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Le billet d'humeur de Jacques Aboucaya, critique et écrivain

La hiérarchie ? Horresco referens !

 

Puisqu’il y a des nains, faisons des portes basses

René Benjamin

 

Impayable, ce gouvernement. Dans tous les sens du terme. Laissons de côté l’acception littérale qui convient pourtant au citoyen pressuré d’impôts. Ne conservons que la métaphore, dans le sens que lui donne Larousse : « Impayable : qui étonne par son côté extraordinaire ou très comique, ridicule. »

 

Autant de qualificatifs qui vont comme un gant au pouvoir en place. Pas une décision qui ne déconcerte – ou ne consterne. Ainsi dans le domaine de l’éducation. Après les ballons d’essai pour introduire, dès le plus jeune âge, la théorie du genre issue de cerveaux enfiévrés, tentative afin d’abolir toute distinction et qui, provisoirement mise en sommeil, ne manquera pas de reparaître, voici qu’un nouveau projet s’apprête à voir le jour : la suppression des notes, des moyennes et des classements à l’école.

 

Prétexte invoqué, les traumatismes insupportables infligés aux élèves qui obtiennent de mauvais résultats. A en croire les têtes pensantes sévissant dans les instances ministérielles, spécialistes des « sciences de l’éducation » et autres pédagogues patentés, l‘enfant traînerait à vie cette atteinte à sa dignité. Toute évaluation chiffrée, la moindre mauvaise note le plongerait dans des affres, le conduirait au bord de la dépression. Voire au suicide. Comme, paraît-il, la fessée paternelle ou maternelle. Il s’agirait donc d’abolir au plus tôt cette pratique barbare de la notation, en vigueur depuis des siècles. De la remplacer par un système propre à valoriser en toute circonstance les chères têtes blondes. A préparer pour elles un chemin sans obstacles, semé de roses, d’où la moindre difficulté serait bannie. Ainsi naîtrait enfin un monde harmonieux.  Disparaîtrait dès lors l’insupportable dichotomie entre forts et faibles, cancres et surdoués, dominants et dominés, exploiteurs et exploités, maîtres et esclaves, que sais-je ? Bref,  la mesure projetée ouvrirait la voie vers un monde idéal où régnerait enfin non la compétition, mais l’égalité. Et donc le bonheur universel.

 

Ah, les bons apôtres ! Voilà qui appelle quelques remarques, et d’abord que les prétextes invoqués ne sont rien moins que fallacieux. Si les mauvaises notes, les moyennes trimestrielles, les classements avaient un effet si terrifiant, il y a beau temps que le taux des suicides aurait explosé dans notre pays. Comme le nombre des cliniques pour dépressifs chroniques. Du reste, je défie quiconque de citer un seul enfant poussé à la dernière extrémité par des résultats scolaires médiocres. L’absence de référence, l’impossibilité de se mesurer à d’autres auraient, immanquablement, un effet contreproductif. Qui pourrait raisonnablement nier que l’émulation, la confrontation, la stimulation réciproque qui en résulte, sont nécessaires à la formation de la personnalité. A l’épanouissement personnel. A l’apprentissage de la vie d’adulte, avec ce qu’elle implique d’efforts sur soi et de perpétuel dépassement.

 

La réalité est, bien entendu, toute différente de celle dont on nous tympanise. Comme, du reste, les vraies motivations d’idéologues qui ne reculent pas devant les ficelles les plus grosses. De qui s’agit-il ? Avant tout, de masquer la baisse continue, hallucinante, cataclysmique du niveau scolaire, fruit d’une politique démagogique dont les fruits ne sauraient être qu’amers. D’abandons en renoncements, de tolérance en permissivité, de laxisme en abdications successives, l’école a fabriqué des générations d’illettrés qui entrent en sixième sans savoir lire. On les retrouve pourtant à l’université. Sans la moindre culture, ni  même les bases élémentaires d’orthographe. Une réalité si effrayante que tous les moyens sont bons pour la masquer. Abaisser les seuils d’exigence aux divers examens (quand on ne les supprime pas purement et simplement) se révélant insuffisant, il fallait bien trouver un moyen sinon d’endiguer la décadence, au moins de la dissimuler au bon peuple. D’où la suppression de critères qui ont pourtant fait leurs preuves.

 

Encore le non-dit, dans cette affaire, dépasse-t-il le seul souci de masquer la vérité. Il procède de convictions profondes. D’une idéologie fondée sur la haine rabique des différences. Le refus de toute hiérarchie. Le dogme imbécile de l’égalité, que tout, dans la nature, contredit. Il existe des esprits plus ou moins agiles, plus ou moins ouverts, comme il est des grands et des petits, des gros et des maigres, des blonds et des bruns. Inutile de s’étendre sur un constat que chacun peut faire s’il est de bonne foi. La négation de l’inné, la valorisation de l’acquit, tarte à la crème des théoriciens de gauche, ont beau résister aux faits qui, à en croire Lénine, sont pourtant têtus, ils restent une croyance de base. Voire un socle intangible.

 

Il y a mieux, ou pis : les têtes d’oeuf qui défendent ce projet de réforme, tentent de justifier l’abandon des notes chiffrées au profit d’un vague système de groupes de niveau (une fois de plus, la primauté du collectif sur l’individuel). Ils ont le front de présenter celui-ci comme une nouveauté. C’est parier sur l’amnésie de nos concitoyens. Ou leur indifférence à l’égard de ce qu’ils prennent, bien à tort, pour des querelles de spécialistes. Le système, en effet, a été utilisé peu après 68, quand l’évaluation en cinq niveaux a supplanté la traditionnelle notation sur 20. A vrai dire sur une courte période, car les professeurs ont très vite introduit les nuances qu’ils jugeaient nécessaires, A, A+, A-, B, B+, B-, etc. Tant et si bien qu’on est subrepticement revenu à une échelle plus proche du classement habituel. Jusqu’au retour pur et simple au statu quo ante.

 

Qu’en conclure ? Qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et que des mesures présentées abusivement comme révolutionnaires sont, en fait, des recettes éculées qui ont déjà fait montre de leur inefficacité. Que le simple bon sens constitue une fragile barrière contre les ravages d’une idéologie partisane, sectaire. Laquelle, après avoir été chassée par la porte, revient par la fenêtre. Les Français étaient naguère encore, dit-on, considérés comme le peuple le plus intelligent de la terre. Il n’est que temps qu’ils en apportent la preuve.

 

Jacques Aboucaya

Commentaires

  • Quel commentaire apporter à ce brillant billet de notre cher Aboucaya ? Sinon, dire que je suis d’accord à 100% avec ce qu’il écrit. Faisons connaître d’urgence ce texte autour de nous : peut-être que les consciences s’éveilleront. En tout cas merci à Jacques et merci à Colette de l’avoir publié.

  • Ce billet d'humeur est excellent: tout y est dit! J(ajoute que Jacques Aboucaya a été professeur de lettres classiques dans un lycée, et qu'il sait de quoi il parle! C'est un plaisir de le lire.

  • Peuple le plus intelligent de la planète !
    A voir .
    Peuple inconséquent , cela n'est pas contestable .

    Philippe de Champaigne , Poussin , Rameau , Descartes et Poincaré , Colbert et Napoléon . En quoi serions-nous dignes de tels ancêtres nous qui élisons librement des Sarko et des Holland ?
    Ce passé que nous invoquons hors de propos est celui d'un peuple avec lequel nous entretenons des rapports de plus en plus ténus .
    Nous sommes une colonie de bernard-l'hermite .

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