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Guéant, les étrangers, la délinquance... Mais de qui et de quoi parle-t-il ? (Interview)

Vendredi soir en meeting près de Nancy (Meurthe-et-Moselle), le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a associé dans son discours "la délinquance" et "les étrangers" et ce, chiffres à l’appui : "Il y a 5,8 % d'étrangers en France alors que 13 % des condamnations concernent les étrangers", a-t-il soutenu. D’où viennent ces chiffres ? Sont-ils "justes" ? Quelle est la réalité de la délinquance "étrangère" ? Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS, répond aux questions de "France-Soir".

 Claude Guéant à Velaine-en-Haye (Meurthe-et-Moselle), vendredi 2 mars
 

France-Soir Que pensez-vous des chiffres avancés par le ministre de l’Intérieur qui assure que « les étrangers » sont plus condamnés que le reste de la population ? D’où proviennent ces chiffres ?
Laurent Mucchielli Ces chiffres ne sont que la justification d’une stratégie politicienne et en rien l’expression du réel.
Ces chiffres sont ceux de la police, ceux du « fichier Etat 4001 ». Ce sont les chiffres fournis par les services de police, de gendarmerie et la préfecture de police de Paris, qui comprennent les crimes ou délits portés à la connaissance de ces services ou découverts par ceux-ci. Ça n’est qu’une partie du réel mais ça n’est pas « le » réel. La grande majorité de la réalité échappe à cette comptabilité.

"Ces chiffres servent le pouvoir politique au moment opportun"

D’autant que l’on sait que – puisque l’on parle des étrangers ici – que ceux-ci sont davantage ciblés par l’action policière pour « faire du chiffre » – intensifié par le phénomène du « contrôle au faciès » – et que ceux-ci sont écrits d’avance. On dit à tel ou tel service de façon claire et écrite de « rapporter » un certain nombre d’infractions du terrain, d’aller chercher tant d’étrangers en situation irrégulière pour pouvoir ensuite présenter les bons chiffres en matière de reconduite à la frontière par exemple… Eh oui parce que le seul fait d’être un étranger en situation irrégulière fait de vous un « délinquant » en France.
Cela fait quarante ans que le problème se pose sur la solidité de ces chiffres qui servent le pouvoir politique au moment opportun, que l’on arrange et que l’on politise au lieu d’avoir des évaluations techniques justes avec un classement scientifique.

"L'échelle régionale est pertinente pour étudier les phénomènes de délinquance"

F. –S. Y a-t-il un moyen de connaître « réellement » la réalité de la délinquance ?
L. M. Il n’y a à l’heure actuelle aucun moyen indépendant aucun outil scientifique piloté par des chercheurs pour évaluer les réalités de la délinquance. En région PACA j’ai créé l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux (ORDCS) dans un cadre universitaire avec un Conseil scientifique de 8 membres dont 6 personnalités du monde universitaire et scientifique, un commissaire de police et un magistrat. Une organisation indépendante et régionale parce que c’est la bonne échelle pour étudier ces phénomènes complexes. La « délinquance » à Marseille n’a évidemment rien à voir avec celle qui a lieu dans la campagne bretonne…

"L’ONDRP est complètement affidé au pouvoir"

F. –S. Il y a pourtant l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) qui existe et présente des rapports annuels à l’échelle nationale ?
L. M. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) n’a aucune indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, comme par ailleurs du pouvoir économique… Cette instance n’est pas reconnue par le monde la recherche. Son dirigeant est nommé par le Président de la République ! En 2000, Lionel Jospin avait commandé un rapport à deux députés, un de droite et un de gauche, pour mettre fin à la polémique sur ces chiffres et aborder avec sérieux ces questions. Il en ressortait la nécessité d’une instance indépendante… Trois ans plus tard Nicolas Sarkozy est ministre de l’Intérieur et créé l’ONDRP qui est complètement affidé au pouvoir.


