Un élève-officier de 24 ans est décédé lors d'un exercice de nuit dans un étang à Saint-Cyr Coëtquidan (Morbihan), probablement de noyade accidentelle, et deux enquêtes ont été ouvertes, l'une par la justice, l'autre par le ministère de la Défense.
Une association de défense des militaires, l'Adefdromil, a estimé que l'exercice dans lequel l'élève-officier avait trouvé la mort était "ni plus, ni moins qu'un bizutage".
Le sous-lieutenant Jallal Hami, de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (qui compte trois bataillons d'environ 145 élèves chacun), avait intégré l'école directement en 3e année "sur titre" en raison de son niveau d'études.
Comme il est de coutume pour les élèves dans son cas, le jeune homme, originaire de la région parisienne, participait lundi à une soirée dans le cadre du cursus de transmission des traditions avec les élèves de première année, avec un programme validé par les autorités militaires, a-t-on appris auprès du procureur de la République de Vannes, Thierry Phelippeau.
La soirée, la deuxième du genre depuis la rentrée, portait sur le thème de la Seconde guerre mondiale, et "sur la base du volontariat", 12 élèves ont ensuite participé à une épreuve physique vers minuit, la traversée d'un étang sur environ 50 mètres, encadrée par des élèves de deuxième année, a expliqué le procureur.
Lors de l'exercice, pour lequel des projecteurs éclairaient l'étang, une coupure de courant a eu lieu pendant "quelques minutes". Après cette coupure, des recherches ont été lancées pour retrouver le jeune sous-lieutenant qui manquait à l'appel et dont le corps sans vie a finalement été découvert.
"On privilégie la thèse d'un décès accidentel, vraisemblablement par noyade", a expliqué M. Phelippeau. Comme pour tout décès, une enquête a été ouverte pour rechercher les causes de la mort, confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Vannes, et une autopsie devait avoir lieu mardi après-midi.
Dans un communiqué, une association de défense des militaires, l'Adefdromil, a affirmé que "cette activité programmée n'était ni plus, ni moins qu'un bizutage, appelé "bahutage" à Saint-Cyr et transformée en "transmission de traditions" pour camoufler une activité interdite, sous une appellation relevant de la langue de bois".
"Enquête de commandement"
Outre l'enquête en cours, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, informé du "tragique décès" de l'élève-officier survenu dans le camp de Coëtquidan, a ordonné "une enquête de commandement visant à déterminer dans les plus brefs délais les circonstances" du drame "et les responsabilités éventuelles".
Selon ce communiqué, Jallal Hami "avait démontré un rare sens du collectif et de grandes qualités intellectuelles et morales. Il parachevait à l'Ecole de Saint-Cyr une scolarité déjà brillante".
Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan ont été marquées par le décès de deux élèves officiers dans la nuit du 12 au 13 janvier 2004, lors d'un exercice en montagne.
Les deux élèves, un Nigérian et un Togolais, participaient à un exercice d'aguerrissement en Haute-Ubaye et étaient morts de froid. Deux officiers avaient été condamnés à des peines de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Marseille en 2007 pour avoir involontairement causé la mort des deux élèves.
L'accusation reprochait aux officiers d'avoir voulu rejoindre un objectif en une journée alors qu'il était prévu en deux jours, entraînant l'épuisement des stagiaires qui se sont retrouvés piégés dans des conditions décrites par certains comme apocalyptiques.
Saint-Cyr Coëtquidan forme les futurs officiers de l'armée de Terre dans quatre écoles différentes: l'Ecole spéciale militaire (200 officiers issus du recrutement externe, formés en un ou trois ans), l'Ecole militaire inter-armes (recrutement interne, 100 officiers formés en deux ans), l'Ecole d'administration militaire et le 4e bataillon de l'Ecole spéciale militaire (stages courts d'une semaine à six mois pour 1.200 stagiaires par an).
Libération - 30/10/12