L'art oratoire à Rome et à Athènes était indissociable du succès politique, publique, social. Aussi son vocabulaire imprégne-t-il non seulement les nombreux discours d'éloquence judiciaire (ceux de Cicéron sont les plus célèbres), mais également la littérature. Crédits photo : 46080321/Erica Guilane-Nachez - Fotolia
Pour le magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole, l'apprentissage du latin et du grec, loin de s'opposer à notre conception du progrès lui donne sens. Il l'enrichit et fournit à la culture de l'immédiateté la profondeur d'une source originelle.
Les langues anciennes résistent à tout, et d'abord à leur mort prétendue.
Accusons leurs fossoyeurs pressés plutôt qu'elles-mêmes.
Devoir les défendre comme si elles constituaient un passif, une charge, alors qu'elles sont riches d'avenir et créatrices de cultures et de civilisations magnifiques est un comble. Qui révèle moins leur inutilité que le piètre niveau de notre société perdue dans une modernité oublieuse des repères fondamentaux. Des liens essentiels.
Entre le passé et aujourd'hui, entre les racines et le présent, entre le latin et le grec d'un côté et Internet de l'autre. Le paradoxe est que sur beaucoup de plans superficiels, on nous rebat les oreilles avec ce terme «racines » mais on occulte le fait qu'elles sont constituées d'abord par ces deux langues anciennes et leur assise culturelle et historique. Les racines invoquées sans cesse par le snobisme ignorant valent mieux que celles du savoir et de l'héritage.
Loin de s'opposer à notre conception du progrès un tantinet naïve, le latin et le grec lui donnent sens. Ils l'enrichissent et fournissent à la culture de l'immédiateté la profondeur d'une source originelle.
L'apprentissage des langues anciennes forme à une gymnastique de l'esprit qui sera acquise pour toujours
Entre ces langues fondatrices et la langue, la littérature française. La structure logique du latin, son vocabulaire, sa grammaire, son importance pour l'étymologie, la souplesse et la ductilité de la phrase pour le grec, la finesse des raisonnements et la sophistication des analyses ont directement créé, par une contagion bienfaisante, notre langue maternelle, quand elle est bien parlée et écrite, et irrigué nos grandes œuvres classiques et contemporaines. Sans le latin et le grec qui ont été le terreau, la France et les pays européens seraient orphelins.
L'apprentissage des langues anciennes forme à une gymnastique de l'esprit qui sera acquise pour toujours.
Qu'on ne soupçonne pas ce constat irréfutable d'être élitiste alors qu'on sait qu'au collège, les enfants de troisième qui étudient le latin ont en moyenne trois points de plus en français que les autres et que l'histoire et la culture latines offrent, par exemple à de jeunes Maghrébins, l'opportunité de découvrir que leur pays a fait partie de l'Empire romain comme la Gaule.
Qu'on n'accable pas non plus ces langues anciennes en leur reprochant de faire l'admiration et d'avoir forgé la culture de «réactionnaires» quand tout démontre au contraire que leur caractère universel et l'humanité qu'elles recèlent sont aux antipodes d'une telle régression.
À rebours, je considère que la relégation du latin et du grec, non seulement par la gauche à cause d'un préjugé politique absurde mais, plus tristement, par la droite, provient sûrement d'une peur face à des citoyens rendus vigilants, critiques, aptes à la contradiction et à la dialectique grâce à eux. Éliminons ces matières dangereuses!
Les langues anciennes sont moribondes parce que la malfaisance veut les tuer. Il est indécent de s'arroger le droit de les défendre, comme si elles étaient coupables, alors que ce sont elles, à vie dans nos esprits et nos sensibilités, qui nous défendent contre le sommaire, le péremptoire, la bêtise, la pauvreté de la langue et la vulgarité de l'esprit.
LE FIGARO
Commentaires
Très bon plaidoyer de Bilger pour le latin et le grec qui sont nos racines culturelles et ‘civilisationnelles’. Lorsque le Grec fut éliminer de l’enseignement scolaire, je me souviens du combat de Jacqueline de Romilly en faveur de son maintien : peine perdue, elle ne faisait pas le poids face aux incultes de l’UMPS pour qui l’urgence était de ne plus rien enseigner pour résoudre les problèmes de l’école !
Cependant je pense que Bilger se fait des illusions quand il croit que l’apprentissage du latin et du grec est l’occasion pour les magrébins de découvrir que leur pays a fait partie de l’empire romain. A cela plusieurs raisons :
1) Il ne s’agit pas de leur pays, car pour eux leur pays a commencé au milieu du VIIème siècle avec les invasions arabes qui ont entrainé le remplacement des populations indigènes par les Arabes: il en résulte qu’ils ne sentent aucun lien avec les populations de ces territoires avant ces invasions. Par contre les pieds noirs dont beaucoup étaient d’origine italienne, grecque ou espagnole se sont toujours sentis très proches de l’empire romain, et ils aimaient se référer au grand Saint Augustin;
2) C’est la France qui a façonné les trois pays d’Afrique du nord : Algérie, Tunisie et Maroc, même si le royaume Marocain a une très ancienne existence ; l’Algérie n’existait pas avant 1837, date de sa création par la France et de l’invention du mot ‘Algérie’, soit 7 ans à peine après la prise d'Alger ;
3) Et il faudrait qu’ils consentent à apprendre à l’école, ce qui est loin d’être le cas.
Les meilleurs en latin étaient aussi les meilleurs en math(s).
Former des générations d'incultes , c'est faire régresser - encore - notre pays .
L'égalitarisme affiché dissimule la volonté d'appauvrissement culturel de notre peuple au profit de ses maîtres réels .
Des générations d'ilotes , voilà le but poursuivi par nos maîtres naturels .
Nous serons déclassés dans tous les domaines . L'apport continu d'Africains ne peut nous laisser aucun doute sur notre futur . Tous les psychologues le savent ( ceux qui ne macèrent pas dans la " psychanalyse " , cette imposture pour constipés )
Et pendant ce temps le phare de l'Asie orientale pratique une politique aux antipodes de l'Occident . Grand bien lui fasse !