F. –S. Comment Claude Guéant peut-il alors présenter ces chiffres sur les étrangers ? Les statistiques ethniques ne sont-elles pas interdites ?
L. M. Sur les fiches de police on inscrit trois caractéristiques qui « sortent » : l’âge, le sexe et la nationalité. C’est sur cette base qu’existent ces chiffres présentés.

"Est étranger celui qui ne possède pas la nationalité française. Ça fait du monde"

F. –S. Qui sont les « étrangers » dont parle le ministre de l’Intérieur Claude Guéant ?
L. M. C’est la question. De qui parle Claude Guéant ? Qui désigne-t-il ? Les immigrés ? Les Français d’origine étrangère ? Est étranger celui qui ne possède pas la nationalité française. Ça fait du monde. Il n’y a pas que les migrants, il y a donc aussi les touristes et ceux qui séjournent temporairement sur le territoire.

"Le Qatari qui rachète le PSG...est étranger aussi"

F. –S. Il y aurait donc une « diversité » ?
L. M. Oui ! Que je sache tous ne sont pas délinquants ! « Les étrangers » ça ne veut rien dire. Il y a ceux, discrets, qui vivent dans les beaux quartiers et sont conduits dans des luxueuses berlines Mercedes derrière des vitres fumées et il y en a d’autres plus visibles qui sont dans la rue – dont la figure caricaturale est le roumain. La population « des étrangers » est extrêmement variée, elle va du Qatari qui rachète le PSG au passager clandestin qui vient de débarquer à Marseille faisant la manche sur le Vieux Port. On voit bien qu’il n’y a pas d’unité. En réalité les problèmes sont infiniment plus complexes il y une réelle diversité à faire comprendre. La « population étrangère » ça n’existe pas c’est une construction mythique. Comme si il y avait les Gaulois et les Barbares…

"Il faut réfléchir aux mots utilisés par les politiques"

F. –S. Et pour ce qui est de la délinquance ?
L. M. C’est pareil pour « la délinquance ». Qu’est ce que cela veut dire ? Rien. Il n’y a pas « une » délinquance. On ne peut pas mesurer « la délinquance » parce qu’il n’y a aucun rapport entre un vol de carte bleue et le séjour irrégulier sur le territoire.
Ce n’est pas sérieux d’utiliser les mots comme cela sans prendre du recul. Il ne faut pas accepter ces abus de langage, le faire c’est accepté d’être infantilisé par les pouvoirs publics.

"Le discours de Claude Guéant est xénophobe"

Par contre on peut mesurer d’autres choses. Des choses précises et concrètes parce qu’il y a des activités précises et concrètes. Le vol par exemple. Il y aussi le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants. Sur chacun de ces phénomènes on devrait pouvoir appliquer indépendamment des autres phénomènes nos connaissances, avec les bons indicateurs et les dernières évolutions des recherches menées pour comprendre ces réalités et lutter contre. Cela exige des techniciens, des scientifiques indépendants des pouvoirs politiques.
Il faut réfléchir aux mots utilisés par les politiques – comme « la délinquance » ou « les étrangers » ici – parce que ceux-ci disent tout et n’importe quoi et sont utilisés à des fins électorales. Le discours de Claude Guéant est xénophobe et vise, en période de crise, à ratisser les voix du Front national pour le premier tour de l’élection présidentielle. C’est assez clair, non ?

 

France-Soir - 03/03/12

Commentaires

  • les étrangers trés riches qui achétent des hotéls particuliers , se déplacent en limousine , font travailler du personnel , cela ne génent évidemment pas les indigénes Français de souche ou pas , par contre c,est toute la misére du monde qui vient chercher mangeaille et habitat , à défaut de se faire une place trés grasse au soleil , ceux là oui commencent à grandement géner la population laborieuse qui n,en finit pas de passer à la caisse , et qui en plus est emmerdée par des coutumes qui ne sont pas les siennes ,malgré sa grande générosité !!sauf évidemment pour la classe politique de gauche , les assocs , bobos et autres gogos!!
    salutations.

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