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Meurtre en Corse: qui était Jacques Nacer?

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L'histoire bégaie sur l'île où les tragédies se suivent et se ressemblent, où un deuil en chasse un autre. Cette fois c'est Jacques Nacer, 49 ans, président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse-du-Sud qui a été tué mercredi 14 novembre peu avant 19 heures à Ajaccio. Presqu'un mois jour pour jour après l'assassinat de Me Antoine Sollacaro, le 16 octobre, le commerçant, un notable local connu de tous, a été abattu alors qu'il fermait sa boutique Ecce Uomo, rue Fesch, à quelques encablures du lieu du meurtre de l'avocat. La juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille devait ouvrir, jeudi, une enquête pour "assassinat en bande organisée".

Voie piétonne et bordée de petits commerces, la rue Fesch est avec le Cour Napoléon dont elle est parallèle, la principale artère de la cité. Jeudi matin, les lieux du crime avaient été complètement nettoyés. Un témoin raconte que "quelques cartons de vêtements traînaient sur le trottoir devant l'entrée de la boutique avec le nom du propriétaire gravé sur la façade". A Ajaccio, une fois de plus, l'émoi le dispute à la colère. Mercredi soir, de nombreuses personnes ont accouru. En l'espace de quelques minutes, la rumeur a envahi les terrasses de café: "Nacer a été tué." Dans les heures qui ont suivi, les réactions habituelles se sont succédé. "C'est dramatique et effroyable" a déploré le procureur de la République de Corse-du-Sud, Xavier Bonhomme. "Un crime horrible" a renchéri le préfet de Corse, Patrick Strzoda. "La Corse est endeuillée depuis trop d'années par des assassinats", s'est indigné le président de la République, François Hollande.

Jacques Nacer a été exécuté par un homme seul, arrivé et reparti à pied selon plusieurs témoins. "Cela n'empêche pas qu'il pouvait avoir un complice un peu plus loin qui l'a ensuite aidé à prendre la fuite", a indiqué Xavier Bonhomme. L'homme était coiffé d'un bonnet et avait le visage dissimulé sous une cagoule. Il a fait feu à bout portant : au moins deux balles ont été tirées dans la tête et une troisième aurait atteint le thorax. Aucune douille n'a été retrouvée sur les lieux, ce qui laisse penser que l'arme utilisée pouvait être un 357 magnum ou un P 38. Une arme différente de celle qui avait servi pour le meurtre d'Antoine Sollacaro. Dans la nuit de mercredi à jeudi, des policiers de l'office central de lutte contre la criminalité organisée ont été dépêchés en renfort sur l'île.

Jacques Nacer, père de deux enfants était issu d'une famille juive arrivée sur l'île pendant la seconde guerre mondiale, pour échapper aux rafles. Il avait été élu à la présidence de la CCI en novembre 2008. Il avait alors pris la succession de Raymond Ceccaldi qui, en décembre 2007 avait été incarcéré dans l'affaire d'abus de biens sociaux de la société méditerranéenne de sécurité (SMS), avant d'être condamné par le tribunal correctionnel de Marseille en juin 2011.

CONVOITISES

Jacques Nacer avait été choisi à ce poste pour sa proximité avec Antoine Nivaggioni, ex-dirigeant nationaliste, patron de la SMS accusé d'avoir détourné d'importantes sommes de sa société pour son bénéfice personnel. Assassiné en octobre 2010, Antoine Nivaggioni était le bras droit d'Alain Orsoni, ancien chef nationaliste du Mouvement pour l'autonomie (MPA), devenu homme d'affaires et président du club de football l'AC Ajaccio. Jacques Nacer, qui n'a jamais été engagé dans la cause nationaliste, était un proche d'Orsoni et le secrétaire général de l'AC Ajaccio.

Lire : La vie rangée" d'Alain Orsoni, ex-baron du nationalisme corse" et (zone abonnés) Le gouvernement affiche sa détermination en Corse

Dès son installation à la présidence de la CCI, il s'était employé à défendre son ami Nivaggioni et les autres personnes renvoyées devant la justice. "La CCI n'a pas subi de préjudices" estimait-il, soucieux de dédouaner ses amis, dans une lettre écrite à Marc Rivet, substitut au parquet de la JIRS de Marseille.

Au printemps 2011, Jacques Nacer n'avait pas manqué une seule journée de l'audience correctionnelle où comparaissaient les 17 personnes renvoyées dans l'affaire de la SMS. Il soutenait les accusés et les témoins cités à la barre.

Reste à comprendre les raisons de son assassinat. Institution consulaire pourvoyeuse d'emplois, la CCI a toujours été l'objet de convoitises. Elle joue un rôle important dans l'attribution des marchés publics. Dans les années 1990, le MPA d'Alain Orsoni s'était appliqué à y promouvoir leurs hommes. Une fois reconvertis dans les affaires, ils ont conservé leur mainmise sur cette institution qui avait notamment permis à Antoine Nivaggioni et à la SMS de décrocher le contrat de la sécurité de l'aéroport Campo dell'oro à Ajaccio.

Yves Bordenave

Le Monde -15/11/12

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