Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Accouchement de l'A20: "Ma grossesse n'était pas à risque" - Témoignage d'Anne-Sophie Delestre

L’enfant avait déjà un prénom, Béatrice. Elle est née à 7 mois de gestation, dans une voiture, sur l’A20, à la hauteur du péage de Montfaucon. Et n’a survécu que "quelques minutes", faute de soins adaptés. Un drame qui a entraîné une polémique sur les déserts médicaux et les conditions de prise en charge des naissances dans les zones isolées. François Hollande a demandé l'ouverture d'une enquête administrative, qui est en cours. Très perturbée par les articles de presse sur le drame, "qui disent des choses fausses", la mère de l’enfant a décidé de prendre la parole. Anne-Sophie Delestre, 35 ans, qualiticienne dans une entreprise, installée avec son compagnon Emmanuel Vaissières à La Capelle-Marival (Lot), confie pour la première fois au "Nouvel Observateur" sa version du drame.

Vous contestez la version du drame véhiculée par les médias. Que s’est-il passé précisément vendredi 19 octobre ?

- Je n’ai jamais fait "plusieurs fausses couches", comme j’ai pu le lire. C’était ma première grossesse, et elle n’était pas "à risque". On m’avait juste recommandé de ne pas conduire et de ne pas porter de poids lourds parce que j’avais un léger décollement du placenta, qui pouvait entraîner quelques saignements. Cela arrive à beaucoup de femmes. Mais je n’ai pas été alitée, ma grossesse s’est déroulée normalement. J’ai été très bien suivie par mon obstétricien à Figeac. Un praticien reconnu, qui a 25 ans de métier.

Il n’a pas fait d’erreur en vous envoyant à Brive-la-Gaillarde plutôt que dans une maternité plus proche ?

- Non. La petite commençait à descendre et j’avais des contractions, mais le col de l’utérus était fermé. Le gynécologue a estimé que j’avais quatre heures devant moi pour arriver à Brive, ce qui est très large. On m’attendait là-bas. Personne ne pouvait savoir que le bébé arriverait aussi vite.

Mais pourquoi Brive plutôt que Cahors, Villefranche-de-Rouergue ou Aurillac, plus proches de Figeac sur la carte ?

- Tous ces trajets prennent plus ou moins une heure, à 10 minutes près. Quand on m’a demandé où je voulais accoucher au début de ma grossesse, j’ai choisi Brive parce que la route est plus facile. Comme je devais accoucher en décembre et qu’il y a beaucoup de verglas dans la région, c’était important. Et puis il fallait bien que j’en choisisse une ! Il n’y avait aucune raison pour que j’accouche d’un prématuré. C’est à Brive que j’ai fait mon amniocentèse, tout s’est très bien passé.

Vous quittez donc Figeac pour Brive en voiture. Qui conduit alors ?

- Mon compagnon ! Evidemment pas moi ! Mais 20 minutes après être partis de Figeac, j’ai perdu les eaux. Il devait être 12h40. Puis tout s’est enchaîné. Quand la petite est née, elle vivait. Elle bougeait contre moi. Mais au bout de quelques minutes, c’était fini. Un bébé prématuré de sept mois ne tient pas s’il n’est pas mis en couveuse immédiatement.

Quand les pompiers sont-ils arrivés ?

- Ils ont dû mettre un quart d’heure, 20 minutes à venir. Puis le Smur est arrivé aussi. Mais la petite était morte. Ils l’ont constaté à 13h25. En tout cas, il est faux de dire que nous n’avons pas appelé les pompiers suffisamment tôt. On cherchait un endroit pour se garer. C’est pour ça qu’on a atterri à l’aire de La Bastide-Murat. Je n’accuse personne, on aurait fait différemment, ça n’aurait rien changé. La petite pesait 700 grammes.

700 grammes, c’est vraiment très peu à 7 mois…

- Marisol Touraine a dit qu’elle était très petite. Mais non, elle faisait 31 cm ! 700 grammes, ce n’est pas si petit pour 7 mois. C’est dans les deux derniers mois qu’elle devait prendre du poids.

Ils n’ont pas détecté d'anormalité à l’échographie ?

- Non, mais on ne détecte pas tout. C’est toujours approximatif. En tout cas, pour un bébé de ce poids, dans ces conditions, il n’y avait aucune solution. Si j’avais été sur place, oui, ils me l’auraient sauvée certainement. Mais là, je ne serais arrivée à temps dans aucune maternité. Ni nous, ni l’obstétricien, que je soutiens totalement, sont en cause. C’est une douleur immense, un deuil horrible. Et quand je vois que ça fait la Une le lendemain, ça amplifie…

Vous parlez du débat sur les déserts médicaux ?

- On a été indigné par la politisation de notre drame. Et le manque de compassion total à notre égard. Jamais un mot pour nous. Les journalistes, eux, se sont pointés à la maison. RTL est resté devant chez nous. Ils nous ont trouvés parce que France Inter a diffusé le nom de mon compagnon. Mais surtout, j’ai été choquée par les journaux à scandale. Des journalistes de "Paris Match" sont venus jusque dans les couloirs de l’hôpital à Cahors pour prendre des photos. C’est inadmissible. C’est du voyeurisme. Profiter du drame des personnes, c’est inhumain.

Vous êtes désormais rentrée chez vous...

- Oui. La prise en charge psychologique à l'hôpital de Cahors a été très bonne. Nous attendons le retour du corps de la petite pour l'inhumer, parce que j'ai demandé une autopsie. Je veux que la cérémonie se passe juste entre mon compagnon et moi. Nous ne voulons personne d'autre.

Propos recueillis par Morgane Bertrand le 23 octobre 2012 - Le Nouvel Observateur

Commentaires

  • S'il avait été question d'une fatma, la chorale médiatique nous chanterait le choeur des vierges en larmes, sauce machin ou le merdrap s'étrangleraient de colère.
    Mais non, pas du tout, les grandes gueules professionnelles se taisent, leur silence nous casse les oreilles ( nous sommes accrocs sans doute).
    Il ne s'agit que d'une Française, une vraie de vraie, en attente de substitution.
    Les allogènes, bizarrement , sont souvent ( quasiment toujours) très proches des lieux médicaux et médiatiquement prioritaires.

  • Voilà une bien sinistre histoire qui fait honte à la France : pendant que toutes les instances politiques et administratives exigent que la France soigne gratuitement n’importe quel sans papier arrivant en France, on refuse l’accès aux soins à nos compatriotes. Il faut souligner que, comme dans ce cas, il est souvent nécessaire d’avoir une voiture pour se rendre dans un hôpital : or, on ne se gêne pas pour multiplier les obstacles à la circulation automobile sous les prétextes les plus fantaisistes car tout est bon pour persécuter l’honnête automobiliste ! On voit le résultat !
    PS : histoire à metttre en parallèle avec celle du chaton d’Avignon !

  • évidemment! lorsque l,on sait combien nous revient chaque année l,AME , pas étonnant ensuite qu,il n,y a pas de budget pour les déserts médicaux !!
    salutations.

Les commentaires sont fermés.