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Robert Badinter : « Leur seul ciment ? La détestation de Hollande »

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PROPOS RECUEILLIS PAR ROSALIE LUCAS ET HENRI VERNET | Publié le 01.02.2014, 21h26 | Mise à jour : 02.02.2014, 13h20

 

 

                 PARIS, LE 30 JANVER 2014. L'ancien garde des Sceaux Robert Badinter à son domicile parisien, dans le VIe arrondissement. | LP/DELPHINE GOLDSZTEJN                      

                

L’avocat et universitaire Robert Badinter avait aboli la peine de en 1981 quand il était ministre de la . A 85 ans, ce Sage de la République, ancien du Conseil constitutionnel, se désole de la « dégénérescence » du débat politique.

Etes-vous étonné par l’ampleur prise par la rumeur sur la théorie du genre ?


ROBERT BADINTER. Plus l’histoire que vous diffusez est incroyable, plus elle a de chance d’être crue. <btn_noimpr>
 
 
Goebbels, le grand responsable de la propagande nazie, le disait déjà : tant qu’à mentir, mieux vaut que le mensonge soit énorme, c’est plus crédible. Il n’y a donc rien de nouveau dans ce phénomène. Sauf que les techniques modernes de communication et les réseaux sociaux permettent d’atteindre immédiatement un public considérable. Le péril est là.

Que ces rumeurs soient immédiatement crues ne vous paraît pas nouveau ?
Rappelons-nous l’étude d’Edgar Morin sur « la rumeur d’Orléans ». En 1969, circulait à Orléans une rumeur selon laquelle les femmes qui allaient acheter chez certains commerçants juifs disparaissaient et étaient vendues à des bordels d’Amérique du Sud. C’était délirant, mais la rumeur s’était répandue. Dire aujourd’hui que des représentants d’associations d’homosexuels ou lesbiennes vont venir faire des cours dans les écoles pour effacer les distinctions entre fille et garçon, c’est absurde!

Faites-vous un lien entre cette rumeur et la manifestation Jour de colère de dimanche dernier ?
Plusieurs courants se sont regroupés pour donner l’illusion du nombre, qui ont pour seul ciment la détestation de François Hollande et des réformes du gouvernement. Mais le plus saisissant, ce sont les cris antisémites poussés par certains manifestants. C’est la première fois depuis la fin de l’Occupation que l’on entend hurler dans les rues de Paris « dehors les Juifs ». Enfant, j’ai vu sur les murs des maisons écrit à la craie « mort à Blum, mort aux juifs ». Après la guerre, on n’osait plus tenir de tels propos. J’ai vécu adolescent la nuit de l’Occupation. Je sais ce que signifient la haine des juifs et le cri « dehors les juifs ». Ces slogans de dimanche sont mortifères et ils atteignent de plein fouet la République. Le peuple français est composé de tous les citoyens, sans aucune discrimination entre eux, quelles que soient leurs origines, leur religion. C’est cela la vision universaliste de l’être humain qui est au cœur même de la République française.

Les réactions politiques ont-elles été à la hauteur ?
J’ai le sentiment que tout le monde a été surpris. Mais face à une telle provocation fasciste, à ces cris infâmes, j’aurais souhaité des réactions plus vives, des appels d’associations de défense des droits de l’homme et des partis républicains pour organiser une grande manifestation de protestation. Il faut rappeler chaque fois que nécessaire que la République française ne peut pas tolérer ces cris, pas plus qu’elle ne saurait laisser passer des slogans « dehors les musulmans » ou « dehors les Arabes ».

Ce dimanche, ce sont les opposants au mariage pour tous qui défilent. Etes-vous surpris que cette loi divise autant ?

Ce texte est voté, la loi a été déclarée constitutionnelle, elle doit donc être appliquée. C’est cela l’ordre républicain. Les adversaires de la loi peuvent demander lors des prochaines élections la suppression du mariage pour tous. On verra d’ailleurs quels partis oseront le faire. Mais elle est aujourd’hui la loi et on doit s’y conformer.

Constatez-vous un abaissement du débat politique ?
Il y a une forme de dégénérescence. Le débat est désormais instantané, en raison des nouvelles techniques de communication. Et il est moins contrôlé. Le filtre des rédactions des médias ou des organisations politiques disparaît. L’essentiel se passe sur des réseaux sociaux, s’inscrit dans des petites phrases diffusées aussitôt, dans des réactions instantanées souvent anonymes. Ce changement technologique induit inévitablement un appauvrissement du débat politique.

