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Charles BAUDELAIRE (1821-1867)

Chant d'automne

 

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

 

Les Fleurs du mal

Commentaires

  • Beaucoup de poètes célèbrent l'automne de la même manière, comme un crépuscule sombre et angoissant, mais Baudelaire de manière encore plus sombre que les autres, avec un style bien sûr exceptionnel. Voilà une belle illustration de son spleen maladif et d'un esprit dépressif (ou mystique ?). A ma connaissance, il n'a jamais chanté le printemps, la saison la plus célébrée par la plupart des poètes. Ce dandy n'aimait pas la nature et ne l'a jamais comprise selon moi.
    Bien sûr, je ne m'exprime que sur le fond, pas sur la forme, celle de l'un de nos plus grands poètes.

  • ce chant d,automne nous concerne particulièrement, nous les derniers souchiens!!
    salutations.

  • Gaelle,
    je n'aime pas le debut de ce poeme, mias la fin me plait beaucoup, vous l'avez oubliee!
    J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
    Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
    Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
    Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

    Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez mère,
    Même pour un ingrat, même pour un méchant;
    Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
    D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

    Courte tâche! La tombe attend; elle est avide!
    Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
    Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
    De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!

    — Charles Baudelaire

  • @ nelly, non je ne l'ai pas oubliée et je la connais. Mais c'est le Chant I que je préfère, car il se rapporte, mystérieusement prophétique, à ce que l'on nous fait vivre en France. La France entre dans un hiver glacé... et la colère gronde en nous, je l'espère. C'est le cercueil de la France qul'on cloue quelque part!

    Amitiés

  • @ parvus: eh oui! C'est pourquoi je n'ai posté que le Chant I !
    Qui devrait être celui des derniers FDS lucides! Hélas!

    Poème magnifique et prophétique!

  • Ce qui ne signifie pas que je n'aime pas aussi le Chant II, qui est splendide!

    Quel génie de la poésie!

  • Ah! Ce spleen qui s'abat quelquefois, un soir d'automne,sur l'âme expatriée,blessée,privée de son Idéal.

    Comme vous avez bien choisi ce poème, Gaëlle!

    Je pense aussi au poème "Le cygne":

    "Andromaque,je pense à vous!Ce petit fleuve,
    Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
    L'immense majesté de vos douleurs de veuve,
    Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,

    A fécondé soudain ma mémoire fertile,
    Comme je traversais le nouveau Carrousel.
    Le vieux Paris n'est plus [...]"

  • @Gaelle,
    Je ne l'avais pas vu sous cet aspect. Mais à la relecture, comme c'est évident !!! C'est bien cela !

  • @ dirk: c'est seulement il y a quelques jours que repensant à ce poème, que je connais depuis longtemps, j'ai vu soudain cet autre aspect, le monde dans lequel on vit aujourd'hui, le sort de la France et des autres nations d'Europe, les sentiments de colère, la fin d'une civilisation...

    Les grands poètes sont des visionnaires.

  • Ce chant d automne devient pour notre pays le chant du cygne ...

  • Gaelle,
    je ne l'avais pas vu sous ce jour.. De loin la France ne me paraissait pas pas aussi desesperee...
    Merci de me le faire remarquer..Meme si cela me fait froid dans le dos...

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