 27 pour cent des suffrages, ce qui ferait de lui le deuxième parti d’Autriche, juste un pour cent derrière les socio-démocrates (SPO). Le Parti de la Liberté est, comme il est bien connu, le véhicule politique de l’extrême-droite socialement acceptable. Récemment par exemple, le Président du Parti de la Liberté, Heinz-Christian Strache, a suivi une stratégie de communication plus modérée, une tentative pour apparaître plus « capable de gouverner ». Deuxièmement, les politiciens des autres partis, tels le SPO ou le Parti populaire conservateur modéré (OVP) ont souvent sous-estimé la dangerosité de l’extrême droite, dans une certaine mesure, parce qu’ils ont gardé des options ouvertes de « fusion ». Troisièmement, la presse tabloïd en Autriche, la plus importante étant l’influent Kronen Zeitung, minimise aussi l’extrême-droite, l’opinion publique ne réagit pas de manière significative. Cela contribue positivement à la crédibilité de la stratégie du Parti de la Liberté de se présenter comme un parti « normal » et contribue à légitimer des événements comme le bal du WKR.

 Comment expliquez-vous la présence de Marine Le Pen ?

 Marine Le Pen a été invitée par le président du Parti de la Liberté Heinz-Christian Strache. Sa présence a été une surprise sans aucun doute, étant données ses tentatives récentes visant à faire disparaître l’antisémitisme et les réminiscences de l’idéologie nazie. Cependant, le bal du WKR reste un événement de réseautage important pour la politique d’extrême droite en Europe. Sous cet angle, on peut supposer que le bal a été utilisé pour cultiver des contacts et les liens entre le Parti de la Liberté et le Front national. Comme Wolfgang Jung, un ancien député du Parti de la Liberté, l’a dit récemment à la télévision : « Pourquoi ne devrait-il y avoir aucune internationale des nationalistes ? ». Encore une fois, il faut insister sur l’aspect politique du bal. Dans le passé, le père de Marine Le Pen et son principal adversaire au sein du parti, Bruno Gollnish, avaient été invités au bal.

Le Crif - 07/02/12

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