21/08/2014 – PARIS (via Minute)
Quel avenir pour la « doctrine Chauprade » ? C’est maintenant la question qui se pose au Front national, et singulièrement à Marine Le Pen, après que le géopoliticien, qui est son conseiller, a publié un texte qui a fait l’effet d’une bombe. Il y décline tout ce qui devrait constituer la politique étrangère de la France. Or pour le moment, ce qu’il avance n’est pas la doctrine du Front national.
A trois mois du XVème congrès du Front national, qui se tiendra les 29 et 30 novembre à Lyon et s’annonçait sans enjeu majeur, Aymeric Chauprade vient de frapper un grand coup qui a, entre autres mérites, celui de poser les véritables questions de fond, celles qui fâchent et que le Front national, qui rechignait à les traiter frontalement, va bien devoir trancher s’il veut accéder au pouvoir.
Le 11 août, au jour anniversaire de la bataille des Thermopyles qui, en 480 av. J.-C., vit les Spartiates commandés par le roi Léonidas se sacrifier pour donner aux Grecs le temps de s’organiser face à l’avancée perse qui allait les submerger, au jour anniversaire, aussi, de la canonisation de Louis IX devenu saint Louis, Aymeric Chauprade, député au Parlement européen et conseiller de Marine Le Pen pour les affaires internationales, a publié un long manifeste.
Certes, sa publication est intervenue sur son blog personnel(1) et n’engage pas le Front national. Certes, le texte est simplement titré : « La France face à la question islamique : les choix crédibles pour un avenir français ». Mais il est déjà perçu comme un « Manifeste pour une nouvelle politique internationale de la France », en rupture totale avec la diplomatie de François Hollande, avec celle de son prédécesseur… et avec la ligne non dénuée d’arrière-pensées d’une partie du Front national, de ses compagnons de route et de certains conseillers occultes de sa présidente.
Si l’« ennemi mondialiste » est « imaginaire »…
Que dit Chauprade ? Enormément de choses. Il en dit tellement que, dans les réactions qui se multiplient dans les milieux de la droite nationale ou de l’extrême droite, il apparaît que chacun n’y a vu que ce qu’il voulait y lire – ou plutôt ce qu’il aurait préféré ne pas y lire, tant les réactions sont vives, voire insultantes. Dans la mouvance d’Egalité et Réconciliation, le mouvement d’Alain Soral dont l’influence est importante sur une partie des cadres du Front national (et au-delà), les mots de « traître » et de « vendu » sont employés.
En adepte du théoricien et philosophe catholique allemand Carl Schmitt, Chauprade fait sienne la notion d’ennemi prioritaire. « La France, écrit-il, n’a aujourd’hui qu’un véritable ennemi : le fondamentalisme islamique sunnite. » En vertu de quoi il affirme ceci, écrit en caractères gras : « A moins donc qu’il ne soit gouverné par un antisémitisme obsessionnel, un patriote français ne peut chercher à former, contre Israël, et avec l’extrême gauche pro-palestinienne, la racaille de banlieue et les islamistes une alliance à la fois contre-nature et sans issue politique. »
Evidence pour l’électeur frontiste de base, direz-vous, mais pas pour une partie – en voie de réduction mais toujours influente – de l’appareil frontiste, qui persiste d’une part à croire à la possibilité, pour Marine Le Pen, de s’attirer le vote musulman, d’autre part à tenir le « sionisme » pour la source de tous les maux, camouflant (mal) derrière ce vocable au sens mystérieux un antisémitisme en effet « obsessionnel ».
Sur ce même thème, Chauprade va encore plus loin, rompant cette fois, sans prendre de gants, avec la ligne défendue, par exemple, par le vice-président du FN Florian Philippot, se démarquant aussi clairement avec la ligne de Jean-Yves Le Gallou, le très écouté président du laboratoire d’idées Polémia (lequel n’a pas encore réagi) : « Un vrai patriote français doit être capable de hiérarchiser les dangers qui menacent la France, de refuser l’idéologie et les constructions intellectuelles simplistes lui désignant un ennemi mondialiste imaginaire contre lequel il faudrait mener une révolution mondiale. »
Or si le mondialisme est un ennemi « imaginaire », c’est tout un pan, et pas le moindre, de la doctrine frontiste qui est à repenser. Y compris et d’abord le plus contesté : son volet économique.
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Commentaires
J'ai trouvé les propos de Chauprade pour le moins surprenants et c'est peu dire, décevants. J'avais de l'estime jusqu'ici pour ses analyses géopolitiques, mais je ne comprends pas ses dernières positions en porte à faux vis à vis des fondamentaux du FN. Il y a des limites à la dédiabolisation, et cette fois elles ont été dépassées. Il est temps que Marine reprenne les choses en main et maîtrise sa stratégie ! Je crois que Chauprade n'a plus rien à faire au FN.
A contrario, le FN n'a pas non plus à rechercher le vote des musulmans ! Les ennemis de nos ennemis pour une fois ne sont pas nos amis !
En d'autres termes : "Ni babouches ! Ni kippas !"
Dirk, j'ai écouté attentivement tous les discours de meeting de Marine (et particulièrement ceux prononcés à Marseille!) et il ne m'a pas semblé qu'elle recherchait le vote des musulmans.
Elle est laïque et pro-française, avant tout, elle ne recherche les votes que de ceux qui sont "pour la France".
Chauprade peut l'entraîner vers de graves erreurs de stratégie.
@Gaëlle,
Ce n'est pas à Marine que je pensais en évoquant certains lèche-babouches de "notre camp" qui voudraient infléchir la politique du FN en faveur de ces populations, sous le tortueux prétexte d' "antisionisme" (les ennemis de nos ennemis, etc..).