Viviane et Pierre Lambert, les parents de Vincent, mardi avant la décision du Conseil d'État. Crédits photo : FRANCOIS BOUCHON
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a pris le contre-pied du Conseil d'État en maintenant ce jeune tétraplégique en vie.
Le coup de théâtre survenu dans l'affaire Lambert mardi soir, après que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a pris le contre-pied du Conseil d'État en maintenant ce jeune tétraplégique en vie, a un impact majeur dans cette procédure aux développements sans précédent. Symboliquement d'abord, avec l'ingérence des Droits de l'homme qui, s'il y a examen au fond, vont interpréter ce dossier jusque-là jugé sous le seul angle administratif. Surtout, le rebondissement repousse les délais d'arbitrage et exacerbe les tiraillements entre les membres opposés de la famille qui, au quotidien, doivent se partager une réalité ubuesque au chevet de Vincent Lambert.
Dans sa chambre d'hôpital de Reims, où il est «consigné» par la CEDH qui a interdit à la France de le déplacer, il est aussi dans un bunker ultrasécurisé qui parle bien de l'atmosphère de méfiance et de paranoïa qui règne autour de son «cas». La porte de sa chambre est équipée d'«une serrure tracée permettant l'enregistrement des entrées et sorties avec trois clefs», précise «la procédure de sécurisation», instaurée par l'hôpital. Dans le couloir, une caméra filme les allées et venues, dans la chambre un «babyphone» enregistre les sons. Tout visiteur inconnu du personnel soignant est refusé. Une carte d'identité est nécessaire pour tous les membres de la famille, lesquels sont accompagnés par l'équipe médicale pour l'ouverture de la porte, stipule l'étonnant dispositif. Le personnel «vérifie l'état du patient» à chaque entrée et sortie du visiteur et «lorsque le patient est seul, la porte de sa chambre est fermée à clef». Dans son point 8, la procédure, symbolique des tensions, indique, «en cas de décès de Monsieur Vincent Lambert», de «ne rien toucher afin de préserver les traces et indices», «ne pas toucher au corps ni aux objets dans la chambre», de «fermer la porte à clef», de «prévenir immédiatement le directeur de garde et le médecin de garde qui, lui non plus, ne pourra pas toucher au corps».
« Mon mari et moi-même, nous sommes ravis de la décision de la CEDH , c'est un grand soulagement !»
Ces précautions ont été mises en place dès le 17 janvier 2014 par le Dr Éric Kariger, médecin de Vincent Lambert à l'origine de son processus de fin de vie, au lendemain de la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui l'obligeait pour la seconde fois à le maintenir en vie.
Un quotidien glaçant parti pour durer des mois encore, même si chacun évite de se croiser. Les parents de Vincent Lambert, depuis janvier, ont quitté leur maison du Sud pour s'installer à Reims. Son épouse, Rachel, a déménagé en Belgique avec la fillette du couple qui a aujourd'hui 6 ans. «Quand j'ai appris la décision de la Cour européenne par les médias, je me suis effondrée et j'ai pleuré. C'est encore une nouvelle épreuve qui se présente à Vincent et c'est très dur», a-t-elle déclaré mercredi. Pour le Dr Éric Kariger mais aussi un neveu de Vincent Lambert et le député UMP Jean Leonetti, «c'est le délai et le recours de trop». Un «acharnement judiciaire», a même avancé le père de la loi sur la fin de vie.
«Mon mari et moi-même, nous sommes ravis de la décision de la CEDH, c'est un grand soulagement !, disait mercredi la mère de Vincent Lambert avant de se rendre à son chevet. Et, ce matin, j'ai envie de lui dire: “Vincent, on a encore gagné une nouvelle fois!”»
Silence du côté du Conseil d'État. Difficile pour lui de mal juger les mesures provisoires de la CEDH, d'autant qu'il s'était rallié - comme le salue l'ouvrage de Frédéric Sudre (Droit européen et international des droits de l'homme, PUF) - à l'interprétation de la CEDH dans une suspension de la procédure d'expulsion d'un étranger vers l'Algérie. Dans une ordonnance de référé du 30 juin 2009, il estimait que «l'inobservation des mesures provisoires prescrites par la Cour» constituait «un manquement» au «droit de recours individuel de l'art. 34» et «une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale»…
Commentaires
difficile ! pour ma part si je me trouvais dans un cas similaire , je préfèrerais partir que de finir comme un "légume".
à chacun sa conscience sur ce douloureux sujet .
salutations.