Dans ces mouvements, il y a aussi des slogans « Hollande dégage » et on entend à l’Assemblée certains députés de droite faire un procès en illégitimité au président…
Pure démagogie! Le président Hollande a été élu régulièrement, tout comme la majorité parlementaire. Il est vrai que j’ai déjà entendu il y a trente ans ce genre de propos. En 1981, après l’élection triomphale de Mitterrand et d’une majorité de gauche, la droite parlait toujours d’une « expérience socialiste », comme si Marianne avait fait une fugue hors du domicile conjugal dans les bras des socialistes. Ce qui est saisissant en revanche, c’est que depuis que le chômage a commencé à exploser, à partir de 1977, à chaque élection nationale, sauf une, il y a eu un changement de majorité. J’appelle cela la loi de l’insomnie. Vous êtes au lit, souffrant, vous ne dormez pas. Que faites-vous? Vous êtes sur le côté gauche, vous vous tournez sur le côté droit. Et comme vous ne dormez toujours pas, vous rechangez, en vain. Tant que le chômage, qui est le cancer de la France, persistera à un haut niveau, il en ira ainsi.

Le FN peut-il profiter de ce climat lors des prochaines élections ?
Aux municipales, l’opposition fera sans doute quelques progrès, la présence du FN sera un peu plus forte, mais je ne m’attends pas à un grand bouleversement. Aux européennes, que les électeurs boudent trop volontiers, l’enjeu politique sera d’une grande importance. Il s’agit du rapport des Français à l’Union européenne. Le risque de désamour est évident. Il faut donc s’attendre à une grande victoire de l’abstention. Inévitablement, cela profitera aux extrêmes. Je le regretterai, car je suis un Européen convaincu. Le propos de François Mitterrand : « La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir » est toujours vrai dans ce monde globalisé. Ce que je redoute, c’est que l’incompréhension et l’indifférence du public transforment ce scrutin européen en un vote de défiance à l’égard du gouvernement.

Approuvez-vous le tournant social-démocrate de François Hollande ?
Absolument, mais je n’ai pas de mérite parce que j’ai toujours été social-démocrate. Je l’étais déjà en 1981, alors que ce n’était guère à la mode. Le tournant était inévitable. Il y a un refus d’investir dans l’économie nationale. Même les grands groupes français investissent en dehors de l’Hexagone une grande part de leurs profits. Quant aux firmes étrangères, elles renoncent trop souvent à investir en France en disant : trop de charges, trop d’impôts, trop de réglementation… Mais plus inquiétant à mes yeux que la fuite des capitaux, il y a la fuite des cerveaux. Attention à ce que notre jeunesse, et notamment ses éléments les mieux formés, ne projette pas sa carrière hors de nos frontières. Ce serait un péril grave pour l’avenir de la France.

François Hollande est-il au niveau présidentiel ?
Certainement. Encore faudrait-il souhaiter qu’il bénéficie de ce facteur important en politique : la chance.

LeParisien.fr

Commentaires

  • monsieur badinter se trompe, pour la manifestation "jour de colére" quelques manifestant ont crié "CRIF, la FRANCE n'est pas à toi"ce qui est devenu par les interprète habituels, "juif à mort"!!!!! avec la version licrasseuse du geste de la quenelle.., déformée en "salut nazi inversé..."on ne s'étonnera plus de rien! comme il dit "plus c'est gros plus çà passe, nous avons l'habitude......

  • pas de surprises dans ses déclarations : le sieur Badinter fait du Badinter .
    salutations.

  • On entend régulièrement dire que tous ces débats dits "sociétaux" (avortement, mariage homo, genre, etc…) ne sont faits que pour créer une diversion sur les problèmes économiques et le chômage. C'est sans doute vrai, mais accessoire.
    Ils constituent en fait un ensemble cohérent, visant un seul objectif : la dissolution du socle de notre identité et de nos valeurs les plus enracinées, la destruction de la famille et du peuple de souche, le pourrissement moral du peuple transformé en masse percluse de culpabilités....
    Ce n'est pas un hasard si l'on retrouve toujours les mêmes artisans de cette décadence voulue, etc...

  • La détestation de Hollande ? Certes, mais aussi celle de Valls, Peillon, Moscovici, Fabius et de … Badinter dont on ne risque pas d’oublier la malfaisance. Lorsqu’il a aboli la peine de mort, il avait affirmé que la perpétuité était pire : on connaît la réalité : la perpétuité a disparu depuis ! Menteur comme tous les socialistes !

  • Badinter la ramène avec sa vieille "rumeur d'Orléans! - Vieux xxxx malfaisant !

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